
« Les transports, c’est la colonne vertébrale de la ville »

Métro prolongé à Montreuil, bus express à Rennes, tramway renforcé à Toulouse et à Bordeaux… Partout, les transports dessinent la ville de demain. Interview de Christine Bost, présidente de Bordeaux Métropole, maire d’Eysines et conseillère départementale de Gironde.
À RETENIR
- Le développement de la métropole bordelaise repose sur un schéma de mobilité structurant, intégrant transports, urbanisme et attractivité économique, face à une forte croissance démographique et d’emplois.
- Un plan de « robustification » de 40 millions d’euros est en cours pour moderniser le tramway, avec la création de deux nouvelles lignes (E et F)
- Le réseau s’étend au-delà de la métropole via des bus express, un RER métropolitain et des partenariats interterritoriaux, pour répondre à des mobilités quotidiennes transfrontalières.
- La transition vers des mobilités durables est engagée avec la montée en puissance du vélo (+8 %) et des transports collectifs, dans une ville encore marquée par une congestion routière importante.
En quoi les transports sont-ils un levier essentiel du développement de la métropole de Bordeaux ?
Christine Bost : Les transports représentent l’ossature même de la ville, sa colonne vertébrale. C’est autour de cette trame que s’articulent l’aménagement du territoire et l’implantation des logements, des entreprises et des services publics. Plus les déplacements sont fluides, plus la qualité de vie et l’attractivité économique s’en trouvent renforcées. À Bordeaux, cette dynamique est manifeste : la métropole gagne 10 000 habitants et 5 000 emplois chaque année. D’où l’importance d’un schéma de mobilité à la fois adapté aux besoins actuels et anticipant ceux de demain.
Qu’est-ce que le plan de « robustification » du réseau lancé en début d’année ?
Christine Bost : Le tramway bordelais, dont les premières lignes ont 20 ans, montre des signes de vieillissement. Pour garantir sa fiabilité, un plan a été lancé : 92 mesures concrètes, pour un budget de 40 millions d’euros, sont déployées afin de corriger les fragilités structurelles du réseau qui s’étend sur plus de 80 km. Ce plan comprend notamment des travaux d’aiguillage à la porte de Bourgogne, permettant la création de deux nouvelles lignes : la E (de la rive droite à Blanquefort) et la F (de la gare Saint-Jean à l’aéroport, sans rupture de charge).
Sur le pont de pierre, des travaux complexes vont également impacter la circulation ?
Christine Bost : C’est un pont napoléonien, vieux de 200 ans, traversé chaque jour par le tram. Il présente des fragilités que l’on ne peut plus ignorer. Il sera donc fermé au tramway cet été, puis chaque été pendant deux ans. La circulation piétonne et cyclable restera possible. On met en place des transports de substitution pour limiter les perturbations. Le pont de pierre est aussi un symbole de la ville : sa rénovation participe à la transformation de notre paysage urbain.
Les gens ne vivent pas dans des périmètres institutionnels. Ils traversent les limites pour aller travailler, se former, se soigner.
Le réseau de tramway reste structurant, mais est-ce suffisant ?
Christine Bost : Le tramway transporte 400 000 passagers par jour, soit la moitié des usagers du réseau bordelais. Mais il ne dessert pas l’ensemble des 28 communes de la métropole. D’où l’intérêt du bus express. La première ligne, la ligne G, a été inaugurée en juin dernier entre la gare Saint-Jean et Saint-Aubin. Elle accueille déjà 30 000 voyageurs quotidiens. Électrifiée prochainement, elle illustre la pertinence du modèle : le coût d’exploitation est trois fois inférieur à celui du tramway. Une deuxième ligne est prévue pour décembre, et cinq autres suivront.
À lire aussi
- Quand les villes moyennes innovent dans les nouvelles mobilités
- Logement, mobilités, emploi : que vont changer les gigafactories dans les Hauts-de France ?
Le maillage dépasse même les frontières administratives de la métropole. Pourquoi ce choix ?
Christine Bost : Les gens ne vivent pas dans des périmètres institutionnels. Ils traversent les limites pour aller travailler, se former, se soigner. On finance donc le RER métropolitain : une ligne relie déjà Libourne au bassin d’Arcachon via la gare Saint-Jean. On soutient aussi les lignes de car express : Créon-Bordeaux, Blaye-Bordeaux, et bientôt le Médoc. C’est un acte de solidarité territoriale. On a signé des « contrats connectés » avec les intercommunalités voisines pour mieux répartir population et emplois.
Les mobilités douces ont-elles aussi un effet structurant ?
Christine Bost : Bien sûr. Notre réseau vélo express, qu’on appelle « Rêve », continue de se déployer. Selon notre baromètre des mobilités, entre 2024 et 2025, l’usage du vélo a progressé de 8 %, celui des transports collectifs de 4 %, et le trafic routier a baissé de 1 %. Ces chiffres montrent que la transition est réelle. Elle modifie la façon dont les gens vivent la ville.
Bordeaux reste cependant la ville la plus embouteillée de France. Quelle réponse apportez-vous ?
Christine Bost : Il faut continuer à offrir des alternatives crédibles à la voiture. Cela passe par plus de transports en commun, plus de pistes cyclables, mais aussi par un travail sur l’aménagement du territoire. La métropole ne peut plus raisonner seule : il faut coconstruire avec les territoires voisins, pour éviter la concentration des emplois et des logements. Les transports accompagnent cette nouvelle organisation spatiale.
Quel projet, selon vous, aura l’impact le plus fort sur l’attractivité de Bordeaux ?
Christine Bost : Aucun projet isolé ne peut répondre à lui seul aux enjeux. L’avenir repose sur une combinaison d’outils : tramway, bus, cars express, RER, vélo. Miser sur la pluralité des solutions, c’est la condition d’une mobilité efficace et durable.