Chanvre, bois, paille et terre : quand les bâtiments passent au bio
Matériau privilégié dans la construction, le béton engendre 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pour réussir la transition énergétique et décarboner l’immobilier, le recours aux matériaux bio ou géosourcés devient indispensable. Et les initiatives se multiplient.
Un retour aux sources ?
La page du béton-roi dans la construction semble se tourner avec la redécouverte de solutions longtemps oubliées. Bois, paille, chanvre, les matériaux biosourcés sont issus de la biomasse, c’est-à-dire de ressources renouvelables d’origine végétale ou animale. Ils se distinguent des matériaux tels que le béton ou le plâtre grâce à leur faible empreinte environnementale. Potentiellement issus du réemploi ou de la revalorisation de déchets (ou de sous-produits), ils s’inscrivent dans une logique d’économie circulaire.
Sans pour autant sacrifier les performances, à l’image des matériaux géosourcés, comme la terre et la pierre, ils sont particulièrement appréciés pour leurs propriétés thermiques. Tous disposent de normes, avis techniques, règles professionnelles, ATex et DTU, des documents qui attestent de leur qualité technique. Pour le confort et la sécurité des usagers, ils se destinent à de multiples usages en construction neuve comme en rénovation : structure, isolation, toiture, parement, enduit, etc.
L’architecte Dominique Gauzin-Müller, co-auteure du manifeste, évoque une « architecture plus respectueuse du vivant et des ressources naturelles, qui transforme l’existant avant de construire du neuf, qui valorise les matériaux renouvelables et les savoir-faire locaux et qui privilégie des solutions techniques robustes tout en proposant un équilibre entre tradition et modernité ».
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Des exemples concrets de réalisations
Le bois s’impose très certainement comme la star des matériaux biosourcés. Mais ce n’est pas tout. L’Hexagone se positionne également comme le pionnier européen de l’isolation en paille, qui ne concerne plus uniquement les maisons auto-construites. Ce matériau bas-carbone isole déjà plus de 10 000 bâtiments, dont plusieurs centaines d’équipements publics et de logements sociaux, pour certains de grande envergure.
Et ce n’est qu’un début ! Les matériaux biosourcés bénéficient en effet d’un contexte politique et réglementaire favorable qui devrait encore amplifier le mouvement. C’est le cas de la nouvelle réglementation environnementale RE2020, qui vise à répondre aux enjeux de durabilité exigés par la transition écologique. De son côté, le label « bâtiment biosourcé », créé en 2012, encourage les démarches vertueuses. Sans oublier la commande publique, levier essentiel qui se met progressivement à intégrer l’utilisation de ces matériaux dans les marchés publics.
Quel avenir pour les matériaux biosourcés ?
Le bois, la paille ou le chanvre concilient efficacité énergétique et faible impact environnemental, tout en participant au développement des filières locales et à la préservation du patrimoine. Mais existerait-il un risque de surconsommation de ces produits ? « Pas si l’on mise sur les coproduits de l’agriculture, souligne Dominique Gauzin-Müller. 10 % de la paille produite chaque année en France permettrait d’isoler 500 000 logements ! La limite est loin d’être atteinte, d’autant que d’autres coproduits sont envisageables, comme les tiges de lavande, les sarments de vignes ou les balles de riz ».
Le secteur du bâtiment et des travaux publics a donc tout intérêt à se pencher sur leur valorisation. Et l’architecte de conclure : « tous ces projets témoignent de l’engagement d’équipes pionnières réunissant architectes, ingénieurs, constructeurs et maîtres d’ouvrage. Ils démontrent qu’il est possible de bâtir autrement, en s’appuyant sur des ressources et des savoir-faire locaux sans renoncer à l’innovation. Ancrées dans leur territoire, ces architectures frugales et créatives ouvrent de nouveaux horizons pour la construction et la rénovation ».
Le biosourcé, un gisement sans limites ?
D’autres ressources se développent, comme la balle de riz, la paille de lavande ou la laine de lin, habituellement considérées comme des déchets des industries agricole et textile. Néanmoins, elles souffrent encore d’un manque d’expertise. Plus surprenant, le mycélium (la partie enterrée des champignons) pourrait à l’avenir permettre de produire une brique isolante légère et efficace.
Focus : L’essor du chanvre
Premier producteur européen de chanvre, la France mise sur cette ressource. Respectueux des sols, le chanvre nécessite peu d’eau pour sa croissance. Il est très apprécié pour ses propriétés de régulation hygrométrique et d’isolation thermique et phonique.
Le chanvre s’inscrit au cœur du programme Pecquenchanvre, qui vise à rénover 50 logements dans le bassin minier au cœur du Nord-Pas-de-Calais, avec du chanvre comme isolant thermique. Plusieurs techniques sont utilisées : le béton de chanvre, projeté en filière humide, et les blocs de chanvre à maçonner.
Mais le chanvre prend également toute sa place dans la préservation du patrimoine. À Mirabel-et-Blacons dans la Drôme, plusieurs acteurs de la filière se mobilisent pour réhabiliter une ancienne usine à billes avec ce matériau. Le site accueille désormais trois ateliers de création artisanale, des logements communaux et un espace public. Un projet qui affiche une volonté affirmée d’impulser l’utilisation de ce matériau biosourcé.
Comment faire le bon choix parmi ces alternatives ?
Les matériaux biosourcés peuvent se combiner entre eux ou s’utiliser avec des matériaux de construction plus conventionnels. Pour trouver le bon équilibre, l’essentiel reste d’adapter son choix à la nature du projet et aux ressources locales. « Ce qui est vraiment écologique, c’est d’utiliser la juste quantité du bon matériau au bon endroit… et au juste prix ! », martèle Dominique Gauzin-Müller à ses étudiants. C’est ainsi que l’architecture frugale peut renouer avec les constructions vernaculaires, tout en ouvrant de nouvelles perspectives.
