Vue du centre-ville du Havre
Publié le 23.09.21 - Temps de lecture : 3 minutes

Managers de centres-villes : leurs méthodes pour redynamiser les commerces de proximité

Pour aider les managers de centres-villes à remplir leurs missions, à savoir coordonner les actions des acteurs en place, faciliter et harmoniser des projets de développement économique des villes, le Club des managers de centre-ville a élaboré une méthodologie détaillée. Interview de Robert Martin, Président du Club des managers de centre-ville et responsable du Pôle Développement Commercial de la ville du Havre.

Pourquoi le commerce de centre-ville est-il devenu un sujet si important dans les débats locaux ?

Robert Martin : C’est devenu un sujet crucial pour les élus qui se sont rendus compte que la perte d’attractivité en cœur de ville se traduisait systématiquement par une perte de la fréquentation. Or tout le monde, habitants comme commerçants, a un intérêt à ce que le centre-ville soit un espace de balade, de balade shopping. Ensuite le commerce de centre-ville est souvent un excellent baromètre de l’état de santé du centre-ville et de la ville en général. Les commerces en friche, la vacance commerciale renvoient une mauvaise image par définition. Et surtout, les élus ont compris que les commerces et l’artisanat sont les premiers pourvoyeurs d’emplois dans le secteur privé.

Quel est le rôle d’un manager de centre-ville ?

RM : Son rôle c’est tout d’abord d’établir un diagnostic de l’appareil commercial du territoire, un diagnostic pragmatique, implacable, incontestable. On ne peut pas travailler à vue de nez. Il faut comprendre pourquoi les commerces encore présents le sont, depuis quand ils le sont et comprendre pourquoi les commerces en friche le sont. Il y a un historique qui permet de tirer des enseignements. Est-ce un problème de localisation, d’offre commerciale, d’exploitant ? Ensuite on établit un plan d’actions stratégique en prenant en compte tous les aspects de la ville : son urbanisme, son aménagement, son stationnement, son patrimoine, son animation. Et puis c’est un suivi et un dialogue permanent des commerçants et des associations de commerçants. Il faut établir un lien transversal et collaboratif avec les institutionnels comme la CCI, la CMA les entreprises locales, les indépendants, les associations de professionnels.


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Quelle est la chronologie à respecter pour une ville qui souhaite s’emparer de la politique commerciale de centre-ville ?

RM : La première étape c’est la protection des linéaires commerciaux qui rentrent dans le cadre du PLU. Sur des segments de rues, ce dispositif permet de conforter les commerces existants, en interdisant notamment que la destination de l’emplacement ne devienne un service (banque, assurance, agence immobilière…). On établit ensuite une nomenclature des commerces autorisés selon les localisations ce qui permet de proposer une offre commerciale cohérente et attractive. Le manager de centre-ville doit développer cette offre commerciale en sachant mixer commerces indépendants qui donnent une particularité à la ville avec quelques enseignes nationales dont sont demandeurs les consommateurs et les visiteurs. Dans un troisième temps peut intervenir le droit de préemption, mais attention car c’est un investissement non négligeable quand la protection des linéaires commerciaux ne coûte rien. Aujourd’hui, on se sert davantage du droit de préemption pour convertir un établissement tertiaire en commerce sur des emplacements stratégiques. Il faut que les élus soient cohérents jusqu’au bout dans leur démarche de revitalisation de centre-ville, si on met des dispositifs en place il faut les appliquer dans un ordre chronologique suivant la pertinence.

Vous êtes manager de centre-ville dans la ville du Havre, quelles actions avez-vous menées et quels résultats avez-vous obtenus ?

RM : Je suis au Havre depuis 2016. Quand je suis arrivé c’était 220 boutiques en friche (environ 16,7% des commerces). J’ai fait un diagnostic très dur, sans détour ni équivoque. Les élus ont été interpellés par ce constat, mais le dire c’est se donner les moyens de mettre en place un plan stratégique et efficient. Aujourd’hui nous avons construit une équipe stable et experte sur les sujets de centre-ville et d’accompagnement des commerçants et des porteurs de projet. On est passé à moins de 1% de friches. En misant sur la protection des linéaires commerciaux, nous avons empêché que les entreprises du tertiaire ne puissent s’installer au détriment du commerce et nous avons ainsi permis que les loyers reviennent au juste prix. Au Havre, les loyers ont baissé de 20 à 40% avec un droit de bail à 0€ le plus souvent, ce qui permet aux porteurs de projet de se positionner. Autre aspect primordial selon nous, l’originalité, l’animation, la présence de métiers de bouche avec des produits de qualité et des circuits locaux. Dans le centre-ville du Havre, vous avez 90% de commerces indépendants non-franchisés. Je dis toujours qu’on peut copier des méthodes et des bonnes pratiques mais qu’il ne faut en aucun cas copier un autre centre-ville à l’identique.

Quelle est la place du patrimoine des villes et de l’espace public dans les plans de revitalisation des centres-villes ?

RM : La vitalité d’un centre-ville tient pour beaucoup à ce qui est visible, c’est aussi une question de perception. L’aménagement du cœur de ville, son fleurissement, son animation culturelle, sportive, associative, ses capacités de stationnement, ses voiries piétonnes, cyclables ou automobiles, ses transports en commun. La réflexion est globale. La question c’est aussi comment on attire les habitants de la communauté de communes ou d’agglomération, les visiteurs d’autres départements et régions ? Le patrimoine local historique a souvent ce rôle à condition que le patrimoine soit mis en avant, avec des investissements pour sa préservation. Nous avons un patrimoine d’une immense richesse en France et c’est ce patrimoine qui crée la diversité et l’originalité de nos territoires. Le patrimoine est un réel atout au service de l’attractivité économique.

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