Un homme âgé, confortablement installé pour lire dans un fauteuil bleu-vert, disposé dans une chambre lumineuse avec vue sur le jardin.
Publié le 27.09.22 - Temps de lecture : 3 minutes

L’habitat participatif, une source d’inspiration pour l’habitat senior de demain ?

Jamais la question de l’habitat senior et de ses particularités n’a été aussi cruciale. Le vieillissement de la population s’accélère, la crise du logement s’intensifie alors que le fonctionnement de certains établissements seniors interroge. Mais de nombreuses expérimentations dessinent de nouvelles façons de concevoir cet habitat, qui sont autant de sources d’inspiration pour l’avenir.

« La France vieillit depuis 40 ans », observaient en mars dernier Anna Kuhn-Lafont et Robin Troutot dans une étude sur l’habitat senior publiée par le think tank Matières Grises. Les chercheurs y prédisent un double phénomène. Tout d’abord « l’explosion de la population des 75-84 ans » pour la décennie 2020-2030, qui passeront « de 4 à 6 millions » tandis que les plus de 65 ans passeront, d’après l’INSEE, de 20 à 23 millions. Ces derniers, qui représentaient 13 % de la population totale en 1990 et 20,5 % aujourd’hui, représenteront 26,1 % de la population en 2040. Le second phénomène mis en valeur par les chercheurs est le changement que les baby-boomers « biberonnés par l’autonomie et le consumérisme » opèrent dans la manière dont ils vivent leur vieillesse.


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Des projets portés par les seniors eux-mêmes

« Vieux et chez soi » : cette formule résume bien le désir de cette génération de futures « papy-boomers », qui en a fait le titre d’un manifeste. Le 25 mai 2017, la dramaturge Ariane Mnouchkine, le sociologue Alain Touraine, l’ancien ministre Bernard Kouchner ainsi qu’une centaine de signataires emblématiques publiaient dans le quotidien Libération un manifeste en faveur du droit à vivre « chez soi une vieillesse libre et assumée ». Ces intellectuels, artistes, médecins et élus appelaient la société civile à se mettre au plus près des « besoins et des désirs » des seniors « pour innover et inventer » de nouvelles formes d’habitats.

Une démarche qu’a faite sienne l’agence Bond Society, qui a consacré plus de trois ans à un programme de recherche dédié « aux nouveaux types d’habitats conçus par et pour des seniors ». L’exposition « Coup de vieux », organisée au printemps dernier sous la direction des architectes Christelle Gautreau et Stéphanie Morio au Pavillon de l’Arsenal (dans le cadre de l’accélérateur de projets innovants FAIRE*), résumait ainsi la démarche de l’agence : « Comment les séniors sont-ils intégrés dans notre société, dans nos territoires ruraux et urbains ? Comment inventer de nouveaux modes d’échange, de mobilité et d’habitat adaptés aux besoins de nos aînés ? ». Dans une logique d’enquête, l’agence a étudié dix habitats participatifs « portés par des séniors, afin de comprendre leurs besoins, leurs modes de vie et leurs habitats » à travers les choix qu’ils ont opérés en termes de localisation, d’architecture et de financements.

Vue de l'entrée de l'exposition "Coup de vieux" au pavillon de l'Arsenal. ©PierreLExcellent

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Prolonger l’autonomie dans une logique d’entraide et de solidarité

Ces logements sont situés aussi bien dans des métropoles (Bordeaux, Lyon, Lille…) que dans des zones rurales (Drôme, Finistère…). Ils partagent un même objectif : « prolonger l’autonomie dans une logique d’entraide et de solidarité », nous explique Nicolas Goubier, architecte et chargé de recherche chez Bond Society. « Certes, sur 376 000 nouveaux logements construits en France, 300 seulement sont participatifs, soit 0,06 %. Mais ils ont l’avantage d’être au plus près des moyens et des besoins (et des désirs des habitants. Ce qui en fait un matériau de recherche particulièrement riche », poursuit le chercheur. Ces logements participatifs, intergénérationnels ou non, comportent de nombreux communs (jardins, vergers, salles collectives…) dont 10 m2 en moyenne d’espaces couverts par habitant, et se composent généralement de T2 de grande taille (52 m2 en moyenne, 10 m2 de plus que le T2 standard) pour un prix équivalent ou inférieur à ceux du marché. « On est loin de la chambre d’EHPAD avec sa vingtaine de mètres carrés », appuie le chercheur.

L’agence tire dix enseignements de l’étude de ces cas exemplaires, cruciaux pour comprendre les enjeux très concrets de l’habitat senior de demain. Les résidents ont fait le choix d’être à dix minutes de marche des commerces et des loisirs. L’emprise au sol du bâti a été réduite au maximum au bénéfice de jardins et de vergers collectifs. L’échelle humaine de ces habitats collectifs, qui adoptent tous des typologies mitoyennes, se situe en moyenne à 24 habitants, bien en-dessous de l’offre actuelle à destination des séniors. L’habitat choisi par les résidents garantit l’intimité de chacun tout en assurant des espaces collectifs (permettant de nombreuses activités), « afin de vivre pleinement chez soi tout en habitant un peu avec les autres ». Enfin, la construction des logements est écologique tout en respectant un coût maîtrisé et offre des modalités variées d’accès au logement. « Dans certains cas, le soutien des municipalités peut être déterminant », conclut Nicolas Goubier. L’habitat participatif anticiperait-il donc le meilleur de l’habitat senior de demain ?

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