Vue du fleuve (la Seine) et des quais réaménagés de la ville de Rouen (Normandie).
Publié le 15.11.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Le fleuve, nouvel allié de la ville pour un futur plus durable ?

Un nombre croissant de villes engagent la reconquête de leur fleuve ou autre cours d’eau par des fonctions logistiques et récréatives. Mais aujourd’hui, les fleuves sont aussi considérés comme une opportunité pour une ville plus durable, tant sur le sujet de la biodiversité, de la décarbonation ou de la lutte contre les îlots de chaleur. Même si l’usage durable des fleuves reste une équation difficile à résoudre.

« Si la plupart des villes sont nées de leur cours d’eau, ce lien originel avait été coupé dans une logique de séparation des espaces urbains et des berges, destinées progressivement aux fonctions industrielles, puis à celles de circulations routières transformant ces berges en autoroutes et en parkings. Depuis une trentaine d’années, dans la plupart de ces villes, un double agenda de requalification des friches industrielles, d’une part, et la suppression des voiries routières, d’autre part, traduit une forme de reconnexion des villes à leur fleuve » expliquait Jean Debrie, professeur en aménagement à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne dans une tribune, parue le 5 octobre 2022, dans le journal Le Monde. Il s’interrogeait sur la dimension écologique et durable (en devenir) de cette reconquête des villes sur leur fleuve. Lyon, Paris, Rouen, Nantes…, de nombreuses villes ont engagé la réappropriation de leurs berges dans un souci d’attractivité de leur centre-ville. Commerces, bureaux, logements, espaces publics favorisant les mobilités douces mais aussi les activités récréatives, se sont multipliés au bord des fleuves et autres cours d’eau.


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Des fonctions logistiques retrouvées

« Il y a eu plusieurs vagues d’aménagement des fleuves. En Allemagne, par exemple, la première phase de reconquête a été axée sur l’immobilier de prestige pour loger les cols blancs. Cela a engendré des conflits entre les aménageurs et les acteurs des ports fluviaux qui étaient contraints par ces nouveaux espaces urbains. La ville de Paris, a connu une montée en puissance, en développant à la fois les fonctions logistiques de la Seine (secteur de Tolbiac, les ports de Bonneuil et de Gennevilliers) à l’échelle métropolitaine mais aussi récréatives et touristiques », détaille Antoine Beyer, enseignant-chercheur à l’université de Cergy-Pontoise. Dans sa reconnexion à la ville, l’aspect logistique urbaine représente un potentiel à la fois pour les matériaux de construction, la filière agricole mais aussi la gestion des déchets. De nouvelles options dédiées à la messagerie et à la distribution au profit des grandes et moyennes surface sont apparues dans le paysage urbain et tendent à s’étoffer. En limitant la circulation des camions et autres véhicules de livraison, cette utilisation des fleuves a un impact environnemental favorable, contribuant à limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Le fleuve, élément de transition pour une ville plus durable

Dans les objectifs ambitieux de neutralité carbone à l’échéance 2050, mais aussi d’économie circulaire dans différents documents de planification dont les Schémas de cohérence territoriale (Scot), le fleuve peut être un élément de transition important pour une ville plus durable. Les cours d’eau contribuent à lutter contre les îlots de chaleur en ville, et sont également des couloirs de ventilation et des écosystèmes réservoirs de biodiversité. « La prise en compte de la biodiversité est une nouvelle tendance. Les ports fluviaux de Lyon ou Strasbourg par exemple ont une dimension industrielle, tout en prenant en compte les corridors écologiques tels que les trames vertes pour les milieux naturels terrestres et les trames bleues pour les milieux aquatiques. Néanmoins, l’usage durable des fleuves reste une équation difficile à résoudre pour les institutions portuaires. C’est une question de régulation entre les différents acteurs, même si un organisme tel que Voies navigables de France (VNF) promeut une ambition environnementale très forte. » note Antoine Beyer.

En effet, des tensions existent entre les différentes parties prenantes, à savoir les gestionnaires des infrastructures fluviales, les aménageurs, les experts de l’environnement et autres acteurs économiques mais aussi les habitants. La ville de Rennes a réuni un jury citoyen pour découvrir la Vilaine, qui avait été recouverte de béton dans les années 60, afin de laisser toute la place à la voiture. Les Rennais engagés dans cette concertation ont alors considéré que l’espace public au bord du fleuve devaient être accessible à tous et gratuit. « Le concept de marchandisation du fleuve est parfois remis en cause. » constate Jean Debrie. Les réussites en matière de reconquête existent tant à l’échelle des métropoles que des villes moyennes, avec des modèles désormais reconnus. « Je peux citer, Strasbourg sur l’aspect écologie industrielle, Paris ou Lille sur la logistique urbaine mais aussi Saverne en Alsace ou Conflans-Sainte-Honorine en Île-de-France pour la dimension plus touristique avec une valorisation du fleuve par le réaménagement des quais. » décline Antoine Beyer.

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