Une femme à vélo sur des berges de rivière, une ville historique touristique en arrière plan.
Publié le 04.04.23 - Temps de lecture : 3 minutes

Tourisme en régions : ce qui a changé depuis le Covid

2022 marque le retour massif des touristes dans notre pays, après deux ans de crise sanitaire. Pour preuve, le secteur a rapporté cette année-là 57,9 milliards d’euros grâce aux touristes internationaux. Un chiffre qui égale le précédent record de 2019, mais qui se situe en deçà des performances de l’Espagne (64,8 milliards d’euros). Est-ce à dire que l’impact de la crise sanitaire sur le secteur touristique est derrière nous ? Ou, au contraire, le secteur du tourisme a-t-il muté depuis 2020 ? Quel est son impact sur les territoires ? Tour d’horizon.

Après deux ans de crise sanitaire, le secteur du tourisme a enfin rebondi au cours de l’année 2022. Privés de voyages pendant près de deux ans, les touristes du monde entier ont renoué avec les voyages internationaux. D’aucuns ont même donné un nom à ce rebond propre à l’après-Covid : le « revenge travel » (ou tourisme de vengeance en français), période durant laquelle les touristes ont voyagé frénétiquement, pour rattraper le temps perdu lié aux différents confinements.

Retour des touristes internationaux en 2022

La France, et particulièrement Paris, sa capitale, ont su tirer leur épingle du jeu et restent les premières destinations touristiques mondiales dans un contexte post-pandémie. Dans une note de conjoncture datant du mois d’octobre 2022, l’Insee souligne que « Paris et la région Île-de-France retrouvent, à partir de juin 2022, le niveau de fréquentation hôtelière de 2019 pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire. » Retour de l’attractivité, donc. Mais le tourisme a-t-il muté depuis la crise sanitaire ?

Le tourisme domestique, ou de proximité, s’est imposé depuis 2020, les Français (re)découvrant les charmes de leur propre pays à la faveur des restrictions de circulation. Sans en donner la cause, l’Insee note que les Français privilégient désormais l’hébergement touristique dit « marchand » (hôtels, campings, mais surtout la location auprès de particuliers), devant l’hébergement dans la famille ou chez des amis. Pour ce qui est des voyageurs internationaux, l’Insee remarque un retour massif de la clientèle américaine, britannique, allemande et néerlandaise à l’été 2022. En revanche, les clientèles japonaises et surtout chinoises sont encore aux abonnés absents : « ces trois clientèles étrangères représentent 1 % de la fréquentation étrangère des hôtels durant l’été 2022, contre 7 % en 2019« , souligne l’institut. Du côté des revenus liés au tourisme, inflation oblige, les touristes internationaux dépensent en moyenne 7 % de plus qu’en 2019. Les prix de l’hébergement et de la restauration ont en effet fortement augmenté en 2022 (respectivement de 13 % et de 8 %).


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Les métropoles en profitent

L’inflation pourrait également expliquer le retour d’une forme de localisme dans le tourisme hexagonal : « le renchérissement des coûts de transport au niveau européen explique que les Français se sont tournés vers leur propre territoire en 2022« , explique Sylvain Zeghni, maître de conférences à l’Université Gustave Eiffel. « Si vous ne pouvez plus passer un week-end à Budapest ou à Amsterdam pour un prix abordable, vous avez tendance à vous tourner vers des villes comme Nantes, Bordeaux ou Lyon« , poursuit-il, « mais cela reste un tourisme de polarités urbaines« .

La bonne santé à toute épreuve du secteur touristique français est-elle pour autant synonyme de développement pour les territoires de notre pays ? Pour le chercheur Sylvain Zeghni, l’accessibilité est un facteur décisif pour créer une véritable destination touristique, notamment ferroviaire. « L’augmentation du coût de l’essence, des péages, les considérations écologiques font que le train aura un rôle de premier plan à jouer pour le tourisme. La France doit, à ce titre, investir dans le ferroviaire pour éviter que certaines régions ne deviennent des ‘périphéries ferroviaires’ où personne ne se rend« , insiste le chercheur.

L’accessibilité est un enjeu à l’échelle ultra locale. Laurence Bizard-Hamilton, présidente de l’Association des châteaux de la Loire, dirige également le château de Champchevrier, situé sur la commune de Cléré-les-Pins, en Indre-et-Loire et observe, de loin, les flux de cyclistes. Le château n’est situé qu’à une douzaine de kilomètres de l’itinéraire de « La Loire à Vélo » (une voie verte qui draine chaque année plus d’un million de cyclotouristes), mais il n’y est pas relié. Un problème du dernier kilomètre qui pèse selon Laurence Bizard-Hamilton sur l’accessibilité du château, et donc sur le nombre de ses visiteurs. « Soit vous êtes sur le triangle d’or des châteaux de la Loire à vélo, et vous pouvez capter les flux, soit vous devez créer ces flux« , témoigne-t-elle. Elle est justement en train de travailler avec l’ensemble des collectivités, et notamment la région, seule à même d’homologuer les itinéraires cyclables « officiels » sur une boucle cyclable complémentaire pour desservir son domaine.

Un témoignage qui confirme, pour Sylvain Zeghni, le rôle des collectivités dans le développement du tourisme au niveau local : « personne ne sort de l’autoroute pour aller visiter le patrimoine d’un petit village. L’action des villes et des collectivités doit se porter sur les facilités d’accueil, y compris au niveau de l’accessibilité« , explique le chercheur.

Mise en réseau et désaisonnalisation

L’accessibilité des sites touristiques se joue également dans le champ du numérique. Un constat particulièrement vrai depuis la crise sanitaire. « Ce que le covid a énormément accéléré, c’est la commercialisation en ligne« , décrit Laurence Bizard-Hamilton. Sur les 102 adhérents de l’Association des châteaux de la Loire, seuls 30 % ne commercialisent pas de billets en ligne. Un manque à gagner selon la présidente de l’association, qui vise les 100 % de ventes en ligne à l’horizon 2024. « Notre enjeu, c’est vraiment la numérisation des sites de visites. Nous y arriverons si nous parvenons à mettre en place des outils numériques dédiés spécifiquement aux châteaux« , poursuit-elle.

L’outil numérique autorise enfin la mise en réseaux des acteurs sur un territoire donné, une étape qui permet de créer un cluster touristique efficace. Cette mise en réseau articule le patrimoine matériel (les châteaux et monuments) et immatériel (les dégustations de vins, les spectacles et l’offre de restauration) d’une région pour optimiser son attractivité touristique. Le résultat : un territoire vivant, qui n’est plus tributaire des saisons pour attirer les visiteurs : « au château de Champchevrier, les ‘ailes de saison’, avant et après la saison estivale, ont pris énormément de poids ces dix dernières années. Nous accueillons de plus en plus de groupe toute l’année, de mi-mars avril à fin mi-novembre« , conclut Laurence Bizard-Hamilton..

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