
Le logement, un argument électoral pour les municipales ?
Gaël Sliman président et cofondateur de l’institut de sondage Odoxa
À quelques mois des municipales, le logement fait figure de sujet majeur. Alors que la pénurie frappe tous les territoires, une large majorité de Français souhaite que les élus locaux agissent pour construire. Contrairement aux idées reçues, les maires bâtisseurs ne sont pas perçus comme des élus en péril.
À RETENIR
- 68% des Français estiment qu’il est difficile de trouver un logement dans sa commune selon le baromètre du logement et de l’immobilier réalisé par Odoxa en partenariat avec Nexity et BFM Business
- 60% pensent pourtant que construire de nouveaux logements permettraient de maintenir les jeunes dans la commune
- 80% des Français pensent qu’il faudrait rénover le parc de logements sociaux existants
« Maire bâtisseur, maire battu » : et si cet adage ne tenait plus ? Selon le baromètre du logement et de l’immobilier réalisé par Odoxa en partenariat avec Nexity et BFM Business, cette crainte partagée par de nombreux élus locaux serait largement dépassée. « Refuser de construire par peur de déplaire, c’est méconnaître les attentes réelles des habitants », affirme . L’étude révèle que les Français ne s’opposent pas à l’arrivée de nouveaux logements dans leur commune, bien au contraire.
Alors d’où vient ce mythe ? Peur de la densification, pression des riverains, vision court-termiste : dans bien des cas, les chantiers sont perçus comme des risques électoraux. Pourtant, selon le baromètre du logement et de l’immobilier, 68 % des Français (et 78 % des locataires) déclarent aujourd’hui qu’il est difficile de se loger dans leur commune. Et 54% considère que la construction de logements nouveaux apporterait des bénéfices collectifs, qu’il s’agisse d’attirer des commerces, de maintenir les jeunes dans la ville, ou de dynamiser le territoire.
Le logement : un poids décisif sur le pouvoir d’achat
Ce qui rend la question du logement aussi sensible, c’est son impact direct sur le quotidien. « Pour la première fois, une enquête établit un lien clair entre pouvoir d’achat et logement, au-delà des discours politiques. Ça écrase tout », résume Gaël Sliman. Selon le baromètre, 78 % des Français considèrent le logement comme le poste de dépense qui pèse le plus dans leur budget. L’alimentation ne vient qu’en seconde position, à 55 %, suivie par les impôts (47 %). Et ce n’est pas qu’un ressenti : les personnes interrogées consacrent en moyenne 704 euros par mois à leur logement, un montant qui grimpe à 821 euros pour les locataires et les accédants à la propriété. « Cela représente environ un tiers du revenu net médian des Français », rappelle Gaël Sliman.
Un maire qui ne construit pas aurait tort de croire que ça lui profiterait en popularité ou en votes. »
Les élus locaux en première ligne
Dans ce contexte, les Français comptent de plus en plus sur leurs élus locaux. « Il y a un domaine où les politiques, au niveau national comme local, peuvent vraiment agir sur le pouvoir d’achat, c’est le logement », insiste Gaël Sliman. « L’État a peu de marges de manœuvre immédiates, mais les maires, eux, peuvent décider d’ouvrir ou non le droit à construire ». Et l’opinion ne leur en tiendrait pas rigueur. Bien au contraire. Sur les sept bénéfices potentiels liés à la construction de logements testés dans l’étude, cinq sont jugés positivement par une majorité : dynamisme de la commune, attractivité renforcée, maintien des jeunes, développement des commerces, modernisation du bâti. Seules deux idées peinent à convaincre : la baisse des prix immobiliers et la valorisation des biens existants. 54 % des Français souhaitent même que l’on construise davantage de logements sociaux, un chiffre qui atteint 65 % chez les locataires. Un résultat qui contredit frontalement le cliché d’une société opposée au logement social. Cette adhésion reste toutefois conditionnée à une exigence : des chantiers bien menés. Les critiques existent (nuisances, retards…), mais elles n’annulent pas l’adhésion de fond à la nécessité de construire.
Et pour cause, derrière la question du logement se cache un malaise plus vaste. « Ce qui est nouveau depuis 15 ou 20 ans, c’est ce sentiment que notre vie est moins bonne que celle de nos parents », analyse Gaël Sliman. « Et cette dégradation perçue se cristallise dans un domaine plus que tout autre : le logement ». Selon le baromètre, 70 % des Français estiment que leur capacité à se loger est inférieure à celle de leurs parents. C’est le poste qui concentre le plus le sentiment de déclassement. Pour une large partie de la population, il est désormais impossible de se loger dans les centres-villes sans disposer de revenus élevés. « Les classes moyennes et populaires sont reléguées en périphérie. Cela crée de l’éloignement, un sentiment d’exclusion, et une perte de lien social », explique Gaël Sliman.
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Un enjeu oublié qui revient sur le devant de la scène
Longtemps absent des radars politiques, le logement fait donc son retour par la voix de l’opinion. Et cette voix est claire : il faut construire. Pour les maires, il ne s’agit plus d’un pari risqué, mais d’un levier électoral légitime et attendu. Face à ces constats, Gaël Sliman défend une conviction : « Un maire qui ne construit pas aurait tort de croire que ça lui profiterait en popularité ou en votes ».
Ce baromètre sur le logement, le premier du genre à être mené avec une telle régularité, sera reconduit tous les trimestres, avec le soutien de Nexity, BFM et Capital. Une manière de suivre dans la durée l’évolution de la perception des Français sur un sujet longtemps resté en marge du débat.



