
Villes et intelligence artificielle : la révolution tranquille
Chatbots pour répondre aux usagers, feux rouges régulés par des algorithmes, éclairage public ajusté en temps réel… L’intelligence artificielle s’installe partout en ville. De Singapour à Barcelone aux villes françaises, les municipalités testent ces outils pour améliorer leurs services.
À RETENIR
- L’intelligence artificielle est de plus en plus intégrée dans la gestion urbaine en France et à l’international, avec des applications variées : chatbots, régulation du trafic, gestion énergétique, ou encore maintenance prédictive.
- Singapour et Dubaï mènent la course mondiale, utilisant l’IA à grande échelle pour fluidifier la circulation, numériser les services publics, et centraliser les données urbaines, malgré des critiques sur la transparence.
- En Europe, l’usage de l’IA reste plus ciblé et encadré, avec des projets concrets à Barcelone, Copenhague ou Dijon visant la durabilité et l’amélioration des services au quotidien.
- Les défis persistent : manque de moyens, préoccupations éthiques, et méfiance des citoyens, que certaines villes tentent d’atténuer par des politiques de transparence, comme à Helsinki.
En quelques années, l’intelligence artificielle est passée du discours à la pratique dans les villes françaises. Après quelques expérimentations isolées en 2022, elles sont désormais des centaines à tester chatbots, algorithmes de maintenance ou encore des systèmes de gestion énergétique. Et le mouvement s’accélère : près d’une ville sur six envisage de déployer l’IA dans les prochains mois d’après le baromètre de l’observatoire Data Publica publié en novembre dernier. Une dynamique qui rejoint celle observée à l’international : de Singapour à Barcelone, l’IA s’impose comme un outil discret mais décisif pour gérer la ville au quotidien.
Singapour et Dubaï : les pionnières mondiales
Souvent classée en tête des « smart cities » par le Smart City Index, Singapour est considérée comme la ville la plus avancée en matière d’IA appliquée à la gestion urbaine. La ville a notamment déployé des capteurs connectés qui régulent en temps réel la circulation, réduisant les embouteillages de près de 20 %. L’IA est aussi utilisée pour analyser la pollution, optimiser la consommation énergétique des bâtiments ou encore pour anticiper la maintenance des infrastructures publiques.
À Dubaï, l’ambition est claire : devenir la première métropole entièrement pilotée par l’intelligence artificielle. Depuis 2017, la stratégie « AI Everything » prévoit de basculer 100 % des services publics vers le numérique d’ici 2030. Taxis autonomes, capteurs urbains, centralisation des données …autant de projets qui doivent transformer la ville en vitrine mondiale de l’IA. Les Émirats arabes unis ont même franchi une étape symbolique en nommant, dès 2017, le premier ministre d’État au monde chargé de l’intelligence artificielle. Mais derrière cette vitrine technologique, des critiques persistent et notamment l’absence de transparence et le contrôle accru des habitants.
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En Europe, une IA plus plus discrète et encadrée
En Europe, les projets s’ancrent davantage dans le quotidien et l’environnement. À Barcelone, des capteurs intelligents équipent les parcs et jardins : ils permettent d’adapter l’irrigation et ont réduit de 25 % la consommation d’eau municipale. À Copenhague, l’IA modélise les risques d’inondation liés au climat, une nécessité pour une capitale particulièrement exposée à la montée des eaux.
En France, la trajectoire est plus progressive mais certains projets font figure d’exemple. À Dijon, la plateforme « OnDijon » centralise depuis 2019 la gestion de la circulation, de l’éclairage et de la sécurité urbaine. À Angers, la métropole a investi 178 millions d’euros dans un vaste plan de modernisation intégrant des capteurs connectés et de l’IA pour la maintenance prédictive. À Lyon, les flux de mobilité sont analysés en temps réel pour mieux planifier les déplacements. De son côté, Paris expérimente des outils d’IA pour automatiser une partie des démarches administratives. Mais l’innovation ne se limite pas aux grandes métropoles. Pour les petites villes, l’intelligence artificielle devient aussi un levier d’attractivité et d’efficacité. L’association des petites villes de France souligne ainsi que plusieurs usages émergent également dans ces communes. Pour optimiser la gestion des déchets par exemple, ou encore pour dynamiser le tourisme et valoriser le patrimoine local.
Malgré des usages de l’IA qui se multiplient partout en France, les défis restent réels : manque de compétences en interne, budgets contraints, mais aussi débats éthiques et une certaine méfiance des habitants. Selon le Baromètre du numérique 2024, 56% des Français n’ont pas confiance en l’IA. Pour lever ces craintes, certaines municipalités misent sur la transparence. À Helsinki, par exemple, tous les algorithmes utilisés sont rendus publics, une démarche saluée par l’OCDE comme un modèle de gouvernance numérique et qui inspire déjà d’autres capitales européennes.