
Ces pannes d’ascenseurs qui isolent les habitants et les solutions qui fonctionnent
Souvent sous-estimées, les pannes d’ascenseur compliquent lourdement le quotidien de nombreux habitants, en particulier les personnes âgées ou en situation de handicap. En réponse à ce problème invisible, des solutions innovantes commencent à faire leurs preuves sur le terrain.
A RETENIR
- Les pannes d’ascenseur affectent gravement la mobilité de milliers de personnes vulnérables en France, compromettant leur autonomie et leur accès aux droits fondamentaux.
- SAMV, initiative de Fouad Ben Ahmed, propose une assistance humaine temporaire (portage, aide physique, transport) et compte déjà une cinquantaine de partenaires publics et privés.
- Les retards de réparation sont dus au manque de techniciens, à une formation insuffisante, et à des lourdeurs administratives et décisionnelles, notamment en copropriété.
- Le parc français, parmi les plus anciens d’Europe, nécessite une réforme globale, soutenue par une proposition de loi imposant des délais stricts de signalement, d’intervention et de réparation.
« On parle d’un droit constitutionnel : le droit d’aller et venir », pour Fouad Ben Ahmed, cofondateur du collectif Plus sans Ascenseur et président de SAMV, (solution d’assistance à mobilité verticale), un ascenseur hors service ne relève pas d’un simple dysfonctionnement technique. C’est une entrave à la liberté de mouvement, à l’autonomie, à la dignité. En France, cela concerne chaque année des milliers de personnes âgées, malades ou en situation de handicap, piégées chez elles parfois pendant des semaines. Son combat, né dans une tour de Bobigny en 2016 tente de faire bouger les lignes.
Une panne qui isole, une solution qui redonne accès
« Quand on est en situation de handicap et qu’on est privé d’ascenseur, on ne peut pas aller se soigner, aller voter, aller à l’école, aller travailler, ni même avoir une vie sociale », alerte Fouad Ben Ahmed. Pour y répondre, il lance d’abord un collectif, Plus Sans Ascenseur. Puis il crée SAMV, une solution d’assistance humaine temporaire. « On a expérimenté cette solution avec Emmaüs Habitat, puis avec Hauts-de-Seine Habitat. »
Depuis, SAMV est devenu un acteur de terrain, avec une cinquantaine de clients publics et privés. L’entreprise mobilise aujourd’hui 70 personnes, dont une quinzaine spécialisée dans l’accompagnement des publics vulnérables. SAMV intervient lors de pannes d’ascenseur prolongées, de remplacements ou d’indisponibilités techniques, « en mettant en place un accompagnement humain : portage de courses, aide physique dans les escaliers, solutions de transport provisoires à la personne » résume t-il.
Pourquoi les pannes durent si longtemps
Derrière chaque ascenseur immobilisé, une mécanique invisible se grippe. « Il n’y a pas assez de techniciens pour le nombre d’ascenseurs en circulation. Et ceux qui existent doivent gérer trop de dossiers à la fois. Leur formation est un enjeu majeur pour répondre à la bonne maintenance du parc. » À cela s’ajoutent des lenteurs administratives : validation de devis, retards de bon de commande, blocages en assemblée de copropriété… « Parfois l’ascenseur n’est pas en panne, c’est juste le système qui est paralysé », résume-t-il.
Les copropriétés sont souvent les plus touchées. « Certains refusent les travaux parce qu’ils habitent au rez-de-chaussée ou qu’ils louent leur logement. Pendant ce temps, les plus fragiles restent enfermés. » En tant qu’adjoint à la santé à la mairie de Bobigny, Fouad Ben Ahmed a déjà mis en demeure un syndic pour débloquer une situation. « Le maire a ce pouvoir, il faut juste qu’il ose l’utiliser. »
À lire aussi
- Bernard Devert : « Le mal-logement relève non pas d’une crise, mais de crises qui assaillent notre société »
- Florian Bercault : “Sans l’action des collectivités locales, la crise du logement serait pire”
Des ascenseurs vieillissants pour des usages modernes
Le problème ne vient pas que du présent, il est aussi hérité du passé. « Le parc d’ascenseurs français est le plus vieillissant d’Europe », rappelle-t-il. Et pour cause : « La France a été pionnière en construction verticale. Mais aujourd’hui, on se retrouve avec des équipements de 1950 pour des usages d’aujourd’hui. » Les ascenseurs conçus pour porter des charges ponctuelles doivent désormais transporter plusieurs familles, plusieurs fois par jour.
Pour Fouad Ben Ahmed, la réponse passe par une refonte globale : revoir les contrats, intégrer les actes de vandalisme dans les forfaits de maintenance, renforcer la formation des techniciens, et clarifier les responsabilités juridiques. « Aujourd’hui, si quelqu’un a un accident dans un ascenseur, on ne sait même pas qui est responsable. »
En janvier dernier, une loi été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale pour lutter contre les pannes d’ascenseur non prises en charge. Le texte impose notamment aux propriétaires et aux bailleurs sociaux un délai de signalement de la panne (deux jours ouvrables) et aux ascensoristes des délais d’intervention (six heures à partir de l’alerte) et de réparation (huit jours ouvrés).