Vue aérienne de la ville de Rennes sous un grand ciel bleu
Publié le 03.03.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Logement social : ce que le modèle de Rennes peut inspirer aux autres communes

La métropole bretonne se distingue en matière de mixité sociale. Décryptage du “modèle rennais” de logement social avec une experte en urbanisme et le vice-président de Rennes Métropole.

Enthousiasme de la Ministre du Logement, honneurs de la presse nationale, récompense pour ses projets de rénovation… Comment expliquer les éloges régulièrement adressés à Rennes en matière de logement social ? Pour Magda Maaoui, docteure en urbanisme de l’université de Columbia, “la continuité et la cohérence de la politique locale” justifient cette bonne réputation. Cette chercheuse étudie les conséquences de la loi SRU sur la mixité sociale. Selon elle, la situation rennaise résulte de l’application de cette loi, associée à une variété d’outils mis en place pour lutter contre le mal-logement. Elle pointe également la longue histoire de la ville dans ce domaine – Archipel Habitat, l’office public de l’habitat de Rennes Métropole a fêté son centenaire en 2019.

Pour mémoire, la loi SRU (pour “relative à la solidarité et au renouvellement urbains”) adoptée en 2000 impose aux communes les plus peuplées un seuil minimal de logements sociaux, à savoir 20 % minimum pour une agglomération de plus de 50 000 habitants. “L’essence de cette loi ambitieuse, c’est de rééquilibrer l’emplacement géographique des logements sociaux et de mettre fin à une logique de ghettoïsation des quartiers, avec une plus grande diversité de foyers sur un même territoire”, rappelle Magda Maaoui.

Parmi les 43 communes qui composent Rennes Métropole, 26 sont soumises à la loi SRU. “Dix d’entre elles ont aujourd’hui un taux de logement social supérieur à 20 %”, précise Honoré Puil, vice-président de Rennes Métropole délégué à l’habitat et au logement. Selon l’élu, par ailleurs président d’Archipel Habitat, les communes qui n’atteignent pas encore le taux attendu sont “dans une dynamique de progression car elles produisent du logement social, mais il faut du temps pour parvenir aux résultats”.


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L’expérimentation du loyer unique

Alors que 80 % des HLM étaient concentrés sur la seule ville de Rennes contre 20 % dans le reste de la métropole il y a encore quelques années, Honoré Puil évoque désormais “un rééquilibrage à 60/40 grâce à l’application de la loi SRU et à un mécanisme de contractualisation entre Rennes Métropole et les communes”. Parmi les différents outils pour accentuer la mixité sociale, l’intercommunalité dispose depuis 2018 du système de loyer unique. Son principe est simple : le coût d’un même type de logement (T2, T3, etc.) sera identique sur toute la métropole, quelles que soient sa localisation et sa date de construction.

Cela permet à des foyers qui n’auraient pas pu se loger dans les quartiers les plus chers et centraux de Rennes Métropole de s’y installer”, considère Magda Maaoui. De son côté, Honoré Puil rappelle un paradoxe : “dans le privé, une location en centre-ville est plus chère, alors que c’est l’inverse dans le social car les constructions plus modernes, donc plus chères, sont souvent en périphérie. Le loyer unique fait table rase de tout ça pour laisser les ménages choisir leur lieu de résidence”. Notons que ce système ne concerne que l’attribution des logements HLM neufs ou reloués après le départ de leurs occupants, ce qui ralentit donc le déploiement du loyer unique à l’échelle de la métropole.

Rénover sans démolir

Augmenter l’offre de logements n’est pas forcément synonyme de construction neuve : la rénovation du bâti existant peut être une solution, tout en luttant au passage contre l’insalubrité des logements. La chercheuse Magda Maaoui en veut pour preuve l’exemple de tours du quartier de Maurepas, situé au nord de Rennes. “Rénover sans démolir, c’est intéressant sur le plan écologique comme social, en évitant les expulsions”, analyse-t-elle. Fin 2021, cette opération a valu au bailleur Archipel Habitat le prix citoyen HLM, qui récompense la durabilité du logement et la coopération entre habitants et maîtres d’ouvrage.

Faciliter l’accession à la propriété

À ces initiatives pour le logement social s’ajoutent des mesures en faveur de l’accession à la propriété fragilisée par un boom du marché immobilier qui n’épargne pas la préfecture d’Ille-et-Vilaine. “Les hausses des prix grippent le parcours résidentiel des ménages, notre liste de demandeurs de logement social augmente car les gens ont de plus en plus de mal à accéder à la propriété”, regrette Honoré Puil. Pour développer une offre de logements accessibles aux ménages les plus modestes, un outil a vu le jour en 2018 : l’office foncier solidaire de Rennes Métropole, chargé d’acquérir et de gérer des terrains pour constituer un parc pérenne d’accession à la propriété de ménages modestes.

Plus de deux décennies après son adoption, la loi SRU a récemment été prolongée avec le vote de la loi «3DS» (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale). À l’heure d’en dresser un bilan, Magda Maaoui loue “un modèle pionnier” qui a permis de “rectifier certains déséquilibres en matière de logements sociaux sur le territoire”, tout en regrettant “le manque d’efforts des communes les plus récalcitrantes, qui ne sont pas suffisamment sanctionnées”. Le modèle rennais peut-il être répliqué ailleurs ? “Il doit inspirer d’autres communes, estime la chercheuse, mais rien ne peut être simplement copié-collé en politique publique, sinon on aurait déjà résorbé tous les problèmes du monde !

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