©Stéphane Gautier / Val d’Europe Agglomération
Publié le 12.07.22 - Temps de lecture : 5 minutes

L’incroyable histoire de Val d’Europe, devenue modèle de ville nouvelle

Née en 1987 après la décision de la Walt Disney Company d’implanter son parc d’attractions européen à Marne-la-Vallée, la ville nouvelle de Val d’Europe fête ses 35 ans cette année. L’occasion de revenir avec Philippe Descrouet, maire de Serris et président de Val d’Europe Agglomération sur le chemin parcouru, l’histoire de Val d’Europe, et les perspectives de développement du territoire à court et moyen termes.

Quelle a été la genèse de la ville nouvelle de Val d’Europe ?

Philippe Descrouet : La Walt Disney Company souhaitait implanter un parc d’attractions en Europe dans les années 80. Marne-la-Vallée, ville nouvelle au fin fond de la Seine-et-Marne qui était en concurrence avec Barcelone, a finalement été retenue. Le choix a été officialisé en 1985 quand Laurent Fabius, alors Premier ministre, a reçu Michael Eisner, PDG de la Walt Disney Company, et ratifié un protocole d’étude pour le démarrage de l’opération. L’accord a été finalisé le 24 mars 1987 avec la signature par Jacques Chirac, devenu Premier ministre, Michael Eisner, le Conseil régional d’Île-de-France, le Conseil général de Seine-et-Marne, la RATP et l’établissement public en charge de l’aménagement de Marne-la-Vallée, de la convention pour la création et l’exploitation d’Euro Disneyland.

Outre la réalisation du parc d’attraction sur une cinquantaine d’hectares, ce document prévoyait le prolongement de la ligne A du RER et l’ouverture d’une gare desservant le complexe ainsi que la réalisation d’une voie d’accès entre l’autoroute A4 et le parking du parc. De plus, la Walt Disney Company a été chargée du développement d’une zone de 1 945 hectares autour de l’équipement car la société souhaitait maitriser ce périmètre pour garantir la pérennité de son investissement. Concrètement, EpaFrance, le nouvel établissement public d’aménagement dédié au secteur IV de Marne-la-Vallée (qui deviendra Val d’Europe), achète les terrains, les viabilise et les vend à la Walt Disney Company qui confie à des promoteurs la réalisation des projets immobiliers. La programmation de différents quartiers et plusieurs phases de développement sont prévues sur trente ans avec un impératif : respecter un ratio d’un emploi pour un habitant. Pour la première fois en Europe, une entreprise privée devient alors développeur d’une ville.


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Quel a été le rôle des collectivités locales durant cette période ?

Philippe Descrouet : Les cinq communes du secteur IV (Bailly-Romainvilliers, Chessy, Coupvray, Magny-le-Hongre et Serris) rassemblaient moins de 5 000 habitants et étaient très rurales. Elles n’étaient pas signataires de la Convention. Le développement du parc d’attraction, des infrastructures, des équipements publics et des projets immobiliers leur a été imposé, ce qui a provoqué un tollé. En parallèle, les agriculteurs locaux ont manifesté contre ce projet qui les privaient de terres. Le démarrage de l’histoire locale de Val d’Europe a donc été compliqué. Néanmoins, la signature de la Convention du 24 mars 1987 a induit quelques semaines plus tard la création du syndicat d’agglomération nouvelle des Portes de la Brie (qui deviendra en 2001 le SAN du Val d’Europe) avec un statut particulier : cette intercommunalité devait collecter l’ensemble des taxes locales liées au foncier économique et à l’habitation pour financer les équipements publics (équipements sportifs, établissements scolaires, services administratifs…). Inexpérimentés au départ, les élus locaux ont gagné en compétences au fil des années. Ils ont appris à faire entendre leurs voix et à peser dans les décisions.

Une des grandes forces du Val d’Europe, c’est le vivre ensemble

Comment Val d’Europe s’est développé dans les années qui ont suivi 1987 ?

Philippe Descrouet : Le chantier de Disneyland Paris démarre pour une ouverture en 1992. En parallèle, EpaFrance commence à intervenir sur les bourgs existants. Euro Disney, l’entité locale créée par la Walt Disney Company, se lance dans le développement du secteur IV après l’ouverture du parc d’attractions et la mise en service de la gare TGV de Marne-la-Vallée – Chessy en 1994. La société définit des ZAC et enclenche la réalisation de zones pavillonnaires dans les bourgs existants, notamment à Serris et Bailly-Romainvilliers. Ces derniers s’étendent peu à peu et arrivent en frange de la route départementale qui contourne le parc d’attraction, surnommée boulevard circulaire. En 2000, ce dernier est bouclé avec l’ouverture du centre commercial Val d’Europe. L’opération marque également le début du développement du centre urbain qui deviendra le centre-ville des cinq communes historiques du SAN. Suivent l’ouverture de la Vallée Village, de la gare du RER A « Serris-Montévrain/Val d’Europe », de la médiathèque de Val d’Europe imaginée par Paul Chemetov et Borja Huidobro… En parallèle, des zones d’activités sont développées en dehors du centre urbain et Villages Nature est inauguré en 2017 par Pierre & Vacances – Center Parcs et Euro Disney.

