Photographie de la matinée organisée par News Tank Cities à Paris le 12 octobre dernier en partenariat avec Accessite et Nexity autour de la question « Commerce et transition urbaine : comment concevoir les nouveaux modèles ? » avec un focus sur la deuxième table ronde consacrée à l’aménagement commercial vecteur de transition urbaine.
Publié le 26.10.23 - Temps de lecture : 5 minutes

« Faire la ville nécessite un rassemblement d’acteurs très différents » (JL Porcedo)

Retour sur la matinée organisée par News Tank Cities à Paris le 12 octobre dernier en partenariat avec Accessite et Nexity autour de la question « Commerce et transition urbaine : comment concevoir les nouveaux modèles ? » avec un focus sur la deuxième table ronde consacrée à l’aménagement commercial vecteur de transition urbaine.

Pour échanger sur les entrées de villes et les friches commerciales étaient réunis Elizabeth Blaise, Directrice générale déléguée de Mercialys, Séverine Longuet, Directrice conseil d’Accessite, Pascal Terrasse, Directeur général adjoint du Cerema, Cyril Meunier, maire de Lattes (34) et Jean-Luc Porcedo, Directeur général de Nexity Transformation des Territoires.

La Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, l’a rappelé dans un message vidéo d’introduction, « les zones commerciales incarnent l’avènement de la consommation de masse et la multiplication du recours à l’automobile. Ces zones ne sont plus adaptées aux enjeux de notre époque parce qu’elles marquent une rupture entre le centre-ville et son patrimoine d’une part, et d’autre part la campagne et ses paysages. Artificialisées, étalées, souvent peuplées de passoires thermiques, trop souvent monofonctionnelles, ces zones ne répondent plus aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui, ni aux impératifs de la transition environnementale et sociale ».

Pour autant, les magasins d’entrées de ville concentrent toujours 72% des dépenses des Français et sont devenus les lieux du commerce de proximité pour des millions de personnes. Les réinventer c’est le sens du plan de transformation récemment annoncé par Christophe Béchu, Ministre de la Transition Ecologique dont l’objectif est de donner aux porteurs de projets qui ont une vision pour ces zones, la possibilité de les mettre en pratique avec le soutien financier et humain de l’Etat. Point sur la situation et tour d’horizon des perspectives.

Il est possible de restructurer, d’étendre, sans artificialiser à condition d’être capable d’abandonner ses habitudes et de dépasser les contradictions que cristallisent ces zones commerciales.

C’est ce qu’explique Elizabeth Blaise, Directrice générale déléguée de Mercialys : « Nous existons depuis 2005, nous n’avons jamais artificialisé le moindre mètre carré. On a participé à la construction des centres commerciaux au début des années 2000, mais on a su restructurer de manière permanente sans aller empiéter sur des territoires non artificialisés. On sait surtout où s’arrêter, ne pas dépasser la limite alors qu’il n’y a pas d’usage évident ».

Il faut cependant tenir compte des paradoxes et contradictions qui concernent ces entrées de ville. « Nous disposons au Cerema d’outils numériques qui nous permettent de « dézoomer », de faire des prédictions sur l’étalement urbain par exemple, dans 10, 20 ou 30 ans. Les mobilités font partie de nos domaines d’expertise, et l’on se rend compte que tout a été fait pour que les transport urbains aillent du centre-ville, donc des zones d’habitat, vers les zones commerciales. Dans le même temps, les mêmes élus ont mis en place toute une série de politiques pour que leur centre-ville attire plus de monde et soit plus vivant. Nous sommes ici face à un vrai paradoxe » commente Pascal Terrasse, Directeur général adjoint du Cerema.

Autre point d’achoppement, les envies des Français. « On échange beaucoup avec les collectivités et l’expérience que nous en tirons, ce sont beaucoup de contradictions. Nous, les consommateurs, nous voulons consommer mieux mais pas trop cher, on veut baisser notre empreinte carbone mais 85% des Français prennent leur voiture tous les jours dont 15% pour faire moins de 500 mètres, et le rêve concernant l’habitat idéal c’est une maison avec un jardin. Il faudra que ces habitudes changent mais comment les faire changer ? » pointe Elizabeth Blaise.

Une difficulté à laquelle s’ajoute, selon Pascal Terrasse, la difficulté du consensus, politique celui-là : « Il faut jouer sur notre souveraineté économique, on ne peut plus continuer à attendre des produits qui viennent d’ailleurs, et puis il manque du foncier. Il y a aussi un problème d’habitat et avec l’étalement urbain, la question de la densification de la ville et de sa verticalisation est posée. Mais on est loin du consensus sur ces questions : ceux qui préconisent la limitation de l’espace, la sobriété foncière, sont très souvent les mêmes qui sont opposés à la verticalisation de la ville ».


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Le contexte général semble aujourd’hui être favorable.

C’est ce que montre le Livre Blanc « Le centre commercial en 2030 » publié par Accessite il y a quelques semaines. Séverine Longuet, Directrice conseil d’Accessite, rappelle que « Parmi toutes les transformations observées, nous pouvons attester que finalement le commerce ne peut plus seulement être du commerce, mais plutôt une brique qui doit s’insérer dans un environnement bien plus large ».

