
Déserts médicaux : où en est la France en 2025 ?
Dans certaines communes, un généraliste pour 10 000 habitants. À Paris également, les patients cherchent des mois un médecin traitant. En 2025, la pénurie touche désormais tout le territoire.
À RETENIR
- En 2025, près de 100 % du territoire français est touché par les déserts médicaux, avec une baisse de 10 % des installations de généralistes libéraux en 2024 et une situation critique même à Paris.
- Les causes sont structurelles : sous-dimensionnement de la formation depuis les années 1980, départs à la retraite mal anticipés, et désaffection des jeunes pour la médecine libérale au profit de statuts salariés.
- Les conséquences sont graves : délais d’attente très longs, surcharge des urgences, renoncements aux soins, aggravation des pathologies, et menaces sur le réseau officinal.
- Un pacte territorial lancé en 2024 prévoit des cabinets solidaires dans 151 zones prioritaires, mais les mesures comme la régulation des installations restent controversées et jugées tardives.
Le constat s’impose à regret : en France en 2025, les déserts médicaux concernent désormais une grande majorité du territoire national. Selon les données de l’Assurance maladie, les installations de médecins généralistes libéraux ont reculé de près de 10 % en 2024, alors que 87 % du territoire est déjà classé en désert médical. Un chiffre qui, selon le Dr Luc Duquesnel, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) des médecins généralistes, frôle aujourd’hui les 100 %. « Même Paris est devenue un désert médical en médecins traitants », alerte-t-il.
Des causes multiples : démographie, formation, désenchantement
Ce déséquilibre est le fruit d’une mauvaise anticipation des départs à la retraite et d’une formation insuffisante. « Dans les années 1980, on formait 9000 étudiants en deuxième année de médecine, puis seulement 3500 dans les années 2000. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on remonte à 16 000 », rappelle le Docteur Duquesnel.
À cela s’ajoute une crise de vocation : le métier de médecin traitant libéral attire de moins en moins. Les jeunes praticiens privilégient en effet le salariat ou les structures collectives, réputées pour leurs conditions plus souples. Aujourd’hui seulement 40% des médecins généralistes sont médecins traitants. « Un médecin salarié suit en moyenne 500 à 600 patients, contre 1100 pour un libéral », rappelle notre interlocuteur.
Des conséquences visibles sur le terrain
Les effets de cette désaffection se font sentir partout. Les délais de rendez-vous s’allongent et les urgences débordent. Conséquence : dans certaines zones rurales, il faut attendre jusqu’à trois mois pour une consultation de base. Et les patients chroniques, souvent âgés, en subissent les premiers effets directs : renoncements aux soins, automédication, aggravation des pathologies. Par ailleurs, une pharmacie sur trois serait menacée de fermeture selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. « Nous sommes dans un pays qui dépense beaucoup pour sa santé, mais notre système se détériore » résume Duquesnel, assez pessimiste sur la situation.
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Les réponses publiques : un pacte territorial
Face à cette urgence, le gouvernement a lancé en 2024 un pacte de lutte contre les déserts médicaux, avec 151 zones prioritaires identifiées. Ces « zones rouges » bénéficieront progressivement de cabinets « solidaires », reposant sur un principe de rotation entre praticiens. Médecins en activité ou retraités pourront, sur la base du volontariat, y assurer des consultations afin de maintenir une offre de soins de proximité. Selon le Docteur Duquesnel, le recrutement d’assistants médicaux permettrait par ailleurs d’alléger la charge administrative, tout comme la délégation de certains soins à des infirmières en pratique avancée. « Il faut aussi valoriser les professionnels, les médecins à qui on renvoi trop souvent une image négative », ajoute-t-il.
Réguler l’installation : trop tard ?
Faut-il également imposer les lieux d’installation, comme le propose la « loi Garot », défendue par plusieurs parlementaires ? L’idée d’une solidarité territoriale obligatoire fait débat. « Il manque des médecins partout, c’est malheureusement trop tard », estime le président du syndicat CSMF des médecins généralistes.
« On ne voit la santé que comme un coût, alors que c’est une priorité nationale », déplore-t-il encore. Si les pistes sont connues, reste à les appliquer durablement, sans céder à la logique du court terme. Pour que soigner redevienne un choix possible et désirable partout en France.



