Ville nouvelle Val de Reuil
Publié le 12.07.22 - Temps de lecture : 4 minutes

Comment la ville nouvelle de Val-de-Reuil s’est renouvelée

Figurant parmi les neuf villes nouvelles créées à la fin des années 60, Val-de-Reuil (27) a connu trente premières années chahutées. Depuis 2001, la plus jeune commune de France se transforme sous l’impulsion de son maire, Marc-Antoine Jamet. Interview.

Quelle a été la genèse de la ville nouvelle de Val-de-Reuil ?

Marc-Antoine Jamet : Cette genèse n’est pas aussi symbolique et forte que celle de la Bible. Quoique ! Administrative, architecturale, démographique, et sociologique. Elle répond à quatre enjeux. Nous sommes en 1967. Le premier est la création d’un point de fixation pour éviter l’extension infinie de la région parisienne le long de l’axe Seine. Le second vise à moderniser l’habitat dans une Normandie où appartements aux normes, salles de bains et sanitaires ne sont pas légion. Le troisième consiste à développer une offre résidentielle adaptée aux phénomènes de décohabitation observés dans la société française d’après-guerre. Le quatrième enjeu était démographique : la population française étant en croissance, il fallait loger ses jeunes salariés. Les boomers veulent un toit ! L’objectif initial des pouvoirs publics étant de créer une ville de 140 000 habitants restait à trouver le territoire idoine pour l’implanter. Rouen et Mantes-la-Jolie étaient en balance. Faute d’accord politique, cela s’est fait à mi-chemin, à 100 kilomètres très exactement de Notre-Dame-de-Paris. C’est ainsi qu’est né par l’ensemble urbain ce qu’on appelait alors Le Vaudreuil.


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Quel bilan tirez-vous du développement urbain de Val-de-Reuil depuis 1970 ?

Marc-Antoine Jamet : Plusieurs phases sont à distinguer. Outre l’accueil de 140 000 habitants, le projet initial prévoyait le développement de l’activité industrielle. Pasteur Industries, le bras productif de l’Institut est déménagé dans la ville nouvelle pour produire des vaccins. Le bassin d’essais des Carènes (centre d’essais et de recherche en hydrodynamique et hydroacoustique navale) s’implante. Matra ouvre un site… Surtout, une grande usine de production du groupe Renault doit être réalisée avec des milliers d’emplois à la clé. Mais le choc pétrolier de 1973 a raison du projet. Cet abandon explique en partie le développement plus lent que prévu de la Ville Nouvelle du Vaudreuil dans les premières années de son existence. Conséquence : les classes moyennes parisiennes que les créateurs de l’ensemble urbain ciblaient ne sont jamais venues. Dès lors, l’offre résidentielle qui avait été développée à leur intention est transformée en habitat social. Cela ne fonctionne pas bien, notamment car les bailleurs sociaux, tous convoqués, parfois pour une dizaine d’unités résidentielles, gèrent ce parc à distance. Autre raté, la Ville Nouvelle est gérée directement par l’État et n’a pas le statut de commune. Ses habitants ne sont donc pas inscrits sur les listes électorales et ne peuvent pas voter en 1981. Pour couronner le tout, le petit village voisin du Vaudreuil, avec lequel la fusion devait se faire, dépose un recours au Conseil d’État pour reprendre son nom et ses mètres carrés, sans rendre évidemment le moindre centime en termes d’aménagement. La Ville doit être rebaptisée en catastrophe et devient, par assonance, Val-de-Reuil en 1985.

Que s’est-il passé entre 1985 et 2000 ?

Marc-Antoine Jamet : Val-de-Reuil sombre. Elle hérite de la dette de l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle lorsqu’il est dissout et continue à s’endetter. Il lui fallait faire en dix ans ce que les autres avaient fait en mille. Résultat : Val-de-Reuil est mise sous tutelle de la Chambre régionale des comptes et de la préfecture en 2000 et ses impôts locaux sont augmentés de 470 % alors que la ville compte 93 % de logements sociaux à l’époque.

