Ville perméable : Geleysbeek-Zone-humide-de-Kauwberg
Publié le 09.09.25 - Temps de lecture : 4 minutes

Inondations, chaleur, sécheresse : la révolution douce de la ville perméable

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Face aux défis climatiques, l’eau s’impose comme un levier majeur de transformation des villes. L’agence Urban Water et les étudiants de l’École urbaine de Sciences Po, en collaboration avec Nexity, ont imaginé des solutions concrètes pour prévenir les risques liés à la bitumisation.

À RETENIR

  • Le projet « Au fil de l’eau », mené par Urban Water, Nexity et des étudiants de Sciences Po, propose des solutions fondées sur la nature pour lutter contre l’imperméabilisation urbaine et restaurer le cycle de l’eau en ville.
  • L’objectif est de rendre la ville « spongieuse », grâce à des infrastructures infiltrantes (toitures végétalisées, sols poreux, noues paysagères) permettant de limiter les inondations, recharger les nappes et atténuer la sécheresse estivale.
  • Une vingtaine d’études de cas en France et en Europe ont servi de référence, mettant en lumière la nécessité d’adapter les compétences des collectivités, notamment dans les villes petites et moyennes.
  • Ce travail collaboratif aide Nexity à développer un rôle de conseil auprès des communes, en les accompagnant dans la compréhension des enjeux réglementaires, techniques et financiers liés à la gestion durable de l’eau.

L’avenir des villes se joue dans les sols. L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) vise à mettre fin à l’artificialisation des sols à horizon 2050. Un principe ambitieux, mais remis en cause par la nouvelle proposition de loi TRACE (Trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux), déposée début 2025 au Sénat, qui appelle à plus de « souplesse » dans l’application des objectifs. Pour garantir l’habitabilité des villes, la gestion du cycle de l’eau devient désormais un élément central de l’aménagement urbain. Ce sont sur ces problématiques que s’est penchée l’École urbaine de Sciences Po, en collaboration avec l’agence Urban Water, spécialisée dans la gestion et la valorisation des eaux en milieux urbains, et Nexity, dans un projet collectif intitulé « Au fil de l’eau ». Partant du double constat que la gestion des eaux de pluie est essentielle au développement durable, mais que l’urbanisation perturbe les cycles hydriques naturels, les étudiants ont analysé les risques liés à une trop forte imperméabilisation des sols et proposé à Nexity une série de solutions.  

Finie l’évacuation par tuyaux ? 

Leur rapport défend une approche systémique : l’eau est vue comme un fil conducteur permettant d’atteindre plusieurs objectifs de développement durable avec des stratégies d’aménagement adaptées, c’est-à-dire l’intervention sur le paysage lors de la fabrique de la ville. « Grâce au recours aux architectes, aux paysagistes, aux agronomes ou aux écologues, la gestion des eaux de pluie quitte de plus en plus le domaine de l’assainissement et de l’évacuation par tuyaux pour se tourner vers des solutions fondées sur la nature, favorisant l’infiltration dans les sols, à savoir des parcelles d’infiltration paysagères », introduit Christian Piel, urbaniste et fondateur de l’agence Urban Water. 

Le sol va pouvoir conserver les précipitations et recharger les nappes phréatiques 

Rendre la ville « spongieuse » 

Les objectifs sont clairs : rendre les villes « spongieuses » afin de prévenir les risques d’inondations, mais aussi réduire la pollution des milieux naturels en évitant le déversement des eaux de pluie dans les cours d’eau. « Grâce à cette infiltration, le sol va pouvoir conserver les précipitations et recharger les nappes phréatiques qui sont des réservoirs naturels et des ressources essentielles à la prévention des situations de sécheresse en été », ajoute-t-il. Cette approche implique par ailleurs d’autres réponses sur l’adaptation de la ville au changement climatique, comme le rafraîchissement des villes par une présence plus intensive de la nature sous toutes ses formes. 


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L’eau, une contrainte devenue un atout  

Pour y parvenir, plusieurs options sont mises sur table. « Les propositions vont beaucoup plus loin que ces parcelles d’infiltration paysagères », reprend l’urbaniste. « Nous portons également des solutions d’aménagement sur le plan de l’architecture ou des voiries, dans lesquelles l’eau vient servir le projet ». Cela peut aller des toitures-terrasses végétalisées aux circulations d’eau à ciel ouvert en passant par les bitumes poreux. « L’ensemble de l’aménagement doit intégrer cette présence de l’eau. C’est notre cœur de métier : faire de ces impératifs des facteurs de valorisation du projet », explique-t-il. Car, si « Au fil de l’eau » met en lumière les contraintes économiques qui peuvent limiter l’action des promoteurs immobiliers, le rapport souligne dans le même temps les bénéfices environnementaux d’un bâtiment plus responsable et les répercussions sur son prix de vente.  

Une vingtaine d’études de cas en France et en Europe 

« Avec les différents spécialistes au sein de l’agence, nous avons expliqué aux étudiants de Sciences Po les enjeux de façon précise et opérationnelle », reprend Christian Piel. « Nous leur avons par ailleurs présenté plusieurs cas de figure afin de mieux les orienter ». Leur travail s’appuie en effet sur une vingtaine d’études de cas pour illustrer ces concepts, en France (Lyon, Nantes) ou à l’étranger (Amsterdam, Copenhague). « Cette nouvelle manière de considérer et de gérer l’eau en milieu urbain est mise en œuvre de façon très intéressante par les grandes métropoles. Mais ces changements de pratiques doivent aller de pair avec une évolution des métiers au sein des collectivités. Or, les petites et les moyennes villes ne disposent pas forcément des compétences en interne ». 

Les changements de pratiques doivent aller de pair avec une évolution des métiers au sein des collectivités 

Aider les petites communes à intégrer ces pratiques 

Le travail réalisé par les étudiants de l’École urbaine de Sciences Po va donc aider concrètement Nexity à développer des solutions pour les petites ou moyennes communes. L’aménageur entend en effet jouer un rôle de conseil de plus en plus important auprès de ces collectivités. La démarche, qui a été échelonnée sur plusieurs mois, a permis aux étudiants d’effectuer des visites de terrain pour observer les usages exemplaires, comprendre les spécificités, analyser les données recueillies et formuler des recommandations. « Ils connaissent bien ces problématiques et savent aussi comment Nexity peut s’adresser aux petites collectivités. Ils ont beaucoup échangé afin de cerner les attentes, d’identifier les clients et les partenaires, et de choisir le vocabulaire à utiliser pour mieux sensibiliser les communes sur la réglementation et les possibilités de financement », détaille l’urbaniste.  

Un sujet en constante évolution 

« Nous espérons, bien entendu, que le projet “Au fil de l’eau” intéressera d’autres institutions », confirme Christian Piel. Mais ce sujet complexe est en évolution constante, avec une dimension de recherche nécessairement très importante. « Avec notre agence, nous travaillons en outre avec des laboratoires universitaires et des écoles supérieures sur des projets similaires qui font évoluer en permanence les solutions de gestion des cycles de l’eau en ville », conclut-il. En espérant que les villes auront les moyens – et la volonté – de l’écouter. Dans ce domaine plus que dans d’autres, ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément dans 10 ans. 

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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