Quel bilan tirez-vous du développement urbain de Val d’Europe depuis 35 ans ?

Philippe Descrouet : Sur le plan urbanistique, beaucoup de chemin a été parcouru. Val d’Europe a été surnommée pendant plusieurs d’années « Mickeyville » en raison de son centre commercial à la Baltard, de ces immeubles au style néo-haussmannien… Mais ce pari, consistant à reprendre des codes architecturaux s’inspirant de l’histoire de la France tout en les modernisant pour doter la ville nouvelle d’une identité forte, est aujourd’hui gagné. Les habitants sont heureux et fiers d’y vivre. Nous avons également relevé le défi de mélanger logements en accession et logements sociaux avec la même exigence de qualité architecturale. Il est impossible aujourd’hui de faire la différence entre ces deux types de logements, que ce soit dans le centre urbain ou dans les bourgs. Une des grandes forces du Val d’Europe, c’est le vivre ensemble. Cela se matérialise également au niveau de la propreté. Il n’y a pas de tags sur les murs et sur le mobilier urbain, pas de déchets qui trainent par terre… Les 51 000 Valeuropéens se sont pleinement appropriés la ville.

Je me suis battu pour que Val d’Europe conserve son indépendance et reste maître de son destin

Quid du développement économique ?

Philippe Descrouet : Nous dénombrons 6 300 entreprises proposant 44 000 emplois sur notre territoire. Les premières années qui ont suivi l’ouverture de Disneyland Paris en 1992 ont été difficiles en matière d’attractivité économique car notre territoire restait perçu comme éloigné de tout. Les élus locaux ont ensuite influé pour qu’Euro Disney fasse évoluer l’offre afin de répondre aux besoins des PME et des PMI. Une nouvelle dynamique a été enclenchée et elle ne cesse de s’amplifier, notamment avec l’accélération des processus d’instruction des autorisations de construction afin de donner un maximum de visibilité aux utilisateurs et l’arrivée de grands comptes comme Deloitte qui installe son campus de formation Europe, Moyen-Orient et Afrique sur notre territoire.

Comment a évolué la gouvernance de Val d’Europe dans l’intervalle ?

Philippe Descrouet : En 2014, la maire de Bailly-Romainvilliers Arnaud de Belenet a pris la présidence du SAN du Val d’Europe et a voulu le transformer en commune nouvelle. Sachant que nous aurions dû nous rapprocher de Meaux ou de la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire pour respecter le cadre réglementaire du statut de commune nouvelle, je m’y suis opposé afin que nous conservions notre indépendance et restions maîtres de notre destin. Un référendum a été organisé en 2015 et la ville de Serris dont je suis maire a voté contre, faisant échouer le projet. Le SAN a été transformé en communauté d’agglomération en 2016 pour respecter la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) du 7 août 2015 et nous avons accueilli cinq nouvelles communes : Esbly, Montry, Saint-Germain-sur-Morin, Villeneuve-le-Comte et Villeneuve Saint-Denis.

Je me positionne comme un VRP du Val d’Europe

Vous avez été élu président de Val d’Europe Agglomération en juillet 2020. Quelle politique déployez-vous en matière de développement urbain et d’attractivité ?

Philippe Descrouet : Je suis un chef d’entreprise qui aime négocier. J’ai commencé par réinstaurer un climat de confiance avec Euro Disney. J’ai exigé un bilan de la phase 4 de développement du Val d’Europe, ce qui nous a permis de poser des bases saines pour nous mettre d’accord sur les tenants et les aboutissants de la phase 5 de développement qui commencera en 2028. En parallèle, Val d’Europe Agglomération a repris la main sur le développement économique. Nous avons commandé avec Euro Disney une étude à EY sur l’attractivité territoriale qui a conduit à la création de la marque « Fields Of Opportunities » dont nous sommes propriétaires et Euro Disney un partenaire privilégié. Elle va nous permettre d’impulser une dynamique collective en impliquant les acteurs économiques et de renforcer la visibilité du Val d’Europe en mettant en valeur son identité et sa maturité. Je me positionne comme un VRP avec l’ambition de faire du Val d’Europe un territoire connu et reconnu de tous grâce au marketing territorial pour devenir incontournable en Île-de-France. Nous sommes totalement opérationnels aujourd’hui pour atteindre cet objectif.

Quels sont les enjeux du Val d’Europe pour les années à venir ?

Philippe Descrouet : Nous ne sommes qu’à la moitié du développement de cette ville nouvelle. La première partie de l’histoire qui a été écrite au cours des 35 dernières années est une réussite. La deuxième nous amènera à être 100 000 habitants et à développer 350 000 m2 de bureaux ainsi que 300 000 m2 d’activités supplémentaires. Notre enjeu est de réunir toutes les conditions pour qu’elle soit également couronnée de succès.

Photographie Philippe Descrouet ©Yann Piriou / Val d’Europe Agglomération
Photographie aérienne ©Stéphane Gautier / Val d’Europe Agglomération

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