Jean-Luc Porcedo, directeur de Nexity Transformation des Territoires, confirme que le moment est idéal : « Oui nous sommes dans le bon tempo, j’ajoute qu’il faut répondre au besoin énorme de logements qui n’est pas satisfait et qui l’est de moins en moins, à cause du contexte mais aussi parce que l’acte de construire est politiquement compliqué. Ces territoires de transformation sont une alternative au refus de la densité dans beaucoup de territoire. Nous constatons une grande prise de conscience chez les élus aujourd’hui ».

Certains n’ont d’ailleurs pas attendu et ont été précurseurs de ce mouvement, comme Cyril Meunier, le maire de Lattes, qui a lancé il y a 18 ans « Ode à la mer », grand projet de reconquête d’entrée de ville incluant les communes de Lattes et de Pérols avec 5 stations de tramway, 5 km d’avenue et 250 hectares à réinvestir. « C’est une grande complication pour un élu quand on s’attaque à un sujet aussi important que celui-ci. On a 18 ans d’avance, mais on a ramé pendant 18 ans. En 2006, on s’est retrouvés face à des partenaires qui ne voulaient pas du tout en entendre parler, les grands supermarchés étaient dirigés exclusivement par les exploitants. Quand on arrivait au comité de direction, ceux qui s’occupaient du foncier et de l’aménagement n’étaient pas écoutés ».

Comment s’y prendre alors pour réussir ?

Le moment est venu pour toutes les parties prenantes de se mettre autour de la table, foncières, opérateurs, collectivités, experts, pour pouvoir accompagner la transformation de ces entrées de ville.

« Faire la ville, cela nécessite un rassemblement d’acteurs très différents qui ont peut-être un peu trop travaillé en silo » décrypte Jean-Luc Porcedo. « Un aménageur privé est pertinent pour accompagner les collectivités dans les transformations notamment des entrées de ville et des zones commerciales, parce que c’est notre métier. Le pôle que je dirige chez Nexity, c’est le pôle aménagement, ensemblier urbain, et le pôle de pilotage de grands projets de restructuration urbaine : c’est notre capacité d’ensemblier de faire avec l’autre. Aujourd’hui, plus personne ne peut faire tout seul, aussi bien les opérateurs en fonction de leur métier, que les opérateurs privés, publics, semi-publics, les SEM, les aménageurs privés ou les collectivités. La seule chose que je sais, c’est que les villes où l’on vient comme opérateur privé, pour accompagner le développement c’est parce que, d’abord, des élus et les autorités ont pensé l’attractivité et le développement, ils ont pensé le service public, la culture, le développement économique, pour porter leur territoire et à l’aider en termes de développement ».

« Lorsqu’on parle d’entrée de ville, aucune ne se ressemble. Il ne faut pas sous-estimer l’opposition entre les centres-villes et les projets de rénovation urbaine et notamment les entrées de ville » explique Cyril Meunier. On en a beaucoup souffert lorsqu’on a inventé Ode à la mer, parce que les commerçants du centre-ville de Montpellier se sont dit ‘on va encore se retrouver avec une transformation’. Donc on a passé un accord avec eux, on s’est engagés au minimum à ce que 70% des surfaces crées soient occupées par des enseignes déjà sur place. Et puis nous nous sommes posé la question de la destruction de valeur. Comment faire si le commerce est encore viable et n’a pas envie de déménager ? On a donc inventé une sorte de réceptacle temporaire avec un terrain vierge pour accueillir l’enseigne qu’on devait déplacer, en attendant de reconstruire ».

Jean-Luc Porcedo, le directeur de NTT, poursuit sur un facteur essentiel de réussite, la question de la mobilité, qu’il faut absolument intégrer dans tout projet de restructuration urbaine, notamment en entrée de ville : « Continuer de penser « voiture » serait une énorme erreur. Pour le coup, la sphère publique avec des moyens atteignables comme les BHNS et toute la panoplie des mobilités douces, a besoin de réfléchir sur ces sujets-là, sinon on ne répond pas aux questions environnementales et surtout, on ne répond pas aux questions de qualité de l’habitat, de qualité de vie, qui vont être des enjeux majeurs de la transformation des entrées de ville ».

De gros projets se développent désormais sur l’ensemble du territoire

C’est le cas par exemple de le restructuration programmée de 76 sites, 36 en entrées de ville et 40 en centre-ville, tous différents, au cœur de l’accord entre Carrefour et Nexity. C’est la première fois qu’on assiste à une convergence stratégique de deux entreprises sur une telle dimension. Carrefour, d’un côté avec son projet stratégique de maintenir l’exploitation et la création de richesse et dans le même temps d’intégrer des fonciers dans la création de richesse. Nexity de l’autre, opérateur global d’immobilier très engagé sur la transformation des territoires, avec beaucoup d’expérience, que ce soit depuis 25 ans sur les friches industrielles comme depuis une dizaine d’années sur les entrées de ville.

Jean-Luc Porcedo revient plus précisément sur le projet de Lattes « Sur les 36 en entrée de ville, chaque projet est un projet particulier, celui de Lattes sera le plus emblématique par sa taille, sa dimension et son inscription dans un parcours territorial et politique, et pour la partie centre-ville ce sont des projets particuliers de restructuration urbaine et d’anticipation des transformations, aussi bien sur l’habitat que sur les espaces publics. Avec l’association d’un opérateur propriétaire foncier et d’un opérateur global de l’immobilier et de la transformation urbaine, la question du foncier ne se pose pas puisque le partenariat repose sur le propriétaire foncier ».

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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