Portrait de Ariel Weil, maire de Paris Centre (© Mathieu Delmestre)
Publié le 09.11.21 - Temps de lecture : 3 minutes

Commerces, résidents, services : comment Paris Centre optimise la logistique urbaine

Sanctuarisation des places de livraison, expérimentations de places connectées, utilisation des anciens parcs de stationnement… Ariel Weil, maire de Paris Centre, partage sa vision sur la place de la logistique urbaine au cœur de la capitale et les moyens d’optimiser son intégration dans la ville.

En accélérant le développement du commerce en ligne, la crise sanitaire a largement bousculé nos modes de consommation. A-t-elle également redéfini le regard des élus sur les enjeux de logistique urbaine ?

Ariel Weil : Il y a certes l’évolution des modes de consommation, accélérée par la crise sanitaire, mais la question de la logistique urbaine se pose aux grands centres urbains et tout particulièrement aux cœurs historiques comme Paris Centre depuis plusieurs années, voire des siècles si l’on considère que les villes se sont forgées autour des marchés (les Halles…) et de cette question de leur alimentation au sens quasi littéral du terme.

Nous réfléchissons à ces questions dans le cadre de réflexions plus larges, notamment celle de l’instauration de la future zone à trafic limité. Avec des rues étroites, très vite embolisées et une forte activité commerciale, des solutions concrètes et efficaces doivent être mises en place rapidement. La zone à trafic limité est mal comprise par certains commerçants et actifs de Paris Centre qui s’inquiètent de l’interdiction ou du blocage de leurs flux de livraison alors que le projet a précisément pour but de mieux laisser circuler les personnes qui le doivent (services publics, résidents, personnes à mobilité réduite, commerces, etc.).

Lors de la révision du Règlement des étalages et des terrasses, il a été décidé de sanctuariser les places de livraison

Quels sont désormais, dans une zone aussi dense que le centre de Paris, les défis posés par la logistique urbaine ?

Ariel Weil : Dans la zone dense, les conflits d’usage sont nombreux, d’autant que l’augmentation de la commande en ligne a suscité le développement de nouveaux services de livraison pas tous très soucieux de leurs externalités négatives pour la vie locale (stationnement anarchique des 2 roues, « dark stores » qui fonctionnent comme de véritables entrepôts en pied d’immeuble résidentiel). À cela s’ajoute la lutte pour l’appropriation de l’espace public, que la Ville souhaitait pourtant désengorger au profit des piétons et des mobilités douces. Les terrasses estivales en ont été un bon exemple, affectant d’ailleurs très directement la logistique avec l’implantation de nombreuses installations sur des places de livraison. C’est d’ailleurs pourquoi il a été décidé, lors de la révision du RET (Règlement des étalages et des terrasses) au printemps dernier, de sanctuariser ces dernières afin de maintenir ce réseau logistique existant qui fonctionne bien et dont les commerçants dépendent.

Nous travaillons également à l’optimisation de ce maillage à travers des expérimentations de places connectées comme celles menées actuellement dans le 4e arrondissement (42 places équipées de capteurs vidéos et 126 places pilotées à l’aide d’un boitier bluetooth pour une cartographie des aires disponibles en temps réel et le développement d’une application à destination des transporteurs et agents de contrôle).

Plusieurs défis persistent comme celui de l’adaptation des infrastructures cyclables aux vélos cargo ou encore la question de la hiérarchisation d’un maillage suffisant afin de limiter les ruptures de charges dont l’impact se répercute directement sur les coûts. Nous y travaillons en direct avec les opérateurs et cyclo-logisticiens. Demeure également l’objectif de mieux exploiter l’interconnexion avec la Seine : malgré le caractère patrimonial de nos quais, il faut trouver des espaces dédiés à la logistique fluviale comme le tunnel Henri IV ou celui des Tuileries. D’autant que certains opérateurs comme Fludis ont su développer des barges avec l’infrastructure intégrée, n’ayant donc aucun impact sur les quais (les grues de déchargement sont sur le bateau).


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Quelle place la logistique occupera-t-elle selon vous dans la Ville de demain ?

Ariel Weil : Il est nécessaire de lui consacrer de la place même en centre-ville et ce d’ores et déjà. Pour cela plusieurs options s’offrent à nous :
En l’encourageant tout d’abord dans les projets immobiliers à venir, à l’aide de réserves d’emplacement dédiés dans le cadre du nouveau PLU de Paris (en cours de révision), mais d’ores et déjà avec de grands partenaires comme La Poste. Dans sa grande opération de La Poste du Louvre, a été créée une plateforme de 1 000 m2 en sous-sol avec 60 points de chargement et l’objectif pour La Poste de déployer une logistique 100 % verte pour livrer tous les colis des 4 premiers arrondissements d’ici 2022.

Ensuite en réinvestissant les anciens parcs de stationnement pour le déploiement de nouvelles plateformes :  le projet issu de Réinventer Paris 2 du Grenier Saint-Lazare dans le 3e arrondissement porté par la Sogaris propose en surface un kiosque pour une conciergerie, au -1 un espace d’accueil, une salle de quartier et un parking pour triporteur et du -2 au -6, 1 000 m2 de réserve et stockage pour les commerçants et habitants du quartier. Plusieurs autres parcs de stationnement souterrains accueillent déjà de nouveaux services comme celui de Beaubourg ou encore le parking Harley Pont Neuf où est implantée une plateforme logistique du groupe Grand Frais depuis mars 2020 pour desservir la rive gauche en produits frais (commande en ligne) à l’aide de 15 vélos cargo.

Enfin sur l’espace public, en développant de nouveaux services en cours d’expérimentation comme les microhubs de logistique urbaine conçus par Moon architecture et Sogaris sur deux sites dans Paris Centre (contre-allée Réaumur et boulevard Beaumarchais). Sogaris regroupe les transporteurs logisticiens Olvo, Ecolotrans et Stuart autour de mini-entrepôts permettant de stocker des colis livrés le matin par un camion et distribués ensuite à vélo cargo dans la journée. C’est une expérimentation de 1 an qui sera lancée cet hiver.

Photographie : © Mathieu Delmestre

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