Vue aérienne d'un lotissement pavillonnaire
Publié le 17.11.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Face au ZAN, quelles solutions pour la crise du logement ?

Le « zéro artificialisation nette » rebat les cartes de l’aménagement du territoire : alors que personne ne conteste l’injonction à réduire drastiquement l’artificialisation des sols, cette politique a de plus en plus de mal à s’incarner dans les territoires qu’ils soient ruraux ou périurbains. Des difficultés qui inquiètent, notamment, les élus locaux, en première ligne de ce combat. L’une des solutions pour continuer à accueillir de nouveaux habitants tout en baissant la consommation foncière, passe par la densification. Encore faut-il la rendre désirable.

L’échéance est connue depuis la promulgation de la loi Climat et résilience le 22 août 2021 : la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers doit être divisée par deux d’ici 2031, avant de totalement s’interrompre en 2050. Si la consommation foncière a largement décru depuis 2009, passant de plus de 31 000 ha à 21 079 en 2021, la France est toujours, selon France Stratégie, le pays qui artificialise le plus d’espaces par rapport au nombre d’habitants.

Pour y remédier, la loi impose donc aux territoires d’intégrer dans leurs documents de planification et d’urbanisme les objectifs de réduction de l’artificialisation selon un calendrier serré, qui a depuis été allongé, notamment par la loi 3DS au début de l’année 2022. Le 29 avril dernier, la publication au Journal Officiel de deux décrets d’application de la loi avait néanmoins créé des remous chez les associations d’élus. En cause, un manque de concertation avec les collectivités locales ainsi qu’un dispositif perçu comme trop éloigné des équilibres trouvés par le législateur. Comme l’indiquait, le 27 juillet, la Présidente de la Commission des Affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, lors d’une table-ronde consacrée à la question : « Personne ne remet en cause la démarche de sobriété foncière mais c’est la méthode qui suscite beaucoup d’inquiétude et de réticence ». Une inquiétude et des réticences qui avaient entre-temps amené le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, à se déclarer ouvert à une réécriture partielle de ces décrets lors d’une séance de questions d’actualités au Sénat.


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Le 22 octobre dernier, les plus de 400 schémas de cohérence territoriale en France réunis en conférences régionales ont quant à eux remis leurs propositions de territorialisation à leur région respective.

Sur les onze conférences de Scot qui ont remis leurs propositions (la Corse, l’Outre-mer et l’Île-de-France n’étant pas concernés), très peu ont toutefois remis des propositions chiffrées de localisation de l’artificialisation.« Un sujet trop sensible », selon Anthony Douet, directeur du syndicat du bassin d’Arcachon-Val de Leyre et référent Nouvelle-Aquitaine de la Fédération nationale des Scot, selon des propos recueillis par la Gazette des Communes. La plupart des conférences de Scot se sont contentées de transmettre une méthode et quelques scénarios de répartition de l’artificialisation à la région. L’absence d’incarnation du ZAN laisse aujourd’hui les élus communaux en première ligne face à l’application de cette politique. Des élus pris entre des injonctions contradictoires, devant à la fois accueillir de nouveaux habitants, et donc construire des nouveaux logements, et protéger la ressource foncière.

Ces élus sont particulièrement inquiets de l’application du « zéro artificialisation nette ».. Certains maires, comme Francis Gonzalez, maire de Boucau, dans les Pyrénées-Atlantiques, cité par la République des Pyrénées, ont l’impression d’être bridés pour leur développement dans l’avenir, en raison d’un développement trop vertueux dans le passé : « À partir d’aujourd’hui, je ne peux plus rien faire », regrette-t-il encore.

Or, la réduction de l’artificialisation doit être l’occasion, non de freiner les projets de développement urbain, mais de repenser l’aménagement des territoires. C’est tout le sens du guide intitulé « S’engager dans de nouveaux modèles d’aménagement », publié par la Fédération nationale des Scot lors de leurs rencontres nationales au mois de juin 2022 à Besançon. Dans ce guide, la fédération des Scot conseille à ses membres de « travailler dès à présent sur l’optimisation foncière de toutes les opérations en cours, publiques et privées », afin d’anticiper la réduction de l’artificialisation avant l’adaptation des documents d’urbanisme et de planification.

Michel Heinrich, président de la Fédération des Scot et du Scot des Vosges centrales, va jusqu’à parler de « révolution » dans la façon de construire la ville. « Il est nécessaire de réinterroger les modèles d’aujourd’hui pour repenser la manière d’aménager, de construire, d’habiter et de produire dans les territoires », avait-il détaillé à Besançon. En filigrane, l’injonction à la densification de la production de logements n’est pas loin.

Une densification qui fait toutefois débat dans les territoires, particulièrement ruraux, qui n’ont pas toujours la capacité d’absorption du marché pour créer de l’habitat dense. « Les opérations de densification font souvent l’objet de vives oppositions de la part des citoyens et par ricochet des élus locaux », constate le Cerema, dans une note publiée en mars 2022. « Pourtant, l’acceptabilité des projets de densification n’est pas corrélée à la densité mesurée mais leur appréciation repose davantage sur la présence et la qualité des espaces publics, notamment des espaces verts », tempère-t-il aussitôt. Le Cerema évoque notamment la notion de « densité optimale », qui permet de rendre acceptable une consommation foncière faible tout en offrant une qualité de vie élevée grâce à une offre de service élevée. Si la densification est menée de  « façon transversale et qualitative », selon le Cerema, elle pourrait répondre aux attentes sociales des habitants des territoires ruraux, tout en contribuant à réduire drastiquement la consommation foncière de ces espaces.

Reste à trouver suffisamment de foncier aménageable pour répondre à une demande de logements toujours en hausse, à cause du desserrement des ménages. Et à développer des outils pour que les élus puissent aménager les friches disponibles, souvent plus chères à développer que les terrains naturels ou agricoles. Constance de Pélichy, maire de la Ferté-Saint-Aubin dans le Loiret et coprésidente de la commission aménagement, urbanisme, habitat et logement de l’Association des maires de France, appelle à la création d’outils financiers qui viendraient favoriser le renouvellement urbain et la réhabilitation des cœurs de ville « de manière bien plus ambitieuse qu’on peut le voir actuellement ». Une autre condition pour rendre la densité désirable au plus grand nombre.

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