Le maire qui a dit non à l’agrandissement des grandes surfaces
Empêcher l’installation d’un supermarché ? Ils ne sont qu’une poignée de maires à avoir pris une telle décision, dont David Valence, le maire de Saint-Dié-des-Vosges. Quand une enseigne de grande distribution a voulu agrandir son point de vente de 50 %, l’élu a dit non, considérant que la ville comportait déjà assez de surfaces commerciales. Qu’est-ce qui a motivé David Valence à s’opposer à cette opération ? Et que met-il en place pour, au contraire promouvoir le commerce de centre-ville ? Interview
Monsieur le maire, pouvez-vous nous expliquer ce dossier ? Et comment il a été géré ?
Il s’agit d’une enseigne déjà présente sur le territoire de la ville, dans une zone commerciale ou elle estimait ne pas être assez visible, sur une surface de vente très légèrement inférieure à 1 000 m2. Lors d’une récente liquidation sur la même zone il y a peu, cette grande enseigne a racheté ce magasin pour le détruire et y transférer le sien, car l’emplacement est meilleur. L’opération visait aussi à passer à plus de 1 400 m2. Il s’agissait clairement d’une augmentation de la surface commerciale et j’ai considéré, en discutant avec le conseil municipal, que notre offre en m2 commerciaux était largement suffisante pour notre bassin de vie. Ainsi, j’ai saisi le préfet pour qu’il suspende le passage de ce dossier en commission départementale d’aménagement commercial, ce qui est obligatoire pour tout dossier de plus de 1 000 m2. Et finalement, au terme de nombreux échanges, l’enseigne est revenue vers nous avec cette fois un dernier permis de construire pour une surface de 990 m2, que j’ai accepté. Partout dans la région, elle a agrandi ses magasins. Mais pas ici !
Comment abordez-vous le domaine du commerce dans votre ville, en termes d’implantation et de développement ?
Nous disposons d’un PLU (plan local d’urbanisme) mis en place il y a plus d’une dizaine d’années, avant mon élection en 2014. Nous sommes en train de le revoir à l’échelle de la communauté d’agglomération, et il devrait en aboutir une nouvelle version pour 2023. Dans ce nouveau PLU je serai vigilant pour qu’on puisse limiter la construction de nouvelles zones commerciales, ou permettre de modifier la destination économique des lieux. Pour pouvoir passer d’un commerce à de l’industrie par exemple. Je préfère que des espaces libres sur une zone commerciale servent à implanter une nouvelle imprimerie plutôt qu’un supermarché.
Concernant le centre, Saint-Dié- des-Vosges est une ville particulière. Pourquoi ?
Dans l’absolu, la zone d’activité commerciale est très proche du centre-ville. À pied depuis la mairie il ne faut que 10 minutes pour atteindre l’hypermarché. La ville compte 20 000 habitants, et même 75 000 si on compte l’agglomération. Nous avons, dans le centre, la rue Thiers, qui est très commerçante, sur 325 mètres de long et 25 mètres de large. Dans cette artère, la vacance commerciale, c’est à dire le pourcentage d’emplacements vides, est plus faible que la moyenne de la ville, puisqu’elle tombe à 7 % contre une moyenne qui est généralement de 11 à 12 % ailleurs.
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Vous faites également partie du programme Action Cœur de ville…
Oui, et c’est important de le mentionner, car nous en sommes partie intégrante depuis son lancement en 2018. Il compte aujourd’hui 222 villes, mais c’est ici, à Saint-Dié-des-Vosges, que le président de la République a effectué son déplacement sur ce thème. Autant vous dire que nos dossiers font l’objet d’une attention particulière. Il y a beaucoup de choses qui se mettent en place, avec la redynamisation et la numérisation des commerces, la revitalisation de certaines zones, la rénovation de logements…
Et ce programme porte ses fruits ?
Oui. En matière de logement, nous avons des opérations programmées d’amélioration de l’habitat / renouvellement urbain, et cela marche mieux que nous le pensions. Nous avons fait le choix de pratiquer la subrogation pour les publics modestes. C’est à dire qu’au lieu de s’adresser à quatre partenaires différents (l’État, la ville, le conseil départemental et le conseil régional) pour les demandes de subventions, le demandeur passe uniquement par la mairie. La ville perçoit toutes les subventions et reverse tout directement aux entreprises. Cela enlève une réticence à l’investissement devant trop de complexité et limite l’effort de trésorerie des propriétaires modestes. Concernant les commerces, ils sont mieux repris qu’auparavant car nous accompagnons les repreneurs. Le programme Action Cœur de ville fonctionne bien sur la modernisation du commerce. Nous sentons une volonté générale. Ce qui marche c’est ce que l’on pourrait appeler « le singulier » en centre-ville, plutôt que des commerces de grandes chaînes. Les gens attendent des commerces de bouche, des restaurants.
Le centre-ville change de visage sous cette impulsion ?
Nous observons l’installation de nouveaux commerces. Par exemple, nous avions une emprise vide, et une boutique d’artisans locaux a été créée. On pouvait penser que cela ne durerait que quelques mois, mais en réalité cela marche très bien ! Car quand les gens viennent en centre-ville ils veulent trouver quelque chose de différent en termes de boutiques. Si vous offrez un produit commercial standardisé, cela ne fonctionne pas. Il y a une balance positive depuis le début du programme Action Cœur de ville. Les commerçants étaient plutôt âgés, mais il y a une dynamique d’ensemble qui favorise les reprises. Le centre-ville est sous les projecteurs, et cela produit un effet d’entrainement général.