
Accès aux soins : les initiatives locales face aux déserts médicaux
Aujourd’hui 87 % du territoire français est considéré comme sous-doté en médecins généralistes. Face à la pénurie de médecins traitants, les collectivités locales, associations et professionnels inventent de nouvelles manières d’assurer l’accès aux soins.
À RETENIR
- Le nombre de Maisons de Santé Pluriprofessionnelles a triplé entre 2017 et 2024, facilitant l’exercice collectif et l’accès de proximité aux soins pour les patients.
- De nombreuses communes s’impliquent directement en finançant des locaux, logements ou aides à l’installation, voire en recrutant elles-mêmes des médecins, malgré le coût pour leurs finances.
- Des initiatives solidaires comme Médecins Solidaires mobilisent des praticiens bénévoles pour assurer une offre itinérante de soins dans les zones en tension.
- Pharmacies, télémédecine, médecins étrangers et contrats avec étudiants en médecine complètent une réponse fragmentée qui repose sur une redéfinition des rôles dans le système de santé.
En matière de lutte contre les déserts médicaux, la tendance est à l’exercice collectif et à la mutualisation des moyens. Le nombre de Maisons et centres de Santé Pluriprofessionnels (MSP) est passé de 910 à plus de 2 500 établissements sur tout le territoire national de 2017 à 2024 et s’élèvera à 5000 en 2027. Ces maisons de santé permettent aux professionnels médecins, infirmiers, kinés, sages-femmes, d’alléger les charges administratives et de se relayer pour assurer une permanence. Les patients y trouvent ainsi un suivi plus fluide et des soins de proximité.
Les collectivités à la manœuvre
Si les communes n’ont normalement pas de compétence en matière de santé, nombreuses sont celles à avoir décidé de prendre les choses en main. La ville de Nanteuil-lès-Meaux (Seine-et-Marne) a par exemple construit des locaux neufs et choisi d’en être propriétaire pour proposer des loyers attractifs aux médecins. Résultat : huit spécialistes et un généraliste s’y sont installés. A l’Île-aux-Moines (Morbihan), la mairie a créé un logement de fonction pour les médecins remplaçants dont elle finance aussi les déplacements. Aux Sables-d’Olonne (Vendée), la municipalité mise sur l’incitation financière : 3 000 euros d’aide à l’installation pour les spécialistes venant d’un autre département. Des initiatives qui traduisent une conviction : la santé est devenue un levier d’attractivité territoriale aussi essentiel que les écoles ou les transports.
Certaines communes franchissent une étape supplémentaire : elles embauchent directement leurs médecins. Ce modèle rassure les jeunes praticiens, qui bénéficient d’un statut stable et d’horaires raisonnables. Mais il pèse lourd sur les finances locales et reste fragile sans le soutien des Agences Régionales de Santé (ARS).
Médecins solidaires : la mobilité au service des territoires
D’autres acteurs parient sur la solidarité itinérante. L’association Médecins Solidaires, fondée par le Dr Martial Jardel, permet à des généralistes bénévoles d’exercer une semaine par an dans des zones sous-dotées. La commune fournit le local et le matériel ; l’association prend en charge le logement, les transports et la logistique. À Chantenay-Saint-Imbert (Nièvre), le collectif a permis d’ouvrir un centre où les praticiens se relaient. Les patients n’ont plus de médecin traitant unique, mais une équipe qui assure le suivi.
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Recruter autrement : étudiants et praticiens étrangers
Certaines communes misent sur la formation et la fidélisation. À Plévenon (Côtes-d’Armor), la mairie verse 400 euros par mois à un étudiant en médecine, en échange d’un engagement à exercer cinq ans sur place. Même principe à Montmirail (Marne), où une étudiante reçoit 600 euros mensuels. Ces contrats de pré-installation assurent une visibilité à long terme. D’autres collectivités s’ouvrent à l’international : dans le Sud Sarthe, quatre médecins venus d’Amérique latine exercent désormais dans les communes rurales. Un phénomène en hausse : les médecins étrangers représentaient plus de 10 % des praticiens en activité en 2021, selon le ministère de la Santé.
Accès aux soins : innovations et nouvelles pratiques
Si la télémédecine devient un pilier complémentaire, les pharmacies sont désormais elles aussi des relais de premier recours. Depuis 2024, les pharmaciens sont autorisés à dépister angines et cystites, et à délivrer des antibiotiques si nécessaire. En Bretagne, une expérimentation élargie montre une baisse de fréquentation des urgences et une satisfaction élevée des patients.
Le problème ne se réglera pas uniquement par le numerus clausus ou la formation. « La clé se trouve dans la répartition des responsabilités et délégation de tâches aux infirmières en pratique avancée », selon le Dr Luc Duquesnel, président du syndicat CSMF des médecins généralistes. L’accès aux soins repose donc sur une mosaïque d’initiatives partielles, dont l’addition composera, à terme, un nouvel équilibre.



