
Recycler les bureaux en logements ? Quel (vrai) potentiel ?
Alors que la crise du logement s’aggrave dans toutes les grandes villes françaises, plus de 9 millions de mètres carrés de bureaux restent aujourd’hui inoccupés sur le territoire. En Île-de-France, le paradoxe est frappant : 5,6 millions de m² vacants, un marché du neuf en chute libre, et un besoin estimé à au moins 500 000 logements.
À RETENIR
- En Île-de-France, 5,6 millions de m² de bureaux sont vacants tandis que la région fait face à un besoin estimé de 500 000 logements, posant un triple enjeu social, foncier et environnemental.
- Une étude de l’ORIE de février 2025 identifie un potentiel de 127 000 à 150 000 logements transformables, selon les scénarios de restructuration ou de démolition-reconstruction.
- Un indice de recyclage classe 113 communes franciliennes selon leur potentiel, mettant en avant des villes comme Clichy, Saint-Ouen ou Gentilly, où la reconversion est économiquement et socialement pertinente.
- Le choix entre restructuration (moins émettrice en carbone) et démolition-reconstruction (plus productive mais plus polluante) dépend de nombreux critères techniques, financiers et réglementaires encore contraignants.
Dans le même temps, les préoccupations écologiques imposent une nouvelle hiérarchie des priorités : réhabiliter plutôt que démolir, recycler plutôt que construire. Face à cette triple impasse sociale, foncière, environnementale, une question émerge avec urgence : que peut-on réellement faire de ces bureaux vides ? L’étude menée par l’Observatoire Régional de l’Immobilier d’Entreprise (l’ORIE) en février 2025 apporte des éléments de réponse. Pour la première fois, un chiffrage précis du potentiel de
Où peut-on transformer? Et à quelles conditions?
Pour objectiver cette hypothèse de reconversion, l’ORIE a mis au point un indice de recyclage des bureaux, dévoilé en février 2025. Ce nouvel outil classe 113 communes d’Île-de-France selon leur potentiel de transformation, en croisant trois familles de critères : la dynamique tertiaire (vacances, absorption), la dynamique résidentielle (nombre de logements créés, prix du neuf, solde migratoire, transports) et la faisabilité économique, qui repose notamment sur l’écart de prix entre bureaux anciens et logements neufs. Cet indice identifie ainsi les territoires les plus adaptés à la transformation. En tête du classement : Clichy, Saint-Ouen, Vélizy-Villacoublay ou encore Gentilly. Des zones en perte de vitesse tertiaire, mais attractives pour les habitants, bien desservies, et où la valeur du résidentiel dépasse largement celle des bureaux. À l’inverse, des secteurs comme le centre ouest parisien ou Courtabœuf apparaissent comme peu transformables : les premiers en raison de la résilience du marché tertiaire, les seconds à cause d’une demande résidentielle trop faible. L’étude détaille également deux scénarios de reconversion : si 40 % des opérations passent par la restructuration des immeubles existants, et 60 % par la démolition-reconstruction, environ 127 000 logements pourraient être créés en Île-de-France. En optant pour une démolition plus massive (80 %), le potentiel grimpe à 150 000 logements, soit la possibilité de loger jusqu’à 340 000 personnes. Un chiffre significatif, qui représenterait près d’un tiers de la demande régionale en logements. Mais ce potentiel reste théorique si les freins techniques, financiers et réglementaires ne sont pas levés.
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Réhabiliter ou démolir : le bon équilibre à trouver
Transformer un immeuble de bureaux en logements ne va jamais de soi. Certaines structures ne s’y prêtent pas, d’autres nécessitent des investissements lourds. Deux approches s’opposent : la restructuration, plus sobre en carbone mais moins productive en surface habitable, et la démolition-reconstruction, qui permet de densifier mais au prix d’un impact environnemental plus fort. Selon l’ORIE, une démolition-reconstruction génère en moyenne 30 % d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires par rapport à une restructuration. Pourtant, dans bien des cas, démolir partiellement ou totalement reste la seule option viable, ne serait-ce que pour adapter les bâtiments aux normes thermiques, à la lumière naturelle, aux circulations ou aux hauteurs sous plafond.
Mais ce potentiel identifié reste conditionné à plusieurs facteurs. La reconversion de bureaux en logements implique des arbitrages techniques, des montages économiques viables et un cadre réglementaire adapté. Depuis cette étude, deux rapports notamment ont été remis à la ministre du Logement. Ils proposent des leviers concrets pour accélérer ces transformations : l’un sur le financement, l’autre sur la simplification réglementaire. Le premier rapport préconise notamment la création d’un fonds de garantie pour sécuriser les investisseurs et la mise en place d’incitations fiscales ciblées pour les opérations de transformation. Le second propose de simplifier les procédures d’autorisation d’urbanisme et d’assouplir certaines normes techniques afin de rendre les projets plus rapides et économiquement viables. Ces deux rapports, remis le 5 septembre, trois jours avant la chute du gouvernement Bayrou, n’ont depuis pas bénéficié d’un véritable portage politique, du fait de l’instabilité institutionnelle qui a suivi.



