Et si l’esthétique des villes devenait un enjeu de santé publique ?

Longtemps reléguée au rang de simple considération esthétique, la question de la beauté urbaine s’impose désormais comme un enjeu de santé publique à part entière. De plus en plus de chercheurs s’interrogent : les villes dites « moches » peuvent-elles affecter notre bien-être mental ?

On connaît depuis longtemps les effets néfastes de la pollution ou du bruit sur notre santé. Mais un facteur encore largement sous-estimé entre progressivement dans le débat : l’esthétique des espaces urbains. Façades monotones, bâtiments standardisés, rues sans végétation : ces environnements urbains disgracieux pourraient peser lourd sur notre santé mentale. 

Quand la laideur urbaine nuit à notre santé mentale 

Ces dernières années, de nombreuses études convergent vers la même conclusion : vivre dans un cadre urbain peu attrayant pourrait favoriser le mal-être, voire certaines pathologies. L’extension massive des grandes agglomérations s’accompagne d’une hausse des cas de dépression, d’anxiété, mais aussi de maladies comme le diabète ou certains cancers. Ces liens entre cadre de vie et santé mentale ont récemment été confirmés à grande échelle. Une étude britannique de référence, publiée en 2023 dans The Lancet Planetary Health,, a suivi pendant dix ans plus de deux millions d’adultes au Pays de Galles. Elle montre que plus l’on habite loin d’un espace vert ou bleu – parc, lac, mer –, plus le risque de troubles anxieux et dépressifs augmente. 

La neuroarchitecture : une réponse scientifique au malaise urbain 

Face à ce constat, une nouvelle discipline émerge : la neuroarchitecture. Elle étudie la manière dont notre cerveau réagit aux environnements construits. Le chercheur Colin Ellard, directeur du Laboratoire des réalités urbaines à l’Université de Waterloo (Canada), en est l’un des pionniers. Depuis 2024, il mène une étude internationale en partenariat avec la campagne Humanize, qui analyse les réactions psychologiques de personnes confrontées à différents types de façades urbaines. Les premiers résultats suggèrent que des façades variées, esthétiques et intégrant des éléments naturels comme la végétalisation favorisent des émotions positives, une réduction du stress et un sentiment de bien-être accru. Parallèlement, l’université de Cambridge explore actuellement le lien entre design architectural et une possible neuroinflammation. Ces recherches ouvrent la voie à un urbanisme repensé à l’aune de la santé mentale. 

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Des villes qui soignent : vers un urbanisme apaisé 

Certaines villes commencent à s’emparer du sujet. À Nantes ou Strasbourg, des « îlots apaisés » voient le jour : plus de verdure, moins de bitume. À Paris, le concours « Embellir Paris », lancé en 2019 cherche à transformer des espaces délaissés en leur redonnant beauté et diversité visuelle. 

Santé publique France a récemment publié un rapport soulignant les effets positifs de ces initiatives dans trois métropoles pilotes : Rouen, Montpellier et Lille. Les résultats sont prometteurs : une végétalisation accrue des villes pourrait permettre de réduire la mortalité de 3 à 7 % selon la métropole. Les bénéfices sont multiples : réduction du stress, incitation à l’activité physique, renforcement du lien social… autant de leviers d’action pour des villes plus saines, mais aussi plus agréables à vivre.