Ma politique a consisté à réparer, rassurer, attirer et relancer 

Vous avez été élu maire de Val-de-Reuil en 2001. Quelle politique avez-vous déployé pour redresser la ville ?

Marc-Antoine Jamet : Laurent Fabius, alors maire de Grand-Quevilly (situé à 26 kilomètres), m’a demandé de me porter candidat à Val-de-Reuil. J’ai accepté à condition que la commune bénéficie du programme ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). Après avoir remporté l’élection de 2001, nous avons obtenu une enveloppe de 37 M€ lorsque Claude Bartolone était ministre délégué à la Ville. Par la suite, nous avons été à nouveau lauréats du programme ANRU, une fois pour 100 M€ et une autre pour 140 M€. Il fallait réparer, rassurer et relancer. Au fil des années, les bonnes intentions des urbanistes des Trente Glorieuses ont connu un début de réalisation. Val-de-Reuil est devenu la pointe de diamant du 11e département industriel français. Dans le numérique avec les data centers d’EDF, de BNP, d’Altitude et deux sur trois de ceux, stratégiques, d’Orange. Pasteur est devenu la plus grosse usine de vaccins au monde avec Sanofi. Aptar, Janssen et Fareva l’ont rejoint. Hermès, qui fabriquait ses parfums en limite de la commune, a ouvert un atelier de maroquinerie…  Pas moins de 180 entreprises ont aujourd’hui une activité à Val-de-Reuil. Alors que les cadres qualifiés de ces sociétés habitent dans les communes autour du Val-de-Reuil, nous développons une offre résidentielle avec les promoteurs comme Nexity, Kaufman, Cogedim, Amex à destination des chefs d’équipes, des responsables de ligne… Nous avons besoin de propriétaires, de parents d’élèves, de bénévoles pour structurer la ville et ainsi améliorer la vie des 15 000 Rolivalois. Pour l’heure Val-de-Reuil, avec le revenu fiscal par habitant le plus bas du département, est paradoxalement une commune relativement riche, mais la ville la plus pauvre de Normandie. En parallèle, le commerce de proximité s’est enfin développé et la dalle de centre-ville héritée des années 70  a été refaite pour la rendre plus esthétique, plus fonctionnelle et plus sure grâce à Jean-Jacques Ory, un des nombreux grands architectes-urbanistes qui sont intervenus sur notre territoire (environ 150 en 40 ans dont Jean-Michel Wilmotte, Daniel Hulak, Philippe Madec, Jean-Marc Sandrolini, Vincent Rivoire, Philippe Vignaud, Jean-François Bodin, Patrick Mauger, Michel Kagan, James Cowey et Studios Architecture…). Nous avons également développé une vie culturelle et sportive avec un théâtre qui accueille une des 22 compagnies nationales de danse et affiche un taux de 87 % d’abonnés, un des plus grands stades d’athlétisme couvert de France avec celui de Clermont-Ferrand…

Quels sont les enjeux urbains de Val-de-Reuil pour les années à venir ?

Marc-Antoine Jamet : La ruine de l’immeuble de hauteur et du parking sous-terrain n’est rien à côté de ce que serait le naufrage de la maison individuelle. Nous avons refait la ville dense grâce à l’ANRU. Nous réfléchissons aux moyens à déployer pour faire évoluer l’habitat pavillonnaire. Cela passera par des dispositifs qui inciteront des propriétaires individuels à réhabiliter leur maison et un habitat de qualité. En parallèle, nous avons un enjeu d’expansion démographique. Notre ambition est d’accueillir 5 000 habitants supplémentaires pour équilibrer nos comptes, remplir nos écoles, atteindre la taille critique.

Photographie Marc Antoine Jamet ©D.R.
Photographie aérienne ©Ville de Val-de-Reuil

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