Vue aérienne de la ville de Vesoul
Publié le 27.06.23 - Temps de lecture : 3 minutes

Alain Chrétien, maire de Vesoul : « Être un maire développeur est plus complexe qu’être un maire bâtisseur »

Depuis quinze ans, Vesoul réhabilite son centre-ville et est parvenue à endiguer la baisse démographique. Ici, reconstruire la ville sur la ville n’est pas un slogan, mais une réalité, dans toute sa complexité. Et si on allait voir Vesoul ?

Depuis cinq ans, la population de la ville se stabilise autour de 15 000 habitants. Comment êtes-vous parvenu à stopper le déclin démographique des années 2000-2015 ?

Alain Chrétien : Depuis les années 90, nous avons constaté une baisse continue de la population, qui est essentiellement due à la décohabitation. La sociologie d’une ville comme Vesoul concentre notamment beaucoup de familles monoparentales. Cela signifie que pour maintenir une population stable, voire l’augmenter, il faut créer encore plus de logements. Nous avons pris ce sujet à bras-le-corps à partir des années 2010-2012, avec la mise en place de l’OPAH-RU (Opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain). Le problème, commun à beaucoup de villes, concerne en particulier les « biens sans maîtres », ces maisons non entretenues qui tombent en décrépitude. L’OPAH-RU nous permet d’exproprier et d’aller « curer » ces bâtiments en très mauvais état.

Les centres de nos villes moyennes comme Vesoul attirent à nouveau parce qu’ils proposent beaucoup de services de proximité.

Les habitants sont-ils attirés par cet habitat de centre-ville ?

Alain Chrétien : Les centres de nos villes moyennes comme Vesoul attirent à nouveau parce qu’ils proposent beaucoup de services de proximité. Les plus âgés veulent se rapprocher des services publics. Pour les familles, posséder deux voitures n’est pas à la portée de tous, donc pour emmener les enfants à leur leçon de piano ou au handball, il est plus simple de tout avoir sur place. Vesoul souffre d’un manque d’attractivité – Jacques Brel nous a fait connaître, mais pas forcément de manière positive ! Pourtant, la ville dispose de grands atouts : qualité de vie, faible coût du logement (1 000 €/m2 dans l’ancien), fibre optique, espaces de coworking et des liaisons qui s’améliorent avec les autres villes.

À Vesoul, nous avons fait du « ZAN » sans le savoir.

À Vesoul, quelles sont les principales difficultés pour construire davantage de logements ?

Alain Chrétien : Vesoul ne s’étend que sur 900 hectares (trois kilomètres sur trois, ndlr) et n’a plus de foncier disponible. Cet inconvénient est aujourd’hui à relativiser, avec l’arrivée du « ZAN » : des communes qui avaient encore des hectares à urbaniser doivent se remettre en cause alors que nous, nous avons déjà évolué. Nous avons fait du ZAN sans le savoir. Mais réhabiliter du foncier ancien s’avère cinq à sept fois plus cher que de construire du neuf, avec d’importants coûts d’ingénierie. Et quand nous densifions, le voisinage se pose nécessairement des questions. C’est pourquoi il faut toujours concerter et informer.

Un centre-ville qui fonctionne est celui où l’on habite, consomme et travaille.

Vous définiriez-vous comme un maire bâtisseur ?

Alain Chrétien : Je préfère le terme de maire développeur. Bâtir pour bâtir n’a pas de sens. Il est beaucoup plus facile de « tartiner » du béton sur des terres agricoles que d’aller redonner vie à un quartier. Un maire développeur s’appuie sur l’existant, développe des synergies et passe son temps à débloquer des situations complexes, en y mettant les moyens. C’est le cas par exemple du foyer Aubry (3 200 m2, 42 logements, ndlr) en plein centre. Si la ville n’avait pas attribué une subvention d’équilibre, le projet ne serait pas sorti. À côté de l’hôtel de ville, une ancienne caserne a été rachetée à l’État pour la transformer en immeuble d’une cinquantaine de bureaux. L’objectif est de proposer des logements dans le centre-ville aux salariés qui y travaillent. Un centre-ville qui fonctionne est celui où l’on habite, consomme et travaille. Quand vous avez ce triptyque gagnant, alors vous avez relancé votre centre-ville sur le long terme. Et pour y arriver, il faut vingt ans d’une politique continue et cohérente.


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Êtes-vous suffisamment accompagné par l’État dans cette politique de réhabilitation et d’attractivité ?

Alain Chrétien : Les taux de subvention de l’OPAH-RU atteignent 75, voire 80 % ; Action Logement octroie des prêts à taux bonifiés – un avantage précieux dans le contexte actuel ; nous bénéficions des aides ciblées de l’Anah ; Action cœur de ville déploie des crédits d’ingénierie, etc. L’accompagnement de l’État et de ses agences est indéniable, il permet de débloquer des situations très complexes. La difficulté provient plutôt d’un certain nombre d’injonctions contradictoires.

C’est-à-dire ?

Alain Chrétien : L’État enjoint à la sobriété foncière, tout en demandant de loger de plus en plus d’habitants. Il veut réindustrialiser, sans artificialiser. Mais où accueillir des usines nouvelles, alors qu’il est très compliqué de rénover des friches industrielles ?

Vous êtes aussi vice-président de l’Association des maires de France. Vos confrères partagent-ils les mêmes constats sur les difficultés à construire et réhabiliter ?

Alain Chrétien : Nous partageons les mêmes diagnostics et nous demandons à la fois du pragmatisme et de la simplification. Dans le cadre de la rénovation d’un centre-ville, si les ABF (Architectes des Bâtiments de France) gardent le même niveau d’exigence sur tous les projets, on ne pourra pas y arriver. Il ne s’agit pas de créer des logements énergivores qui défigurent le centre-ville, loin de là. Mais l’État et les administrations doivent comprendre que si l’on veut construire la ville sur elle-même, nous avons besoin de compréhension et de souplesse. Appliquons-les et sortons des positions figées.

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