Financement des espaces publics : vue d'une place lumineuse avec un miroir d'eau.
Publié le 12.09.24 - Temps de lecture : 4 minutes

Espaces publics : comment innover dans un contexte budgétaire contraint ?

Face à l’urgence climatique, la question de la monétisation des externalités positives des espaces publics se pose, alors que les fonds publics se réduisent et que les opérateurs privés doivent se réinventer pour garantir leur durabilité.

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À retenir:

  • La Stratégie Nationale Bas-Carbone met en avant l’importance de réaménager les villes pour les rendre résilientes, en intégrant espaces verts, mobilités douces et lieux de convivialité, mais le financement de ces infrastructures pose un défi majeur.
  • Le modèle traditionnel de financement des espaces publics repose sur les opérateurs privés et la vente de logements, rendant ce système vulnérable aux fluctuations du marché immobilier. Les taxes et subventions publiques sont des sources complémentaires pour financer ces aménagements.
  • De nouveaux partenariats public-privé émergent, comme le Projet Urbain Partenarial (PUP), permettant une répartition des risques entre acteurs publics et privés, bien que les contraintes de rentabilité limitent l’engagement des entreprises sur des projets longs et complexes.
  • Des pistes de financement innovantes, telles que la « charge foncière verte » et la valorisation des espaces verts, sont explorées pour financer des aménagements durables, avec une réflexion sur des dispositifs incitatifs pour réformer le modèle économique des opérateurs vers des missions de durabilité.

Alors que la troisième version de la Stratégie Nationale Bas-Carbone est en cours de bouclage, la question de l’aménagement des villes cristallise tous les enjeux pour préparer la résilience des territoires de demain : multiplication des espaces verts, aménagement de voiries adaptées aux mobilités douces, création de lieux de mixité sociale et de convivialité citoyenne… Autant d’attentes désormais omniprésentes dans les commandes publiques. Mais la question du financement de ces aménités se pose : comment réinventer le financement de villes qualitatives et aptes à relever les défis de demain ?

Du duo canonique aménageur-promoteur aux aides d’État

Comme le rappelle Marie Llorente, consultante-chercheuse et professeur d’Économie de l’aménagement à Sciences Po, « tout ce qui est public et commun nécessite des investissements importants sans pour autant générer des recettes monétaires, ce qui pose inévitablement la question du financement. » Dans le cas d’opérations de ZAC classiques, les espaces publics sont à la charge de l’opérateur privé proportionnellement aux besoins engendrés par son projet. Le reste doit être assumé par la collectivité. La vente des logements constitue la clé de voûte du bilan de promotion – et donc du bilan d’aménagement qui en dépend directement – et permet de dégager le budget qui sera investi dans les espaces publics. Ce modèle, dépendant de la commercialisation des logements, est inévitablement rendu vulnérable par l’instabilité cyclique du marché immobilier.

Au-delà de la participation des opérateurs privés, d’autres sources de financement peuvent donc être mobilisées par la collectivité.

  • Les taxes, comme la taxe d’aménagement, levée sur toutes les opérations nécessitant une autorisation d’urbanisme pour financer les équipements publics (voiries, réseaux et places, qui relèvent toujours de l’autorité communale).
  • Les aides publiques et subventions, qui peuvent provenir de différents échelons territoriaux (du département à l’Union européenne) pour financer les équipements et espaces publics au sein des opérations.

À l’échelle nationale, des fonds sont créés pour venir en appui aux projets qui s’inscrivent dans la lignée des orientations politiques portées par l’État, comme Territoires d’industrie ou France Relance. La plateforme Aménagement Urbain soutient les grands projets d’aménagement structurants pour les territoires et vertueux du point de vue environnemental. L’ensemble des aides auxquelles les porteurs de projet peuvent prétendre sont recensées et triées sur le site de la start-up d’État Aides-territoires, pensé comme un outil d’aide à la décision et à la mise en œuvre des opérations d’aménagement par les collectivités.


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Diversification des acteurs et hybridation des rôles 

De nouveaux modèles public-privé plus souples s’imposent aussi face au modèle traditionnel de financement des espaces publics. L’urbanisme privé négocié, institutionnalisé par la loi MOLLE de 2009 qui crée la convention de PUP (Projet urbain partenarial), est aujourd’hui particulièrement populaire. Le PUP permet de faire participer les opérateurs privés et les propriétaires fonciers au financement des équipements publics au sein d’une opération à laquelle ils sont associés, répartissant ainsi le risque financier entre privé et public.

Pour autant, la contrainte de rentabilité à laquelle sont soumises les entreprises peut les empêcher d’assumer le haut niveau de risque associé aux opérations d’aménagement complexes, qui s’étalent parfois sur plusieurs décennies et devront de ce fait rester à la charge du public.

Financiariser la nature, une solution durable ?

La « charge foncière verte », qui pourrait être intégrée aux recettes des bilans d’aménagement, demande encore à être mieux définie. Elle est notamment utilisée par l’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF) qui propose de valoriser les espaces verts et de pleine terre pour « [donner] une valeur à la nature et au recyclage urbain » dans le cadre de sa nouvelle stratégie foncière francilienne. Cette option serait profitable à beaucoup d’opérateurs propriétaires de fonciers qui seront bientôt classés N dans le cadre du ZAN (et qui deviendront donc non constructibles). D’autres réflexions sont en cours sur la création d’une compensation monétaire en cas de destruction d’espaces naturels par une opération d’aménagement (qui implique aujourd’hui une compensation naturelle), voire sur la création d’un marché de droits à compenser.

« Outre les outils de financement, ce sont aussi des dispositifs incitatifs et partenariaux qu’il faut penser aujourd’hui pour réguler et atténuer les dérives inflationnistes de ces dernières années », analyse Marie Llorente, pour qui le modèle économique des opérateurs doit se réinventer pour répondre aux objectifs de durabilité : « les opérateurs ne peuvent plus être de simples producteurs de mètres carrés de surface utile ; il faut qu’ils deviennent des opérateurs à mission, chargés de produire des biens de première nécessité capables de durer dans le temps. »

Vu d’ailleurs : des passerelles pour piétons et cyclistes à Stockholm

Le projet du nouveau « Slussen », une transformation urbaine majeure en Suède, se concentre sur l’amélioration des espaces publics au cœur de la capitale. Il vise à revitaliser le secteur autour d’une écluse historique, mêlant infrastructures de transport modernes et espaces publics animés. Le cœur du projet est la « Place de l’eau », un espace piéton entouré de nouveaux établissements et lieux culturels. Le projet accorde une importance particulière à la préservation du caractère de Stockholm tout en améliorant la connectivité entre Södermalm et Gamla Stan, deux îles du cœur de la ville, grâce à des itinéraires piétonniers et cyclables. Ces efforts transforment un ancien carrefour de trafic en un lieu de rencontres.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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