Copropriétés dégradées : une façade d'immeuble en mauvais état.
Publié le 18.06.25 - Temps de lecture : 3 minutes

Comment les maires peuvent-ils venir en aide aux copropriétés dégradées ?

Loading the Elevenlabs Text to Speech AudioNative Player…


Détérioration du bâti, fuites, insalubrité, mauvaise isolation, parties communes mal entretenues, difficultés financières… Face à la multiplication des copropriétés dégradées, que peuvent faire les maires ?

À RETENIR

  • Les maires disposent d’outils juridiques renforcés (lois Alur, Elan, 3DS et Habitat dégradé) leur permettant d’imposer des travaux, de diagnostiquer les immeubles, et de recourir à l’expropriation anticipée.
  • Ils peuvent mobiliser des aides via l’Anah, le Plan Initiative Copropriétés, et des dispositifs comme VOC ou POPAC pour accompagner techniquement et socialement les copropriétés.
  • L’intervention d’opérateurs spécialisés (bureaux d’études, architectes) permet de traiter les causes structurelles et juridiques de la dégradation des immeubles.
  • Malgré ces moyens, la diversité des dispositifs et l’instabilité des financements ralentissent les actions locales, rendant difficile une stratégie de réhabilitation durable.

Partout en France, les copropriétés dégradées deviennent plus nombreuses dans les grandes villes et les zones périurbaines. Selon la Banque des Territoires, près de 1,5 million de logements sont situés dans des copropriétés fragilisées par des problèmes financiers, techniques, ou sociaux, ce qui met en péril la santé et la sécurité des habitants. En tout, ce sont entre 110 000 et 180 000 copropriétés qui seraient actuellement en grande difficulté.

En première ligne face au mal logement, les maires disposent de plusieurs outils pour agir. Ceux-ci sont-ils à la hauteur de la situation ?  Quelles actions les élus peuvent-ils mener ?  Comment passer d’une logique de gestion de crise à une politique de prévention durable ?

Un arsenal juridique au service des copropriétés dégradées

Alors que la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qui aura 60 ans cette année, organise la gestion collective des immeubles par les copropriétaires, le syndic et le conseil syndical sans intervention des collectivités, la loi Alur en 2014, puis la loi Elan en 2018, fournissent aux maires des leviers juridiques et opérationnels particulièrement efficaces… Registre national d’immatriculation des copropriétés (RNIC) pour identifier les plus fragiles, obligation pour les syndics de constituer un fonds de travaux, accès aux informations financières et techniques d’un immeuble et placement sous administration provisoire pour opérer si nécessaire son redressement. « Les maires peuvent solliciter l’intervention d’un administrateur judiciaire mais celui-ci ne dispose pas de pouvoirs étendus pour recouvrer les impayés.  Par ailleurs, cela peut aggraver les difficultés existantes en dépossédant les copropriétaires de leurs prérogatives de décision. » explique Sylvaine Le Garrec, sociologue, spécialiste de l’habitat et de la copropriété. Il fallait aller plus loin.

Promulguée en 2022, la loi 3DS donne aux maires la possibilité de prendre des arrêtés municipaux pour imposer des travaux ou pour engager des procédures de carence. Grâce à la procédure d’expropriation anticipée et au diagnostic structurel obligatoire, la loi « Habitat dégradé » du 9 avril 2024, dernière en date, leur permet de prendre des mesures coercitives sans attendre la ruine totale d’un immeuble, mais aussi de mobiliser plus rapidement les aides financières et d’accompagner plus efficacement les copropriétés en difficulté.


À lire aussi


De nombreux dispositifs pour réhabiliter les copropriétés dégradées

En plus de cet arsenal juridique particulièrement étoffé, les maires peuvent actionner toute une série de leviers complémentaires. Ils peuvent faire appel à l’Anah (Agence nationale de l’habitat) qui propose des aides spécifiques pour les copropriétés fragiles, couvrant jusqu’à 25 % du montant des travaux. Toujours auprès de l’Anah, ils peuvent recourir au Plan Initiative Copropriétés qui mutualise les moyens de l’État, des collectivités et de différents partenaires, notamment via des financements adaptés aux besoins locaux. Dans le cadre de ce plan, les maires peuvent bénéficier du dispositif VOC (Veille et Observation des Copropriétés) pour avoir une meilleure connaissance de leurs parcs de logement, et solliciter le POPAC (Programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés) pour que les copropriétés obtiennent un accompagnement juridique, social, pédagogique, et technique sur-mesure.

Par ailleurs, les collectivités peuvent mobiliser les compétences d’opérateurs spécialisés, comme des bureaux d’études ou des cabinets d’architectes.« Beaucoup de copropriétés se retrouvent en difficulté à cause de malfaçons juridiques. Il peut y avoir un empilement de structures inutiles qui font gonfler artificiellement les charges, cumulées à un manque de transparence qui empêche les copropriétaires de contrôler les dépenses. » précise Sylvaine Le Garrec.

Enfin, les opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD), les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), et les « Plans de Sauvegarde », qui sont des dispositifs phares du redressement des copropriétés en difficulté, complètent le tableau.

Pour autant, la multiplicité des programmes et l’inconstance des politiques nationales compliquent le travail des maires. Ces obstacles expliquent la lenteur et la difficulté à enrayer la dégradation des copropriétés et à conduire efficacement leur réhabilitation. « Pour agir, les élus doivent pouvoir se fier à la stabilité des aides disponibles. Quand une région suspend les financements dédiés aux copropriétés alors que nombre d’entre elles avaient voté des travaux, les opérateurs doivent revoir leur copie, ce qui demande en moyenne 3 ans. » conclut Sylvaine Le Garrec.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter