
Travaux urbains : quand les citoyens s’invitent dans le chantier
Longtemps relégués au rang de figurants, les habitants prennent désormais leur place dans les grands travaux urbains. Grâce à des outils comme le baromètre des usagers ou encore la mise en place d’ateliers participatifs, les citoyens peuvent comprendre le chantier et exprimer leur opinion. À quelques mois des élections municipales, cet accompagnement est d’autant plus important.
À RETENIR
- Les citoyens sont de plus en plus intégrés aux grands travaux urbains grâce à des outils comme les baromètres des usagers et les ateliers participatifs, favorisant compréhension et acceptation des projets.
- Depuis la loi de programmation pour la ville de 2014, les collectivités ont l’obligation d’informer les habitants via des dispositifs tels que la maison du projet.
- L’agence Repérage Urbain joue un rôle central en accompagnant les concertations pendant toute la durée des chantiers, avec des actions allant des enquêtes régulières aux animations pédagogiques.
- La participation reste marginale et souvent réactive, malgré des outils identifiés pour chaque type de public, et les experts appellent à une implication plus précoce et transparente des citoyens.
Pelleteuses, grues, marteaux-piqueurs. À quelques mois des élections municipales, les travaux s’intensifient dans de nombreuses villes, avec pour objectif affiché d’avancer au maximum avant les échéances électorales. Mais en parallèle de cette accélération, un autre phénomène s’installe plus lentement : l’intégration progressive des habitants dans la vie des chantiers.
Ce mouvement est en partie soutenu par l’évolution du cadre législatif. Depuis la loi de programmation pour la ville de 2014 par exemple, les collectivités sont censées mettre en place une maison du projet pour informer les habitants tout au long du processus.
Comprendre le chantier pour mieux l’accepter
L’agence Repérage Urbain, composée de sociologues et urbanistes, accompagne plusieurs projets d’aménagement à travers la France. Leur rôle notamment : organiser la concertation des habitants, non seulement avant les travaux, mais aussi pendant. « Avant, la participation s’arrêtait à la phase de conception. Une fois les engins arrivés, plus personne n’écoutait les usagers », raconte Paola Gonzales, urbaniste associée au sein de l’agence.
Cette situation évolue lentement. Certains projets mettent en place des enquêtes régulières appelées baromètres des usagers pour capter le ressenti des habitants, commerçants ou salariés sur le chantier en cours. « Ce sont des enquêtes qu’on appelle baromètres parce que c’est à une fréquence régulière. C’est tous les six mois, tous les trois mois. Ça dépend du projet. »
Ces retours servent à identifier les tensions, ajuster la communication, clarifier les calendriers. À Villeurbanne, sur le chantier du projet Gratte-Ciel Centre, les équipes ont aussi misé sur des actions plus ludiques. « On avait organisé un petit quiz sur le chantier. On posait des questions comme : quelle est la hauteur de la grue la plus haute selon vous ? Les enfants mais aussi les adultes essayaient de deviner. »
À lire aussi
- Ces villes qui intègrent les jeunes aux décisions publiques pour renforcer leur engagement
- Projets urbains : les clés pour une concertation réussie
Adapter les outils aux publics concernés
Chaque chantier impacte des publics différents. Sur une ligne de tramway, ce sont les commerçants qui subissent le plus de contraintes. « Pour eux, c’est très concret : une baisse de fréquentation, des livraisons compliquées, des nuisances » détaille Paola Gonzales.
Dans ce type de projet, les équipes privilégient des outils ciblés : cafés chantiers, réunions en petit comité, entretiens individuels. À l’inverse, dans les quartiers d’habitation, les ateliers participatifs ou les enquêtes sont mieux adaptés aux riverains et aux salariés. Il existe également des outils gérés en interne par les collectivités et les entreprises BPT tels que les doléances (courriers adressés au maire) ou le médiateur chantier, un poste créé en interne par les entreprises BTP. Ce dernier a pour mission d’assurer la bonne tenue des chantiers. Il peut aussi être contacté par téléphone par les riverains. Ce sont des outils qui existent, peu connus du grand public certes, mais qui peuvent également atténuer en partie la gêne générée par les travaux et rassurer les riverains impactés.
Mais ces démarches restent rares. La participation continue est encore trop souvent déclenchée en urgence, « lorsqu’on est vraiment en conflit ». Et pourtant, les leviers sont identifiés. Pour Paola Gonzales, le conseil à donner aux élus est simple : « Il ne faut pas avoir peur de voir les habitants, il ne faut pas avoir peur de se confronter aux citoyens. Et surtout, il ne faut pas avoir comme a priori qu’ils ne vont pas comprendre la finalité d’un projet. » Un principe qu’elle résume d’une formule directe : « Plus on cache, plus un climat de méfiance va se créer. »



