
Manager de centre-ville : un métier encore méconnu, déjà incontournable

Augmentation de la vacance commerciale dans les centres villes et rideaux baissés : comment enrayer la baisse du nombre de commerçants ? Depuis la crise du Covid-19, une nouvelle figure émerge : le manager de centre-ville, chargé d’orchestrer la revitalisation des centres-villes. Derrière ce titre encore flou, un métier en pleine structuration qui change la donne.
À RETENIR
- Le métier de manager de centre-ville, créé en réponse à la crise sanitaire, a bénéficié d’un financement public pour 515 postes, majoritairement dans les programmes Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain.
- Les missions varient selon les territoires, allant de l’animation commerciale à la stratégie urbaine, mais tendent vers une professionnalisation, soutenue par des formations spécifiques.
- Près de 70 % des collectivités ont choisi de pérenniser ces postes après la fin des aides, signe de leur reconnaissance institutionnelle et de leur impact sur la redynamisation des centres-villes.
- Le manager devient un acteur clé de la transformation urbaine, intégrant les enjeux de mobilité, climat, sociabilité et nouveaux usages, au-delà du seul commerce de détail.
Le poste n’existait pas il y a encore dix ans. C’est au sortir de la crise sanitaire, face à l’urgence de relancer le commerce local, que l’État et la Banque des Territoires ont décidé de cofinancer 515 managers de centre-ville sur deux ans. Une aide de 20 000 euros par poste, accordée aux collectivités dans le cadre du plan de relance. Ce soutien a principalement profité aux programmes Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain, avec respectivement 118 et 281 postes financés. « C’était vraiment nouveau », né d’une situation d’urgence, avec un « fort besoin de soutien du commerce au sortir de la crise sanitaire » rappelle Dominique Consille, directrice des programmes « Action Cœur de Ville » et « Petites Villes de Demain » à l’ANCT.
Un rôle aux contours multiples, en voie de professionnalisation
Ce nouveau métier s’est rapidement imposé comme essentiel au bon fonctionnement des centres-villes. Mais selon les territoires, ses contours varient : certains managers sont chargés de l’animation commerciale, d’événements, du lien avec les unions commerciales, tandis que d’autres s’investissent davantage dans une stratégie de long terme pour penser les évolutions du commerce. Cette diversité s’explique, selon Dominique Consille, par la libre administration des collectivités territoriales qui peuvent avoir des organisations différentes et donc adapter le profil du poste à leurs besoins : « il existe une grande diversité des fonctions remplies […] en matière d’animation, de médiation, de définition d’une stratégie commerciale ou d’ingénierie locale.»
Malgré cette hétérogénéité, une tendance se dessine. Une étude menée par la Banque des Territoires révèle que la majorité des managers exercent des fonctions dites d’« animateurs opérationnels », en lien direct avec les commerçants, les habitants, les événements de terrain. Une montée en compétence est en cours : « D’ailleurs, il existe désormais une formation du manager du commerce mise en place par la Banque des Territoires, une troisième session de cette formation vient d’avoir lieu, et l’enjeu est désormais de reconnaitre et de valider les compétences acquises par les managers », souligne Dominique Consille, qui voit là un signe de la professionnalisation croissante du métier.
Ce rôle ancré dans la vie quotidienne a d’ailleurs convaincu les élus. À l’issue du dispositif de financement initial, 69 % des collectivités ont choisi de pérenniser les postes, un chiffre qui atteint même 84 % dans les villes Action Cœur de Ville. Cette volonté de prolonger les contrats, malgré la fin des aides, illustre la reconnaissance du métier. « Les managers du commerce ont, par leur travail de proximité auprès des élus et des commerçants, démontré l’importance stratégique des missions qu’ils exercent, au croisement des politiques publiques d’aménagement des centres villes et du développement économique d’un secteur d’activité, mais aussi des attentes et besoins des consommateurs », résume Dominique Consille.
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Un levier local pour transformer la ville dans son ensemble
Au-delà de la question commerciale, la revitalisation des centres-villes s’inscrit aujourd’hui dans une vision beaucoup plus large, intégrant logements, mobilités, climat et qualité de vie. Comme l’explique Dominique Consille, « les habitants apprécient et plébiscitent les centres villes, mais il faut prendre en compte l’adaptation au changement climatique et le vieillissement de la population pour proposer des aménagements urbains et un cadre de vie agréable pour tous, en toute saison ». La fréquentation ne dépend plus uniquement de l’offre commerciale, mais aussi de l’attractivité globale du lieu, de sa capacité à répondre à des usages renouvelés.
Cette logique a guidé l’expérimentation de l’agence nationale de la cohésion des territoires, « Mon centre-ville 2030 », menée dans cinq collectivités, pour anticiper les évolutions en cours : e-commerce, inflation, vieillissement de la population, changements de comportement des consommateurs. Dominique Consille en tire une leçon majeure : « Les consommateurs viennent en centre-ville de moins pour acheter des biens, et de plus en plus pour y consommer du service. » Restaurants, services de proximité, lieux de rencontre et de sociabilité deviennent les nouveaux moteurs de la vie urbaine.
Le manager de centre-ville devient ainsi un acteur stratégique de cette mutation. Il agit comme un maillon entre la collectivité, les commerçants, les habitants, les urbanistes. Son rôle ne se limite plus à remplir les cellules vacantes : il contribue à redonner du sens et de la cohérence aux usages urbains, en phase avec les attentes de la population. Car, rappelle Dominique Consille, « le commerce, ce n’est pas seulement une activité économique, c’est également un vecteur de lien social et de convivialité ».