Contrôle technique pour les immeubles anciens et les copropriétés. Image d'illustration avec deux maisons mitoyennes : à gauche un bâtiment bien entretenu et à droite, une ruine.
Publié le 18.07.23 - Temps de lecture : 4 minutes

Un contrôle technique pour les immeubles anciens, une bonne idée ?

À plusieurs reprises ces dernières années, l’écroulement d’immeubles vétustes a fait l’actualité. Pour prévenir les drames, une connaissance plus fine de l’état du bâti est nécessaire. Plusieurs mesures sont prises en ce sens, mettant notamment les copropriétés au centre du jeu.

À Lille, rue Pierre-Mauroy, à Marseille, rue d’Aubagne, à Bordeaux, rue de la Rousselle ou encore à Nanterre, en avril 2023 : ces dernières années, plusieurs immeubles se sont écroulés dans des centres-villes, du fait de leur vétusté ou de problèmes structurels graves. Et, souvent, sans signes avant-coureurs caractérisés. Chaque cas, en effet, est particulier, suivant les matériaux et procédés constructifs utilisés pour la construction ou suivant la nature du sol sur lesquels les bâtiments ont été construits.

En cas de doute, mieux vaut agir

La difficulté, alors, est de savoir repérer ce qui est grave de ce qui ne l’est pas. En la matière, seul un expert peut le déterminer. Le maire n’en est pas un mais, pour autant, ses responsabilités sont grandes, au titre, notamment de ses pouvoirs de police. Le cabinet Landot & Associés, dans une vidéo très didactique, explique fort bien les trois outils à disposition des édiles.

Le premier d’entre eux consiste à établir un périmètre de sécurité autour du bâtiment suspect. Le deuxième est la prise d’un arrêté de péril simple. Très clairement, dans ce cas-là, précise le cabinet Landot & Associés, il s’agit de saisir un juge qui, lui-même, va désigner un expert, chargé de déterminer et d’indiquer au propriétaire les travaux à réaliser. Le troisième outil, enfin, est la prise d’un arrêté de péril imminent. Ici encore, juge et expert entrent en jeu, mais les travaux déterminés prennent un caractère d’urgence, et le maire pourra les entamer d’autorité à la charge du propriétaire… encore faut-il que celui-ci soit solvable et connu, sinon retrouver la créance peut s’avérer très compliqué.

Les caves, un lieu qui ne ment pas

Pour déterminer si un bâtiment devient une menace, son état général, avec notamment l’apparition de fissures, et surtout leur apparition rapide, avec un élargissement et un agrandissement manifeste, doit alerter. Une visite par les caves peut également donner de très bonnes indications. « C’est peut-être le premier conseil que l’on peut donner. L’état des caves, et notamment de leur plafond, est à surveiller, car on y fait rarement du cache-misère, à la différence des autres parties communes, dont on prend généralement davantage soin », pointe Sébastien Catté-Wagner, responsable du service Habitat digne et durable à l’Anah (Agence nationale de l’habitat).

Mais, au-delà de ces conseils de base, les pouvoirs publics et les différents organismes du secteur cherchent une manière de mieux connaître l’état du bâti en France, pour pouvoir désormais mieux faire face au problème. Car, si via l’Insee, on connaît très exactement le nombre de logements en France (37,6 millions de logements au 1er janvier 2022), les statistiques ne disent en revanche rien de l’état du bâti.


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Pour pallier ce manque, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a présenté, en février 2023, sa base de données nationale des bâtiments (BDNB). Le principe ? Établir une cartographie du parc de bâtiments existants en France, élaborée via le croisement d’une vingtaine de base de données issues de différents organismes publics. À la clé, une mine d’informations sur les caractéristiques connues du bâtiment (période de construction, isolation, type de chauffage, étiquette DPE estimée, exposition à un risque de surchauffe estivale, etc.). De quoi pouvoir ainsi anticiper les futurs besoins en matière de rénovation énergétique… et de rénovation tout court.

Pour prévenir les drames dus à des effondrements, le ministère du logement entend surtout engager les propriétaires et les copropriétés à, eux aussi mieux connaître l’état du bâti, afin de pouvoir, en toute connaissance de cause, planifier des travaux. Dès 2014, la loi Alur a initié ce mouvement avec l’obligation pour chaque copropriété depuis 2017, via un fonds de travaux, d’épargner une somme minimale (5% du budget annuel de la copropriété) afin de parer aux imprévus et anticiper les chantiers de conservation du bâtiment. « La loi Alur, en créant le registre d’immatriculation des copropriétés, a permis de mettre les choses à plat sur le plan financier, mais il manquait un volet sur l’état du bâti, qui va maintenant être comblé avec le plan pluriannuel de travaux (PPT) », explique Sébastien Catté-Wagner.

Le plan pluriannuel de travaux, un outil à utiliser

L’objectif de ce PPT est de lister les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, d’en hiérarchiser les importances, d’en estimer les coûts et de proposer un échéancier pour les mener à bien, sur une durée de dix ans. Obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour les copropriétés de plus de 200 lots, il le sera, à compter du 1er janvier 2024, pour celles de 51 à 200 lots et, enfin, à partir du 1er janvier 2025, pour toutes. « D’après les premières remontées dont on dispose, on note assez peu de refus de procéder à ces PPT dans les assemblées générales de copropriété », note Sébastien Catté-Wagner. Il faut dire que l’outil est très utile. « Cela vous donne très clairement une feuille de route à suivre, sur dix ans, et permet donc d’anticiper et de se préparer aux investissements à venir. C’est très bénéfique en termes de prévention », précise l’expert.

Reste la question du coût, évidemment. Établi par un bureau d’études agréé, un thermicien ou encore un diagnostiqueur immobilier, ce PPT coûtera « autour de 150 à 200 euros par lot hors taxes, et 10% à 20% plus cher environ en Île-de-France », précise Sébastien Catté-Wagner. Couplé au diagnostic technique global (DTG) de la copropriété qui, lui, dresse un état des lieux de l’état de l’immeuble et de ses besoins de travaux, en axant fortement son bilan sur la performance énergétique, cela donne une vision très claire des besoins. Et, donc, des mesures à prendre pour y remédier.

L’enjeu reste de convaincre les copropriétaires, qui n’ont pas tous le même niveau d’implication dans la copropriété. C’est alors tout un travail de pédagogie qui doit se mettre en place et, pour y parvenir, les syndics de copropriétés, tout comme France Rénov’, le service public de la rénovation de l’habitat, doivent chacun encore monter en puissance. « Ma Prime Rénov’ existe aussi pour les copropriétés, et il ne faut surtout pas hésiter à se tourner vers les espaces conseils France Rénov’, qui peuvent accompagner tous les projets et aider aux financements », explique l’expert de l’Anah, qui préconise plutôt d’entreprendre des rénovations globales, plutôt que ponctuelles. D’ailleurs, les travaux, pour pouvoir être financés par Ma Prime Rénov’ Copropriétés, doivent obligatoirement engendrer des économies d’énergie supérieures ou égales à 35%.

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