Publié le 11.01.22 - Temps de lecture : 4 minutes

Penser et développer le tiers-lieu, essentiel pour soutenir l’attractivité du territoire

La multiplication des tiers-lieux sur l’ensemble de l’Hexagone incarne la nouvelle donne territoriale et représente une opportunité pour les collectivités de créer les conditions d’accueil de nouveaux arrivants, de renforcer leur vitalité culturelle, et de créer des emplois locaux dans une démarche collective.

Les initiatives public-privé se développent partout sur le territoire pour co-construire des pôles de développement économique et renforcer les liens sociaux. Si certains sont dédiés au co-working, essentiellement dans les métropoles, les tiers-lieux s’adaptent aux besoins locaux et s’implantent avec “une dynamique de la proximité, du faire ensemble et de l’innovation. De véritables laboratoires de la ville de demain.” selon la maire de Beauvais, Caroline Cayeux. Voici trois pistes pour développer les tiers-lieux en région, par Anne-Sophie de La Gorce, experte du développement numérique des territoires à la Direction régionale IDF de la Caisse des Dépôts, et Patrick Lévy-Waitz, président de l’association France Tiers-Lieux.

Rééquilibrer les territoires et réenchanter les quartiers prioritaires

Il y a actuellement 2 500 tiers-lieux en France et l’objectif national est d’en déployer jusqu’à 1 000 supplémentaires d’ici la fin de l’année 2022. La priorité réside dans les périphéries, les cœurs de villes moyennes et les villages. Selon Patrick Lévy-Waitz, pour ces 1 000 tiers-lieux à venir, l’insertion de services d’utilité publique est un enjeu pour les collectivités. Cela permettrait d’attirer de nouveaux habitants dans le contexte post-Covid, et pallier certaines lacunes des territoires, qui voient fermer des cellules commerciales ou servicielles indispensables à la vie urbaine. “Aujourd’hui, quelques cafés sont couplés à des bureaux de poste, mais cela reste marginal. Ce n’est pas encore la logique des grandes structures nationales, mais ce sera une évidence pour demain, notamment dans les cœurs de ville. Les tiers-lieux sont des objets mutants qui permettront ces évolutions d’usages et de services.” 

Alors que la pratique du télétravail s’est banalisée ces deux dernières années, elle s’accompagne d’un exode rural des citadins et en particulier des Franciliens. Ceux-ci sont encore nombreux à partir pour améliorer leur cadre de vie. Cependant, si la barrière mentale des portes de Paris s’est atténuée pour les salariés, il s’agit avant tout selon Anne-Sophie de La Gorce “d’embarquer les entreprises pour qu’elles investissent des tiers-lieux sur l’ensemble du territoire, et ainsi offrir à leur salariés les infrastructures nécessaires pour travailler à distance et s’épanouir, autant sur les plans professionnels que personnels”. Nexity propose d’ores et déjà des lieux intermédiaires entre le bureau et le domicile, en anticipation de l’archipélisation des lieux de travail. Et porte la conviction que l’avenir du travail passe par le bureau, le domicile mais aussi les tiers-lieux qui doivent être suffisants, aux bons endroits et de qualité.


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Dans un contexte de désertification des cœurs de ville, dont le phénomène s’est accentué avec la pandémie, les tiers-lieux pourraient par ailleurs participer à limiter l’étalement urbain en réhabilitant les friches en ville. “Les tiers-lieux permettent de remettre du lien social et une dynamique économique. Ils matérialisent la réappropriation du territoire par les habitants et les citoyens, et cela peut s’incarner dans autant de friches et de commerces désaffectés.” (Patrick Lévy-Waitz)

Impliquer les citoyens pour bâtir un système collectif

Pour la collectivité, le tiers-lieu de proximité est une opportunité sur-mesure pour renforcer sa vitalité culturelle, favoriser l’innovation, lutter contre la fracture numérique, créer de l’emploi local ou encore amorcer sa transition écologique.  “En réalité, tout est possible. Ce qui fait l’unité de ces lieux, c’est qu’ils répondent à un objectif commun : être au service des habitants.” (Anne-Sophie de La Gorce)

Alors qu’en métropole, une majorité de tiers-lieux sont exploités par des acteurs du coworking, la mixité d’activités est cruciale pour la pérennisation du tiers-lieu en région. “Par nature, il y a moins d’activité économique quand on quitte les métropoles, on trouve alors moins de télétravailleurs, et ce malgré l’exode des salariés dans le contexte post-pandémie. La mixité d’activités est un facteur de réussite, dont la clé de voûte est le collectif. Les tiers-lieux ne peuvent exister qu’en s’appuyant sur les hommes et les femmes qui portent le projet, avec le soutien de la ville pour développer la communauté qui l’anime. Sans cette dynamique commune, cela crée des lieux vides, que les collectivités ont du mal à porter.” (Patrick Lévy-Waitz)

Pour déployer une telle diversité d’usages, la Banque des Territoires les accompagne en matière d’ingénierie de projet et de financement, et s’appuie sur ses partenaires, Plateau Urbain, Fab City et Campus des Tiers-lieux, dans la réflexion sur les usages et les services. “Pour que le tiers-lieu s’implante dans la durée, sa stabilité économique et financière est capitale. Nous mettons à disposition des collectivités des outils de simulation économique pour identifier les forces et les faiblesses du projet.” (Anne-Sophie de la Gorce) Le modèle économique des tiers-lieux peut être hybride et reposer à parts égales sur ses recettes en propre et des subventions publiques.

Engager les jeunes et soutenir l’entrepreneuriat local

Une énergie qui fédère toutes les générations, et qui s’appuie notamment sur les jeunes : les tiers-lieux se veulent ouverts et conviviaux, mais aussi vecteurs d’intelligence et de solidarité collective. “Les 3 000 missions de service civique mises en place avec l’État permettront aux jeunes de s’engager dans leur territoire et de découvrir de nouveaux modes d’apprentissage par le “faire”. Le tiers-lieu est à la fois un espace d’utilité sociale, culturelle et éducative.” (Patrick Lévy-Waitz) Des missions qui pourront porter sur la médiation numérique, l’entretien des potagers partagés, l’animation d’ateliers de sensibilisation à l’écologie ou l’alimentation durable… En parallèle, l’État soutient le déploiement de la formation professionnelle dans les tiers-lieux, avec un budget de 50 millions d’euros pour y accueillir des apprenants. À ce jour, plus de 50 % des tiers-lieux ont mis en place des partenariats avec des structures éducatives (collèges, lycées, universités…), ce qui place les établissements d’enseignement au troisième rang des partenaires les plus conséquents.

La région Nouvelle Aquitaine est pionnière en matière de tiers-lieux de proximité en France : on y trouve trois fois plus de tiers-lieux hors métropole qu’à Bordeaux intramuros. Un ratio qui va à l’encontre du modèle de la capitale, où l’on compte presque six fois plus de tiers-lieux à Paris qu’en Île-de-France. Cela souligne le caractère précurseur de la Nouvelle Aquitaine en matière de tiers-lieux, où la région a délégué pendant 10 ans leur conception à des acteurs clés du territoire. Dans le reste de l’hexagone, 20 % des tiers-lieux proposent des services d’incubateurs, et mettent à disposition les outils nécessaires pour accompagner les projets de création d’activité. 49 % possèdent des fab-labs et valorisent ainsi la production locale. Autant d’opportunités pour les habitants non métropolitains de lancer une activité entrepreneuriale en région.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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