Bel exemple de relocalisation : vue de l'usine Smoby sur son territoire historique, à savoir celui de la commune d’Arinthod, dans le Jura.
Publié le 31.01.23 - Temps de lecture : 4 minutes

En 2023, on relocalise… oui mais comment ?

Relocaliser. Le mot, longtemps oublié, est aujourd’hui pleinement d’actualité. De nombreux dispositifs d’aide et d’accompagnement ont été lancés par l’État à cette fin mais c’est l’ensemble des échelons administratifs du pays qui sont mobilisés pour réussir ce pari. Et à l’échelle des villes, c’est souvent main dans la main qu’entrepreneurs et élus locaux œuvrent pour mener à bien des projets qui permettent de revitaliser les territoires.

C’est comme si la crise du Covid avait ouvert les yeux sur le retard industriel en France. Depuis les confinements de 2020 et 2021, les termes de relocalisation et de revitalisation des territoires ont fait leur grand retour dans le langage courant. Et, aujourd’hui, les choses s’accélèrent, passant, ici ou là, des idées aux actes.

C’est ainsi le cas, sur fond de menace de pénurie, pour la production de paracétamol en France, dont la réimplantation des usines de fabrication est, actuellement, l’un des principaux chevaux de bataille du Gouvernement. Les permis de construire étant déposés depuis l’automne 2022, le projet initié sur la commune de Roussillon, dans le département de l’Isère, va enfin pouvoir devenir concret, avec la construction d’un site de production, d’une capacité de 10 000 tonnes de paracétamol par an, dont les premières livraisons sont attendues en 2025 ou 2026.

Pour relocaliser, les territoires s’engagent

Le jouet, la montre, le vélo, le vêtement et la chaussure… Des objets qui au-delà de leur utilité quotidienne ont fait les heures glorieuses de nos territoires. Le cas du jouet est notamment intéressant pour comprendre les enjeux liés à ces relocalisations et, plus globalement encore, les effets « boule de neige » à en attendre. Prenez Smoby, marque iconique du marché. Bientôt centenaire – les célébrations sont prévues pour 2024 – l’entreprise, après quelques vicissitudes, se développe à nouveau. Et entend bien le faire sur son territoire historique, à savoir celui de la commune d’Arinthod, dans le Jura.

Rachetée en 2008 par le groupe allemand Simba-Dickie, Smoby a investi quelques 55 millions d’euros pour réactiver sa fabrication française. Et poursuit dans cette voie avec un projet d’extension de 14 000 m² de son site d’Arinthod dans le Jura. Laquelle extension « permettra d’accélérer la relocalisation de nos productions encore à l’étranger », indique Bernard Russac, directeur du marketing et de la communication de Smoby. Cette fois, ce sont 26 millions d’euros qui sont mis sur la table.


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Mieux que du made in France, du made in Jura

« Pour nous, cela va de soi. Nous sommes nés ici, pourquoi aller ailleurs ? Cet ancrage territorial fait ce que nous sommes, depuis près de cent ans. Et c’est pourquoi, plus encore que made in France, nous avons envie de proclamer que nous faisons du made in Jura », explique Bernard Russac. « En réalité, poursuit-il, nous le faisons depuis toujours. Nous n’en parlions simplement pas et, maintenant, nous le disons haut et fort. »

L’avantage du jouet, par rapport à d’autres marchés comme le textile par exemple où quelques usine résistent tant bien que mal dans la vallée du Rhône, est que le savoir-faire ne s’est jamais perdu. « Les compétences sont là, la relocalisation est donc rendue envisageable », précise Bernard Russac. Evidemment, cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit aisée. « La difficulté n’est pas tant de fabriquer en France, pour ce qui nous concerne, mais de pouvoir le faire dans les prix du marché », précise le directeur marketing de Smoby. Pour coller à ces impératifs, l’entreprise doit se montrer ingénieuse. Cela implique, pour ses caisses enregistreuses à destination des enfants par exemple, de savoir se passer de composants électroniques, coûteux et impossibles à usiner en France, pour privilégier des pièces mécaniques, à l’ancienne, mais qui ne viennent surtout rien enlever à la qualité d’utilisation du jouet.

En la matière, Smoby propose et, c’est bien connu, le consommateur dispose. À ce dernier de jouer le jeu et il le joue comme en témoignent les quelques 140 millions d’euros de chiffre d’affaires de Smoby en 2022, contre 127 millions un an plus tôt. Et ce pari commercial entraîne tout un territoire dans son sillage. À Arinthod, Smoby emploie un peu moins de 200 personnes sur son site de production. À l’échelle d’une commune de 1300 habitants, c’est beaucoup. D’autant que c’est sans compter sur tous les emplois indirects et les autres retombées périphériques.

Pour parvenir à un tel résultat, l’entreprise et les élus locaux se sont longuement concertés, et tous se sont d’ailleurs rencontrés mi-janvier avec le patron allemand de Simba-Dickie, le préfet de région, le président du Département, la députée de la circonscription, le président de la Communauté de communes Terre d’Emeraude et le maire Jean-Charles Grosdidier.

L’ordre du jour ? Déterminer comment chacun, à son niveau, peut et doit soutenir le projet industriel porté par Smoby. « Nous connaîtrons plus en détails le montage juridique d’ici une quinzaine de jours (soit début février 2023, Ndlr) et pourrons alors décider des répartitions des aides entre les différents interlocuteurs », explique Jean-Charles Grosdidier. Ces implications multiples, pour de tels enjeux, sont une nécessité évidente. « À l’échelle de la commune seule, avec nos deux millions d’euros de budget annuel, ce ne serait pas envisageable », précise l’édile, qui ne souhaite pas obérer ses autres investissements en cours, à commencer par un projet de construction d’une maison de santé.

Enclencher un cercle vertueux

Mais, pour autant, il entend bien être partie prenante, à sa mesure, car la présence de Smoby sur son territoire est un véritable game changer pour Arinthod. Le montant de la taxe foncière, qui tourne aujourd’hui entre 30 000 et 40 000 euros, grimpera mécaniquement. Et plus d’argent dans les caisses, c’est plus de facilités pour mener à bien des projets d’envergure. C’est alors tout un cercle vertueux qui s’enclenche, le projet de Smoby étant soutenu financièrement par des pouvoirs publics qui, en retour, en reçoivent des bénéfices directs et indirects.

« Notre territoire est très dynamique pour une petite ville de 1 300 habitants. Maternelle, école primaire, collège, piscine, médiathèque, pharmacie, dentiste, kiné, infirmier, médecin et j’en oublie, nous avons tout sur place et, c’est bien simple, nous n’avons plus une maison à vendre sur le territoire de la commune », se réjouit Jean-Charles Grosdidier. Toutes les zones rurales de France ne peuvent clairement pas en dire autant… Quant aux équipes de Smoby, elles en retirent la fierté d’un entrepreneur qui a su rester fidèle à ses racines. « Notre volonté, aussi, en investissant à Arinthod plutôt qu’ailleurs, est de rendre à cette région ce qu’elle nous a apporté », témoigne Bernard Russac.

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