
Repenser les villes à hauteur d’enfants pour les rendre plus durables
Aujourd’hui, un nombre croissant de collectivités repensent leurs espaces publics à hauteur d’enfants pour répondre à des enjeux d’inclusion et de durabilité. En adaptant la ville aux besoins des plus jeunes, elles favorisent des modes de vie plus sains et plus sobres qui profitent à l’ensemble des citoyens. Explications.
À RETENIR
- La ville actuelle limite fortement l’autonomie et l’activité physique des enfants, avec une baisse marquée des déplacements à pied ou à vélo et du jeu en extérieur, selon les données de l’Ademe et de l’INVS.
- Plusieurs collectivités, comme Lyon, Paris ou Avignon, mettent en place des aménagements sécurisés et végétalisés (rues piétonnes, trottoirs élargis, zones 30 km/h) pour favoriser la mobilité douce et l’autonomie des jeunes.
- Des espaces spécifiques sont conçus pour encourager les jeux libres, l’exploration et la sociabilité des enfants dans un cadre sécurisé et accessible.
- Ces initiatives, en limitant la place de la voiture et en favorisant nature, inclusion et modes de vie durables, participent à une transformation écologique et sociale bénéfique à l’ensemble de la population.
Selon l’étude « Faire la taille : Pour des Territoires à Hauteur d’Enfants » réalisée en janvier 2025 par l’Ademe (Agence de la transition écologique), seulement 35 à 40 % des enfants se rendent aujourd’hui à l’école à pied ou à vélo, contre 60 % il y a 30 ans. Par ailleurs, 4 enfants sur 10, âgés de 3 à 10 ans, ne jouent jamais dehors pendant la semaine, d’après l’Institut National de Veille Sanitaire.
L’aménagement urbain tel qu’il est conçu ne permet pas aux plus jeunes d’entre nous de marcher, de jouer et de respirer librement. Pour repenser la ville à hauteur d’enfants, il faut donc repenser leur place dans l’espace public. Cela nécessite de prendre en compte leurs usages et leurs besoins en limitant la place dévolue aux voitures, en créant des espaces qui leur sont dédiés, et en sécurisant les trajets qui mènent à l’école, aux espaces verts ou aux airs de jeux. Pour y parvenir, quelles sont les solutions les plus pertinentes développées par les collectivités ? En quoi ces aménagements rendent-ils la ville plus durable ?
Repenser la ville à hauteur d’enfants
Pour adapter la ville aux enfants, il faut commencer par apaiser la circulation et prévenir les risques d’accident liés au trafic automobile. Pour ce faire, les collectivités misent sur la piétonisation des rues et les mobilités douces. « Aujourd’hui, l’objectif est de prendre en considération l’enfant dans sa globalité, jusqu’à l’adolescence. La question de l’autonomie est centrale. En ville, les plus jeunes doivent pouvoir se déplacer d’un point A à un point B par eux-mêmes et de façon sécurisée. » explique Alicia Lugan, directrice de l’agence d’architecture Equal Sarre et co-rédactrice de l’étude Faire la taille.
C’est pour répondre à cet enjeu que Lyon a créé, depuis 2020, 150 « Rue des Enfants » sécurisées et apaisées, en élargissant les trottoirs aux abords des écoles et des crèches, en piétonnisant certains tronçons, en plantant des arbres et des végétaux dans les strates basses, mais aussi en installant du mobilier urbain adapté aux plus petits, de même que des fresques artistiques réalisées avec les élèves.
A Paris, la dynamique est similaire avec la mise en place de 300 “Rues aux écoles” entièrement piétonnes, la généralisation des zones à 30 km/h et le développement d’un réseau cyclable de 1400 km, ce qui place la capitale en tête des villes européennes engagées pour la mobilité des enfants. A Avignon, la municipalité a pris le parti d’améliorer la sécurité au niveau des traversées piétonnes, de diminuer le trafic automobile dans les secteurs sensibles, et de réduire les obstacles et mobiliers sur le parcours des piétons.
En favorisant les déplacements à pied ou à vélo, ces mesures permettent d’améliorer la qualité de l’air et de limiter les nuisances sonores, tout en augmentant la sécurité de tous dans l’espace public. Elles favorisent par ailleurs le développement personnel des enfants.
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Concevoir des aménagements inclusifs et durables
Penser la ville à hauteur d’enfants nécessite aussi de créer des espaces qui leur sont dédiés, afin qu’ils puissent pratiquer des activités en toute liberté. A Brest, les Ateliers des Capucins ont été pensés pour être la plus grande place publique couverte d’Europe ouverte à toutes les populations. « C’est un espace inrérieur où les enfants, et particulièrement les adolescents, peuvent se réunir en toute liberté pour faire du vélo, du skateboard ou du roller, ou pour pique-niquer. Cet espace abrité mais gratuit est, pour eux, une vraie ressource. Ils sont placés sous la vigilance des adultes mais sans que ceux-ci soient envahissants. » précise Alicia Lugan.
Autre initiative, les « Terrains d’aventure », portés par des associations d’éducation populaire, offrent aux enfants la possibilité de vivre des expériences de jeu autonomes et de se reconnecter avec la nature en milieu urbain ou périurbain. « Ce sont des espaces qui sont le plus souvent installés sur des friches, sur des surfaces naturelles pensées pour être des environnements suscitants.. Les enfants peuvent être acteurs de leurs jeux en construisant une cabane, en bricolant, en faisant de la tyrolienne, en se réunissant librement, sous l’oeil bienveillant adultes. » détaille Alicia Lugan.
A Villiers-le-Bel, dans le Val de Marne, le « Terrain d’aventure du petit bois » propose aux enfants de jardiner, de couper du bois, d’observer les plantes ou les insectes, ou encore de grimper aux arbres. A Bagnolet, le « Terrain d’aventure de la Petite Plage« , ouvert toute l’année, fait rare en Île-de-France, mêle exploration de la nature, pratique de l’art en tous genres, activités sportives pour créer un cadre de jeu libre. Les enfants peuvent rentrer et sortir comme ils le veulent.
En plaçant les enfants au centre des politiques d’aménagement, les collectivités privilégient les déplacements décarbonés, la végétalisation et la biodiversité, ce profite in fine à toutes les catégories de population et permet de construire une ville plus inclusive et plus résiliente.



