L’architecte Philippe Rizzotti nous guide vers une construction plus légère et plus sobre.
Publié le 29.03.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Construire « léger et décarboné », meilleure réponse aux crises actuelles ?

Urgence environnementale, matières premières… Les crises actuelles sont l’occasion d’interroger notre manière d’habiter le monde, nos modes de production et le poids que pèse la construction dans la balance environnementale. L’architecte Philippe Rizzotti nous guide vers une construction légère et raisonnée.

Le monde de la construction est à un carrefour où se croisent la nouvelle réglementation environnementale RE2020, un commerce mondial et un accès aux matières premières chahutés par une pandémie puis une guerre, la croissance et le mouvement des populations, le changement climatique… Dans ce contexte, l’exposition « L’empreinte d’un habitat. Construire léger et décarbonné », présentée cet hiver au Pavillon de l’Arsenal à Paris, revêt un intérêt particulier pour quiconque interroge la possibilité d’une construction sobre comme réponse, à l’échelle individuelle et urbaine, à ces enjeux de taille.

De l’échelle de la maison individuelle à celle de la ville

Rappelant le principe que l’invention se fait sur de petits objets, il fallait partir « des constats faits sur la maison individuelle qui est très consommatrice de matière », décrit Philippe Rizzotti, architecte et commissaire de l’exposition. Ainsi, les 33 projets d’architectures expérimentales exposés ont fait l’objet d’une analyse « mettant en regard l’estimation des masses de matériaux et leurs empreintes carbone, de la complexité et de l’efficacité des systèmes constructifs des bâtiments, pour les comparer entres eux et avec les constructions classiques. Les résultats édifiants tournent systématiquement à l’avantage des architectures légères ». Il n’existe cependant aucune solution toute faite pour refaire la ville sur la ville durablement, mais des pistes sont à explorer en s’interrogeant sur la notion d’amortissement de l’empreinte carbone des différentes formes d’habitats, en fonction du contexte, et en maîtrisant la complexité de systèmes constructifs capables de s’adapter, tout en améliorant l’efficacité de la mise en œuvre.

Qu’un bâtiment puisse être un gisement de matériaux pour l’avenir.

Leçons du passé et vision sur le long terme

Une construction dite « sobre » serait alors une construction dont on réduit l’impact au moment de sa mise en œuvre en réduisant la quantité de matériaux et l’énergie qu’elle requiert. On pourrait aussi, plutôt que de construire pour un instant T, voir à plus long terme en ne figeant pas les édifices dans un usage particulier mais en concevant des constructions flexibles et adaptables. Il faut imaginer qu’un immeuble de bureaux ou d’activité puisse devenir le plus simplement possible un immeuble d’habitation, concevoir et construire en se disant que « tout ce que l’on fait aujourd’hui puisse être réutilisé demain ». Qu’un « bâtiment puisse être un gisement de matériaux pour l’avenir ». Concevoir pour démonter plus tard. Là est le profond changement de paradigme pour la construction. Philippe Rizzotti nous rappelle l’exemple des immeubles haussmanniens qui comme le montrent LAN et Franck Bouté dans Paris Haussmann sont « des modèles d’adaptation pensés dans l’idée d’un investissement à très long terme, de la constitution d’un fonds patrimonial ». Mais au fil du temps, « malgré l’évolution des outils de production, le niveau de rentabilité recherché sur les opérations a dégradé la qualité de la production », déplore-t-il. Et voir sur le long terme c’est reconsidérer la question des matériaux et les pratiques constructives, en lien avec les spécificités des territoires et les usages de populations et les besoins des habitants.


À lire aussi


Inventer des alternatives intéressantes

Du point de vue de l’architecture, cette contrainte est peut-être une chance pour exprimer une inventivité, « construire plus rationnel » et montrer à quel point les maîtres d’œuvre jouent un rôle primordial dans cette transition. « La réappropriation et le développement de savoir-faire liés aux territoires nécessitent d’améliorer encore la formation des acteurs de la conception, depuis les artisans jusqu’aux architectes, en accordant beaucoup plus de moyens et en développant la recherche », nous rappelle Philippe Rizzotti. « Une autre piste, surtout dans le contexte actuel, est la question de la réindustrialisation, basée sur une production locale basée sur les ressources disponibles, en favorisant la transformation de toutes les filières, la diversification des acteurs, tout en limitant les niveaux de sous-traitance. »

Concevoir durablement, c’est avant tout comprendre que rien ne dure et qu’il est fondamental de favoriser l’utilisation de matériaux qui se régénèrent tout en développant des solutions constructives capables de s’adapter dans le temps à l’évolution de nos besoins et de l’environnement.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter