
Lycées et ingénierie territoriale : quelles transformations demain ?
En France, la fermeture de classes de lycées gagne du terrain, surtout dans les régions déjà fragilisées par le déclin démographique. Alors que ce phénomène impacte l’attractivité des territoires, comment y répondre ?
À RETENIR
- La baisse démographique fragilise les lycées, notamment en Bretagne, où certains établissements fonctionnent à moins de 40 % de leur capacité, entraînant des risques de fermeture ou de fusion.
- Depuis les années 1970, plus de 42 000 établissements ont été fermés en France, affectant la cohésion sociale, l’attractivité territoriale et augmentant les inégalités scolaires par l’éloignement des élèves.
- Des solutions d’ingénierie territoriale émergent, comme la mutualisation des infrastructures, la création de cités scolaires et la redéfinition des lycées en tant qu’espaces multifonctionnels ouverts aux besoins locaux.
- L’anticipation territoriale, illustrée par le comité « Lycée 2040 » en Bretagne, permet d’éviter des fermetures subies et de repositionner les lycées comme leviers de résilience et de développement territorial.
Cet été, la chambre régionale des comptes de Bretagne a publié un rapport qui exhortait la région à « anticiper l’évolution du réseau des lycées publics » autrement dit, à envisager regroupements, fusions, voire fermetures d’établissements à effectifs en chute libre. Dans cette région, qui pourrait perdre jusqu’à 8 % de ses lycéens d’ici à 2040 selon l’Insee, certains établissements professionnels ou agricoles sont déjà à moitié vides, notamment à Port-Louis, Étel ou Pleyben, avec des taux d’occupation parfois sous les 40 %.
Alors que ce phénomène prend de l’ampleur, comme le révèle l’étude « Penser le lycée de demain à l’aune du ralentissement démographique » réalisée par Régions de France en juin 2025, quels outils d’ingénierie territoriale peuvent permettre d’anticiper ces évolutions ? Existe-t-il des scénarios de “reconversion” des établissements vides ? Quelles réponses faut-il privilégier ?
Les conséquences de la fermeture de classes
Depuis 1970, plus de 42 000 établissements scolaires ont fermé en France, principalement dans les zones rurales, selon la Banque des Territoires. Cette dynamique touche particulièrement les lycées situés dans des régions où la population jeune est en baisse, avec cependant des situations très variables. « Il y a des régions en croissance démographique d’ici 2070, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire, d’autres qui vont continuer à augmenter puis décliner, Bretagne, Alpes, et enfin celles dont le décrochage est acté, Hauts-de-France, Grand-Est, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Centre Val-de-Loire et la Corse. » explique Emmanuel-Georges Picot, qui a supervisé la rédaction de l’étude.
La baisse des effectifs impacte le développement local et la cohésion sociale car le lycée n’est pas seulement un lieu d’enseignement, mais également un élément structurant pour l’attractivité du territoire et le dynamisme économique.
Par ailleurs, pour les élèves, l’allongement des temps de trajet accroît la fatigue et favorise le décrochage scolaire, ce qui aggrave les inégalités en matière d’éducation. Face à cette situation, les régions peuvent mobiliser plusieurs solutions.
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Transformer les lycées pour faire face à la fermeture de classes
Parmi celles envisagées dans l’étude, la mutualisation des plateaux techniques, des espaces de restauration, des équipements sportifs, des internats, partagés avec les collectivités locales et les acteurs du territoire. Ce modèle vise à optimiser l’usage des infrastructures pour faire baisser le taux de vacances. Les lycées deviennent ainsi des lieux multifonctionnels, ouverts sur l’extérieur. « Il faut trouver des solutions d’occupation, et la mutualisation est une bonne piste. Début 2025, à l’initiative du ministère des sports et de l’éducation nationale, une expérimentation a été menée pour mutualiser les équipements sportifs des établissements en Bourgogne Franche Comté, qui a été généralisée à la rentrée. » précise Emmanuel-Georges Picot.
Autre possibilité, la mutualisation des établissements eux-mêmes. Réunir un collège et un lycée dans une cité scolaire peut permettre d’éviter des fermetures. Enfin, il y a l’action des régions en matière de mobilité, puisqu’ elles sont chargées de transport scolaire, avec l’idée de mettre en place une ingénierie territoriale qui dépasse la fonction éducative des établissements. En proposant des services et des espaces accessibles, ceux-ci acquiert une fonction utilitaire pour les territoires, et peuvent ainsi attirer de nouveaux publics. « En Centre-Val-de-Loire, le nouveau lycée Joséphine Baker, situé à Hanches, a été conçu afin de répondre à des besoins locaux. C’est un internat d’excellence qui répond aux enjeux d’occupation. « détaille Emmanuel-Georges Picot.
Anticiper la fermeture de classes
D’autres approches misent sur la planification territoriale fine. En Bretagne, le comité Lycée 2040 travaille en concertation avec les acteurs locaux pour anticiper la baisse des effectifs et éviter les fermetures non nécessaires. A ce titre, la région investit chaque année plus de 110 millions d’euros pour améliorer les conditions d’accueil et maintenir une offre scolaire pertinente.
Aujourd’hui, l’objectif est de repenser l’organisation des lycées pour les inscrire durablement dans un réseau territorial vivant, ce qui est un atout pour conserver des conditions d’étude optimales.
Les fermetures de classe ne sont pas une fatalité. Au contraire, elles peuvent être l’ opportunité d’apporter un nouveau dynamisme au cœur des territoires, et de les rendre résilients face une baisse démographique qui est désormais inévitable.



