Publié le 03.06.21 - Temps de lecture : 4 minutes

La “mobilité comme service” (MaaS), une aubaine pour les mobilités douces ?

La loi pour l’orientation des mobilités (LOM), promulguée en 2019, a permis de renforcer les mobilités douces avec notamment un plan vélo chiffré à 350 millions d’euros. Qu’en est-il sur le terrain ? Les usagers bénéficient-ils d’un accès plus développé aux mobilités douces ? À l’occasion de la journée internationale du vélo, Envies de ville revient sur les grands enjeux de ce chantier.

Depuis la mise en place des premiers Vélib’, la pratique du vélo progresse selon le gouvernement, notamment dans les métropoles de plus de 100 000 habitants, où 60% des distances parcourues au quotidien sont inférieures à cinq kilomètres. Si à l’échelle nationale, le vélo ne représente encore que 2,9% des modes de déplacements, ces chiffres sont biens différents dans les villes qui repensent leur aménagement urbain en créant de nouvelles pistes cyclables par exemple. C’est le cas de Grenoble ou Strasbourg qui comptabilisent plus de 17% de cyclistes quotidiens.

Sur le terrain, des offres de mobilités encore trop disparates

La MaaS (Mobility as a Service) promet aux usagers une interface unique pour optimiser leurs trajets et choisir au mieux leurs modes de transports (vélo, bus, tramways, métros, trottinettes, etc.). Aujourd’hui encore, il existe une application (voire plusieurs applications concurrentes) pour un même mode de transport. Parmi les objectifs portés par la loi LOM, il y a donc la volonté d’accroître la part de cycliste de 3% à 9% sur le territoire français en 2024. Le déploiement d’une solution unique, comme la Finlande l’a par exemple adopté avec l’application Whim, pourrait permettre une telle progression dans les années à venir. Un citadin pourrait prévoir son trajet en fonction de la circulation en temps réel, puis réserver son vélo et son billet de train avec la même application, lui évitant ainsi de jongler entre différentes offres concurrentes. La MaaS promet ainsi d’optimiser son trajet en fonction du trafic, de réserver ses moyens de transports et de payer son titre sur la même application.

Les services de partage de vélos sont en croissance ces dernières années. © Pixabay

Quelles solutions pour l’avenir ?

Si les solutions sont inégalement réparties, 105 services sont aujourd’hui disponibles sur le territoire français pour se déplacer. Et le secteur des MaaS enregistre une croissance moyenne de 15% par an.

Bien que ce chiffre diminue d’année en année, 75% des trajets sont encore effectués en voiture. Les transports, qui représentent le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 30% des émissions en moyenne, bénéficieraient largement du développement des solutions de « mobilité comme service » d’un point de vue environnemental. Le Plan Climat, prévoyant entre autres mesures l’interdiction de vendre des voitures à énergies fossiles carbonées pour 2040, préfigure un bouleversement sociétal qui modifiera certainement l’aménagement des villes françaises et contribuera à l’appel d’air autour des mobilités
douces.

Le gouvernement a également annoncé la création à l’été 2021 de l’Agence de l’innovation pour le transport, dont l’objectif sera d’allier les nouvelles énergies (notamment l’hydrogène) à la révolution numérique. Ce sera l’occasion de faire travailler les acteurs publics et privés sur des projets communs pour soutenir l’innovation dans les transports, dont devrait profiter le marché des solutions numériques facilitant l’expérience des déplacements. Le vélo, comme toutes les mobilités douces, devrait donc avoir de beaux jours devant lui. Un signal d’espoir se trouve, en tout cas, dans les villes de plus de 100.000 habitants, où la multimodalité (le fait d’utiliser différents moyens de transports pour un même trajet) a progressé de 8 points en 2020. Cette tendance laisse à penser que les usagers sont déjà habitués à la mobilité comme service, malgré l’absence d’une solution unique. La création d’une telle solution ne pourrait donc que renforcer une pratique déjà bien ancrée.

Le vélo, comme toutes les mobilités de service, devrait donc avoir de beaux jours devant lui. Surtout qu’un plan massif est prévu pour marquer les vélos en libre-service avec en plus la création de stationnements sécurisés pour lutter contre le vol. Le marché du vélopartage (en partenariat avec les municipalités) est déjà très prolifique puisqu’il représente 30% du marché des transports, juste derrière l’autopartage (34%). Par ailleurs, dans les villes de plus de 100.000 habitants, la multimodalité (le fait d’utiliser différents moyens de transports pour un même trajet) est en hausse de 8 points en 2020. Une hausse qui laisse penser que les usagers sont déjà habitués à la mobilité comme service, malgré l’absence d’une solution unique. La création d’une telle solution ne pourrait donc que renforcer une pratique déjà bien ancrée.

L’enjeu de la data dans la mobilité

Des premières solutions tests sont déjà mises en place dans certaines villes. En effet, tous les acteurs s’emparent du sujet : startups, opérateurs de transport et surtout les plus grandes entreprises du numérique. Mulhouse Alsace Agglomération a par exemple déployé en septembre 2018 un compte mobilité en partenariat avec l’opérateur Transdev. Ce compte permet aux usagers d’accéder à toute l’offre de transport disponible (transports en commun, parkings, vélos en libre-service, autopartage).

L’usager ne paye alors en fin de mois que les services qu’il a réellement utilisés. Il peut également se fixer un budget et être averti en cas de dépassement par une notification sur son smartphone. La région parisienne, en pleine période de tests avec une application pilote, prévoit de lancer son service MaaS pour les Jeux Olympiques de 2024.

La difficulté d’une telle centralisation des offres de mobilité relève en fait de la data. En effet, pour reprendre l’exemple de Whim en Finlande, la loi contraint les opérateurs de transports publics à donner un accès aux données et outils de billettiques aux acteurs privés. Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP, mettait déjà en garde les acteurs publics contre de telles pratiques dans le journal Les Échos : « Il faut veiller à préserver le modèle économique du transport public. Si un grand acteur numérique réussit à avoir la main sur les outils de billettique, comme le Pass Navigo, il pourra aussi prendre très vite la main sur la relation client. Les autorités organisatrices ne doivent pas voir leur politique de mobilité remise en cause par des acteurs privés qui n’ont pas les mêmes intérêts, et ne visent pas forcément le bien commun. » C’est donc dans la gouvernance de la data entre acteurs publics et privés que réside l’avenir de la mobilité comme service.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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