Trame verte et gestion des eaux pluviales : deux exemples remarquables en Bourgogne-Franche-Comté

L’importance de la gestion de l’eau en milieu urbain en général et de la gestion des eaux pluviales en particulier invite les acteurs de l’aménagement à concevoir des programmes innovants pour faire face aux multiplications des inondations et au stress hydrique grandissant. Voyage en Côte d’Or et en Territoire de Belfort au cœur de deux réalisations remarquables.

En 2010, avec le concours de Didier Larue, alors architecte paysager partenaire, l’agence Nexity Foncier Conseil de Dijon réalise à Bressey-sur-Tille (Côte-d’Or Dijon Métropole), une ZAC de 9 hectares qui compte environ 200 logements. La particularité de ce secteur réside dans l’aléa de faible inondabilité, même si un terrain peut être inondable, la police de l’eau considère la présence possible d’une lame d’eau d’environ 10 à 20 cm sur l’ensemble de la parcelle. Le fait d’être en zone constructible en zone AU a déclenché le dépôt d’un dossier « loi sur l’eau » pour pouvoir réaliser cette opération.

Imposer des niveaux d’altimétrie de dalle sur chaque parcelle

Lorsqu’il a fallu répondre à ce problème d’inondabilité, décision a été prise, sous régime d’autorisation, d’imposer des niveaux d’altimétrie de dalle sur chaque parcelle. Les aménageurs ont dû effectivement donner des niveaux de côte à toutes les dalles de construction de maisons individuelles et de logements collectifs. De plus, chaque constructeur de maison individuelle ou acquéreur avait l’obligation d’avoir des vides sanitaires inondables. Ainsi, en présence d’une expansion de crue sur la zone, l’eau devait impérativement pouvoir s’écouler sous les maisons.

Par conséquent, chaque maison avait une ouverture spécifique dimensionnée sous la dalle pour permettre à l’eau de s’écouler dans le vide sanitaire. La construction ne représente de ce fait aucune gêne à l’expansion de la crue. La loi précisant qu’aucune présence de remblai n’est tolérée sur une zone d’expansion de crue pour ne pas gêner son écoulement naturel, il a fallu négocier avec les services de l’Etat une autorisation de surface de remblai pour que les habitants puissent avoir droit à une terrasse, des escaliers ou un accès au garage. Imposée au préalable dans le règlement de la ZAC, une surface de 150 m² autour de chaque maison a été autorisée par les services publics. En contrepartie, les aménageurs ont créé des déblais au niveau des voiries pour compenser les remblais, toutes les voiries étant ainsi en déblai par rapport au terrain naturel.

En 2013, le Bassot, petit cours d’eau qui longe l’opération, a débordé jusqu’à provoquer une grosse période de crue sur toute la vallée de la Tille, inondant tout le secteur. Le système mis en place par l’équipe de Nexity Foncier Conseil a fonctionné puisque, si les rues ont été totalement inondées durant une journée, toutes les maisons ont été préservées.

Remettre la pluie dans le milieu naturel là où elle est tombée plutôt que d’essayer de la déplacer, c’est la méthode la plus efficace et la plus respectueuse de l’environnement.
Franck Arnoux.

« Cette politique du zéro tuyau, comme celle d’infiltrer à la parcelle et dans des noues engazonnées, nous la menons depuis plus de 25 ans » précise Franck Arnoux, directeur des opérations Foncier Conseil Dijon. « L’idée forte c’est de gérer la goutte d’eau là où elle tombe. Pendant longtemps, on se heurtait quelque peu à des dossiers réglementaires contradictoires, à l’époque il fallait que l’eau soit traitée, mise dans un déshuileur et des bassins au travers de kilomètres de tuyaux, c’étaient les seules alternatives de rétention et traitement avant rejet dans le milieu naturel. Avec nos équipes, nous avons démontré l’inutilité de ces ouvrages, surtout s’ils ne sont pas entretenus, tout en démontrant l’efficacité de la gestion des eaux pluviales à l’aide de noues engazonnées, qui ont le pouvoir de capter les hydrocarbures. Ce sont des principes de bon sens qui sont anciens dans les villages. Dans les années 60, 70, et même encore 80, il n’y avait pas de réseau pluvial, on gérait les eaux de toitures en descente de chéneaux chez soi et puis ça s’écoulait dans le jardin, les voiries étaient bordées de fossés et puis c’était réglé. A partir du moment où l’on a urbanisé, empilé des principes de précaution, on canalisait l’eau dans des réseaux puis on la renvoyait à l’aval un peu plus loin. Aujourd’hui, tout le monde a compris que la méthode que nous utilisons depuis plus de 25 ans, gérer et infiltrer tout de suite, remettre la pluie dans le milieu naturel là où elle est tombée plutôt que d’essayer de la déplacer, c’est la méthode la plus efficace et la plus respectueuse de l’environnement. »

Si opérateurs et aménageurs ont tenté d’imposer ces méthodes de gestion des eaux pluviales depuis près de 30 ans, elles sont effectives depuis une dizaine d’année seulement, dans les politiques de tous les PLU, de toutes les agglomérations et de tous les règlements.

À lire aussi

• Eaux de pluie : et si l’on rendait les villes plus perméables ?
• Comment les aménagements paysagers participent activement à la gestion des eaux pluviales

Une capacité d’augmentation de la biodiversité et une réponse au stress hydrique

Près de Belfort et de la frontière franco-suisse, à Delle, le programme des hauts de l’Allaine qui ouvre en 2024 se compose de maisons individuelles denses en bande et d’une résidence intergénérationnelle. Les profils de voirie de cette opération en zone d’aménagement concerté vont dans le sens de la gestion de l’eau là où elle tombe. Des places de stationnement perméables type gazon à joints en herbé et des noues engazonnées pour infiltrer les eaux pluviales ont été aménagées, des surfaces perméables sont imposées avec un règlement sur chaque parcelle dans lequel il est mentionné que la place de stationnement doit être perméable, que la haie doit être paysagée avec un type d’essence précis, avec un coefficient de biotope calculé sur chaque parcelle en fonction des lots. Les haies paysagées sont réalisées par l’aménageur, elles permettent de répondre au stress hydrique en remplaçant les murets qui empêchent l’écoulement de l’eau en son milieu naturel.

Franck Arnoux conclut sur la qualité des aménagements paysagers : « Nous allons renforcer la trame verte dans notre aménagement, la grande combe sera conservée en zone naturelle classée. Nous allons juste recréer de petits cheminements en sablés, voire naturels. Puis nous allons renforcer les îlots de fraîcheur et optimiser la gestion des eaux pluviales avec des noues engazonnées et des plantations d’arbres sur les profils de voirie. Enfin, avec toutes ces haies en façade nous augmentons la biodiversité. Nous avons d’ailleurs démontré sur plusieurs sites, notre capacité d’augmentation de la biodiversité sur des terrains initialement exploités en culture intensive avec l’utilisation fréquente de produits phytosanitaires. Nous les avons aujourd’hui recomposés avec plusieurs kilomètres de haies paysagères, des centaines d’arbres et autant de surfaces enherbées et fleuries ».