
Respirer mieux en ville : comment les professionnels peuvent agir pour une qualité de l’air durable
Claire-Sophie Coeudevez, experte de la qualité de l’air intérieur et codirigeante de MEDIECO
Émissions de CO2 et de NO2 du trafic routier, particules fines générées par les activités industrielles, polluants invisibles dans les logements… En ville, la mauvaise qualité de l’air est devenue un enjeu de santé publique. Comment faire pour mieux respirer ?
À RETENIR
- La mauvaise qualité de l’air, à l’intérieur comme à l’extérieur, constitue un enjeu majeur de santé publique, affectant l’ensemble de la population urbaine, notamment les plus fragiles.
- À l’intérieur des bâtiments, la ventilation, le choix des matériaux et les pratiques quotidiennes sont essentiels pour limiter l’exposition aux polluants domestiques et industriels.
- Les collectivités locales ont un rôle central à jouer via les plans climat-air-énergie, les marchés publics, la pose de capteurs dans les lieux recevant du public et la régulation des matériaux utilisés dans la construction.
- Des leviers urbains comme les mobilités douces, la végétalisation ou les corridors écologiques, associés à une pédagogie active, permettent d’agir durablement sur la qualité de l’air.
Dans toutes les agglomérations, la qualité de l’air fait, depuis plusieurs années, l’objet de nombreuses considérations. En effet, les polluants que nous respirons en ville peuvent être à l’origine de différentes pathologies : épisodes de fatigue, allergies, maux de tête, troubles respiratoires, irritations, maladies chroniques… C’est bien évidemment le cas à l’extérieur dans l’espace public, mais également à l’intérieur des bâtiments, où nous passons 80 à 90 % de notre temps et où l’air peut être plus pollué qu’au-dehors. Si ce phénomène concerne en premier lieu les individus les plus fragiles – enfants, personnes âgées, femmes enceintes –, il peut affecter tous les citadins.
Dès lors, comment garantir un air sain à toutes et à tous ? Quelles sont les bonnes pratiques pour y parvenir ? Quels leviers urbains, architecturaux, politiques et citoyens peuvent nous permettre de mieux respirer demain ?
À l’intérieur des bâtiments, l’importance de la ventilation
Le logement, et plus globalement tous les espaces clos, est considéré comme un cocon protecteur qui isole de l’environnement extérieur, des intempéries, du vent, du froid. Pourtant, la qualité de l’air y est souvent plus mauvaise. D’une part, parce que les polluants extérieurs – CO2, particules fines et composés organiques volatils – y pénètrent facilement. D’autre part, parce que les sources de pollution y sont plus nombreuses et plus diversifiées. Les matériaux de construction, le mobilier, les éléments de décoration, les produits ménagers, la fumée de tabac, les équipements de chauffage, les parfums d’ambiance, les pollens allergisants émis par certaines plantes renforcent la présence de microparticules volatiles dans les habitations, ce qui n’est pas sans risques.
« La qualité de l’air intérieur est bonne lorsque les différentes molécules qui s’y trouvent ne sont pas en concentration trop importante pour porter atteinte à la santé. Dans le cas contraire, l’impact sanitaire va dépendre de la nature des polluants, de leur niveau de concentration et de la durée d’exposition », explique Claire-Sophie Coeudevez, experte de la qualité de l’air intérieur et codirigeante de MEDIECO, société de conseil et d’ingénierie de santé dans le cadre bâti et urbain.
Pour évacuer les polluants de l’air intérieur, il est recommandé d’ouvrir les fenêtres au moins deux fois par jour, de nettoyer fréquemment tapis, moquettes et literies, de désencrasser régulièrement les bouches d’aération, de fumer à l’extérieur, d’éviter les bougies parfumées, l’encens et les produits d’entretien toxiques.
À lire aussi
- Transports du quotidien : un impact méconnu sur la santé mentale
- Yannick Nadesan : « Notre santé commence là où nous vivons »
Le rôle central des collectivités dans la qualité de l’air
Autre levier d’amélioration : les collectivités, qui ont un rôle majeur à jouer pour aider à mieux respirer à l’extérieur comme à l’intérieur. La loi leur impose d’ailleurs d’élaborer un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et d’y inclure un plan d’action qualité de l’air (PAQA), avec l’obligation de faire un état des lieux et de mettre en œuvre des actions concrètes. Parmi les mesures à prendre, elles peuvent installer des capteurs de CO2, de composés organiques volatils (COV) et de particules fines dans les écoles, les crèches, les bibliothèques, ainsi que dans tous les lieux qui accueillent du public. Ce type de dispositif est déjà appliqué dans certaines communes, comme au Raincy (en Seine–Saint-Denis), ce qui garantit un suivi en temps réel de la qualité de l’air intérieur.
En outre, les collectivités disposent de marges de manœuvre importantes à travers leurs marchés publics. « Pour la construction de logements neufs ou la rénovation de l’existant, les collectivités ont toute latitude pour intégrer cette contrainte dans leurs consultations, l’objectif étant d’obliger les acteurs du bâtiment à prendre en considération cette problématique de façon concrète », précise Claire-Sophie Coeudevez.
Elles peuvent ainsi imposer aux promoteurs le choix d’une peinture, d’un revêtement de sol, d’un isolant ou d’une colle écologique, sans éléments nocifs pour la santé. Pour accompagner les professionnels dans cette démarche, l’étiquetage obligatoire des produits de construction donne une information fiable sur leurs émissions. Les collectivités peuvent également demander la mise en œuvre de solutions techniques pour améliorer la qualité de l’air intérieur, notamment des systèmes de ventilation plus efficaces. À ce titre, précisons qu’il est recommandé de contrôler systématiquement la qualité de l’air à la réception d’un logement après travaux, que ce soit dans le cadre d’une rénovation ou d’une nouvelle construction.
En ce qui concerne l’espace public, le développement des transports en commun, la promotion des mobilités douces ou partagées, les restrictions d’accès au centre-ville pour les véhicules les plus polluants, mais aussi la végétalisation, l’extension des jardins publics et la création de corridors écologiques – des espaces verts longs et étroits qui relient différentes zones naturelles dans les environnements urbains – représentent autant de moyens pour faire baisser les émissions de CO2, et donc pour assainir l’air.
Enfin, les collectivités peuvent également mener des actions pédagogiques à destination des citoyens, des entreprises et des élus. L’éducation à la qualité de l’air est un outil efficace pour faire connaître les bons comportements à adopter. C’est notamment ce que cherche à faire le programme L’Air et Moi en sensibilisant les jeunes générations à cet enjeu. Pour mieux respirer en ville demain, c’est l’engagement de toutes et de tous qui fera la différence.



