
Gironde : trois ans après les incendies, où en est la reconstruction ?
Après les incendies de l’été 2022 en Gironde, le paysage porte encore les stigmates de la catastrophe. Équipements, débroussaillage, reboisement : l’heure est à la prévention et à l’adaptation.
À RETENIR
- Près de 30 000 hectares de forêt ont été détruits en 2022, et les stigmates de la catastrophe restent visibles malgré une maîtrise complète des incendies seulement récemment acquise.
- Une opération nationale d’achat de matériel, appelée « pacte capacitaire », a permis d’équiper les pompiers de nouveaux moyens et de renforcer la prévention dans les forêts.
- Depuis 2023, les entreprises de travaux forestiers peuvent être légalement réquisitionnées pour créer des coupures de végétation et renforcer les dispositifs de défense.
- Le reboisement a débuté avec des essences plus résistantes au feu et l’adaptation du paysage aux risques, tout en favorisant le retour de certaines espèces, comme le courlis cendré.
« Jamais de ma carrière je n’avais été confronté à un phénomène d’une telle intensité. » Le constat de Francis Maugard, expert en risques naturels à l’Office National des Forêts, résume l’ampleur de la catastrophe. À quelques semaines de sa retraite, il revient sur l’un des épisodes les plus marquants de sa carrière : les incendies de l’été 2022 en Gironde.
Près de trois ans plus tard, les séquelles sont toujours visibles. Plus de 30 000 hectares de forêt ont été ravagés par les flammes. À leur place, une lande calcinée, où la nature peine à renaître. Cet été-là, près de 3 000 pompiers avaient été mobilisés. 50 000 personnes avaient dû être évacuées. Une mobilisation inédite face à des feux d’une intensité hors norme. Et même lorsque les flammes semblaient éteintes, le danger persistait. Le sous-sol, gorgé de lignite, a continué à brûler en silence pendant des mois. Ce n’est qu’aujourd’hui que l’on peut enfin dire que les feux sont complètement maîtrisés.
Des secours rapidement dépassés par les incendies
Le 12 juillet 2022, cela fait près de deux mois et demi que la Gironde connaît un fort épisode de sécheresse, couplé à une intense canicule. Cet après-midi là, un incendie démarre sur le territoire de la commune de la Teste-de-Buch en raison d’un dysfonctionnement de moteur électrique d’une fourgonnette. Une heure et demie plus tard un second foyer démarre sur un autre secteur du département, lui aussi d’origine humaine. « Ces deux gros incendies ont démarré de façon quasi-simultanée, si bien que les forces de secours ont été rapidement insuffisantes dans leur lutte et qu’il a fallu très vite déclencher les renforts d’autres régions du pays, puis carrément faire appel à l’aide européenne », reprend l’expert.
Une opération inédite d’achat de matériel
Pourtant, la protection des forêts face aux risques d’incendies était déjà une priorité de longue date. Alors quelles leçons tirer de la catastrophe ? « Depuis les pompiers ont reçu de nouveaux équipements, de nouveaux camions, une opération d’achat inédite que l’on appelle le pacte capacitaire », ajoute-t-il. Un plan d’investissement visant à renforcer les moyens matériels et humains des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). « Parallèlement à cela, on a continué à équiper les forêts d’éléments de protection, de pistes de points d’eau et de ponts pour être plus facilement parcourues par les pompiers, répond notre interlocuteur. Les services de l’État ont par ailleurs mis une grosse pression aux élus et aux habitants pour mettre en œuvre les obligations légales de débroussaillement », éclaire-t-il encore. Une loi impose désormais aux propriétaires le débroussaillage régulier dans la forêt des Landes, et le montant des amendes en cas d’infraction a été doublé.
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Réquisitionner les entreprises de travaux forestiers
La grande innovation depuis 2022 réside dans le partenariat mis en place avec les entreprises de travaux forestiers qui désormais peuvent être réquisitionnées. Ce dispositif est rentré dans le cadre légal à l’occasion de la nouvelle loi « feu de forêts » de juillet 2023, pour que les autorités puissent mobiliser ces acteurs beaucoup plus facilement. « Nous avons fait d’immenses chantiers forestiers pour créer des lignes de coupure de végétation et avons mobilisé un grand nombre d’entreprises. Ce que nous faisons ne sera certes pas une sécurité absolue, mais nous avons acquis une expérience », nuance-t-on à l’ONF.
Reboiser différemment
Reste désormais à la forêt de reprendre son cours naturel de développement. « Maintenant ces forêts, il faut les reboiser. Ce ne seront pas exactement les mêmes, nous garderons des lignes d’appui pour les pompiers, et y planterons des essences différentes, moins vulnérables aux incendies », conclut Francis Maugard. Les reboisements ont commencé. Un éclaircissement du paysage qui fait le bonheur du courlis cendré, un échassier qui a fait son retour en forêt.