Itw de Yannick Nadesan : quand la ville influe sur notre santé
Publié le 30.04.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Yannick Nadesan : « Notre santé commence là où nous vivons »

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Président du Réseau français Villes-Santé et adjoint (PCF) en charge de la santé à la mairie de Rennes, Yannick Nadesan défend une vision globale de la santé publique. Mobilités, alimentation, santé mentale, environnement : il décrypte le rôle essentiel que jouent les collectivités locales dans le bien-être des habitants.

À RETENIR 

  • Le Réseau français Villes-Santé, présidé par Yannick Nadesan, regroupe plus de 120 collectivités engagées pour une approche élargie de la santé, centrée sur les déterminants sociaux et environnementaux, et encourage l’innovation locale. 
  • Les collectivités locales peuvent agir concrètement sur la santé par des politiques de mobilité, d’alimentation, de prévention et d’aménagement urbain, comme en témoignent les actions menées à Rennes (paniers bio, bilans de santé, qualité de l’air).
  • L’accent mis sur la jeunesse reflète une volonté d’inclusion et de co-construction des politiques de santé, considérant les jeunes comme des acteurs à part entière du changement social et sanitaire. 
  • Les villes peuvent efficacement lutter contre le surpoids et renforcer la santé mentale en promouvant les mobilités actives, une alimentation saine, l’accès aux espaces verts, et en intégrant des dispositifs innovants comme les prescriptions culturelles. 

Envies de ville — Quel est le rôle du réseau français Villes-Santé, et comment les collectivités peuvent-elles concrètement agir sur la santé des habitants ? 

Yannick Nadesan : Le réseau rassemble aujourd’hui plus de 120 villes et intercommunalités qui veulent agir concrètement pour la santé de leurs habitants. Nous adoptons une approche large de la santé, celle de l’OMS, qui va bien au-delà de la médecine : le bien-être physique et mental, certes, mais aussi social et environnemental. Les déterminants de santé sont en grande partie extérieurs au soin : 70 % de notre état de santé dépend du contexte dans lequel on vit. À ce titre, les villes ont une capacité d’action majeure. Elles peuvent être des territoires d’exposition à des facteurs de risque… ou des leviers de transformation. Ce réseau permet aux collectivités de se tenir informées des avancées scientifiques et réglementaires, de partager des expériences, et de porter une parole collective auprès des pouvoirs publics. Nous ne sommes pas que des opérateurs : nous sommes des inventeurs du quotidien. 


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Si l’on schématise, que peuvent faire concrètement les villes en matière de santé ? 

Yannick Nadesan : Beaucoup plus qu’on ne le croit. Certes, les collectivités sont de plus en plus sollicitées sur l’offre de soins, notamment dans un contexte de pénurie médicale. Mais elles agissent surtout sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé : médiation, prévention, réduction des inégalités. À Rennes et sa métropole, nous menons une politique de santé publique intégrée. Quand on ouvre une nouvelle ligne de métro et qu’on constate grâce à cette nouvelle offre 100 000 trajets en véhicules thermiques en moins par jour, on agit sur la qualité de l’air. Quand on distribue gratuitement des paniers bio et locaux à des femmes enceintes, on agit sur la nutrition dans les « mille premiers jours » décisifs de l’enfant. Quand on fait des bilans de santé pour tous les enfants de 3 à 4 ans, on agit sur le repérage précoce. Et quand on réaménage les cours d’école pour favoriser l’activité physique ou qu’on mesure la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments publics, on agit aussi, directement, sur la santé. La santé est partout : dans les mobilités, dans l’aménagement, dans l’alimentation, dans l’école. 

Cette année, vos Rencontres nationales portent sur la jeunesse. Pourquoi ce focus ? 

Yannick Nadesan : Les jeunes sont souvent les grands oubliés des politiques publiques. On parle beaucoup d’eux, mais rarement avec eux. C’est précisément ce que nous avons voulu changer. En leur donnant la parole, en valorisant leurs initiatives, en les intégrant à la construction des réponses. Et puis, c’est une évidence : investir dans la santé des jeunes, c’est investir dans toute leur vie. L’année dernière, nous avions travaillé sur le sport et l’activité physique, l’année précédente sur la biodiversité. Cette fois, nous avons voulu rappeler que les jeunes ne sont pas seulement une catégorie à prendre en compte, mais une force à associer. 

Selon l’OMS, près de 30% des Français pourraient être en surpoids d’ici 2030. Que peuvent faire les villes sur ce front ? 

Yannick Nadesan : Les villes ont un rôle à jouer. En rendant les déplacements actifs plus faciles – piétons, vélos – en favorisant l’accès à des parcs et jardins de proximité, en travaillant la ville de la proximité. Et aussi en soutenant une alimentation saine : nous avons, à Rennes, mis en place des ateliers nutrition dans les points d’aide alimentaire, amélioré les repas dans la restauration collective, développé des animations dans les quartiers. Ce sont des leviers puissants. Et quand on pense les aménagements urbains en partant des publics les plus fragiles — personnes âgées, jeunes enfants, poussettes — on crée une ville plus accessible pour tous. 

La santé mentale est-elle aussi une priorité ? 

Yannick Nadesan : Absolument. Nous avons publié récemment un guide complet sur le sujet, nourri par des dizaines de villes du réseau. Dans de nombreuses villes, nous avons renforcé les postes de soutien psy pour les jeunes, avant, pendant et après le Covid. Nous soutenons aussi des associations qui proposent des consultations gratuites, notamment en mettant à disposition des locaux. Les Conseils locaux de santé mentale sont des outils clés : ils réunissent les hôpitaux psychiatriques, les bailleurs, les associations, pour coordonner les actions. Et nous innovons : à Rennes, nous avons mis en place des prescriptions muséales — de véritables ordonnances d’accès gratuit au musée, intégrées dans un parcours de soin. La culture, l’art, sont des leviers thérapeutiques puissants. C’est sérieux, documenté, reconnu. Et puis, autre exemple : depuis le confinement, tous les nouveaux logements de la métropole doivent être dotés d’un espace extérieur. Ce balcon, ce bout de jardin, c’est aussi une politique de la santé mentale. 

Finalement, notre santé est-elle déterminée par notre lieu de vie ? 

Yannick Nadesan : C’est une évidence. Là où l’on vit détermine notre état de santé : offre médicale, niveau de revenu, qualité de l’air, accès à une alimentation saine, pollution, bruit… Tout joue. Et les villes peuvent agir. À Rennes, nous avons mesuré la pollution aux pesticides de synthèse, en ville comme à la campagne. Elle est partout. C’est pour cela que nous avons engagé une stratégie de sortie de ces produits, en accompagnant les agriculteurs vers d’autres pratiques. C’est une politique de santé publique, au même titre qu’un hôpital ou qu’une campagne de vaccination. Notre santé commence là où nous vivons. 

Biographie express de Yannick Nadesan 

Yannick Nadesan est un homme politique et sociologue urbaniste français, né à Rennes. Il s’engage dans la vie politique dès 2002, en rejoignant le Parti communiste français (PCF). Actuellement, il est adjoint à la maire de Rennes, responsable de la santé, ainsi que conseiller métropolitain en charge de l’agriculture et de l’alimentation.  

Il a présidé la Collectivité Eau du Bassin Rennais de 2014 à 2020, où il a mis en place des initiatives pour préserver la qualité de l’eau et soutenir une agriculture respectueuse de l’environnement.  

Parallèlement à ces mandats, Yannick Nadesan est président du Réseau français des Villes-Santé-OMS. 

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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