Crise du logement : avec un marché immobilier pavillonnaire de plus en plus inaccessible, quelles solutions pour les primo-accédants ?
Publié le 22.06.23 - Temps de lecture : 4 minutes

Crise du logement : le pavillon n’est pas mort, mais…

La hausse des taux d’intérêt et le renchérissement des coûts de construction, auxquels il faut ajouter la raréfaction du foncier disponible, rendent de plus en plus difficile l’accès à la propriété pour les primo-accédants. Ces jeunes ménages, parfois modestes, se tournaient traditionnellement vers la maison individuelle éloignée des pôles urbains pour accéder à la propriété. Aujourd’hui, conséquence de la crise du logement, même ce marché leur est désormais de plus en plus inaccessible. Quelles solutions pour les primo-accédants ?

Les chiffres de la construction sont en berne. Selon les données publiées par l’Insee le 16 mai 2023, les réservations de logements neufs pour le premier trimestre de l’année ont chuté de plus de 40 %. Le nombre de permis de construire est, lui aussi, en baisse, de 11,5 % sur un an à fin mars. Une baisse largement due à la dégringolade de plus de 30 % des autorisations pour les maisons individuelles. Symbole de cette chute, le constructeur de maisons individuelles historique Phénix (appartenant au groupe Geoxia), a annoncé sa liquidation judiciaire en juillet 2022.

Un effondrement prédit par les professionnels de la construction depuis de nombreux mois. Ces mêmes professionnels ont écrit au président de la République, Emmanuel Macron, le 15 mai pour demander une politique du logement « claire et ambitieuse ». Les raisons de cette baisse sont connues : renchérissement du coût des matériaux depuis la crise sanitaire et de l’énergie depuis la guerre en Ukraine, augmentation des coûts de construction liée à la nouvelle réglementation environnementale et enfin raréfaction – réelle ou supposée – du foncier, conséquence de la loi climat et résilience et de la mise en place du zéro artificialisation nette. Du côté de la demande, la hausse des taux d’intérêt et le durcissement des conditions d’octroi de crédit plombent le financement des primo-accédants, grands perdants de cette situation. Le coût d’une maison individuelle, estimé à 150 000 € pour une centaine de mètres carrés, reste compétitif pour les primo-accédants, mais seulement à condition d’avoir un apport personnel et de trouver un financement et un terrain constructible.

Quelles solutions alors pour que les jeunes ménages, un public qui se dirigeait jusqu’à présent massivement vers la construction d’une maison individuelle, puissent accéder à la propriété ? Est-ce que le zéro artificialisation nette sonne véritablement le glas du rêve pavillonnaire ?

Pour Clément Pétreault, journaliste au Point et auteur d’« Une maison sinon rien », un essai publié en mai 2023 chez Stock, le pavillon n’est pas mort. « Il y a un engouement instinctif pour la maison individuelle. C’est ce que j’essaie de démontrer dans mon livre. La maison, dans l’imaginaire collectif, est intimement associée à l’accession au statut de classe moyenne », explique le journaliste. Selon lui, des « éléments conjoncturels » sont à l’œuvre aujourd’hui qui tendent à faire de la maison individuelle un objet de luxe. « Pour autant, le désir reste très présent parmi toutes les couches de la population. »

Sondage après sondage, l’attrait des Français pour l’habitat individuel ne s’est en effet jamais démenti. L’institut national des études démographiques (l’ancêtre de l’Insee), à la faveur d’une enquête en 1945, montrait que 72 % des sondés préféraient la maison individuelle au logement collectif. En 2022, un sondage mené par la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles et l’institut Ifop montrait que ce chiffre était passé à 80 %, un étiage élevé probablement dû à la crise sanitaire qui, à la faveur des confinements successifs, a fait passer l’habitat individuel pour une valeur refuge. « En périodes de tension, on voit une forme de repli vers des zones plus proches de la nature », confirme Clément Pétreault.


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Comment, dès lors, répondre à ce besoin de logement individuel alors que la maison se raréfie ? Faut-il, en outre, poursuivre la construction de pavillons en périphérie des villes au risque d’accentuer l’étalement urbain ? La construction de lotissements participe à l’artificialisation des sols, particulièrement par les voies d’accès routières qui les accompagnent. Dans une note publiée en janvier 2023, Vincent le Rouzic, alors directeur des études de la Fabrique de la Cité, invite à casser la dichotomie entre habitat individuel et collectif et à considérer le logement sous la forme d’un continuum : « il existe en effet de nombreuses formes de logements intermédiaires, que cela soit les copropriétés plus ou moins horizontales, les diverses formes d’habitat participatif proposant de ‘vivre ensemble chacun chez soi’, ou encore les petits collectifs proposant de généreux espaces extérieurs privatifs », écrit-il. Des formes d’habitat plus dense que la maison individuelle pure, mais pas aussi élevé et vertical que le logement collectif, pourraient répondre à une demande de maison tout en évitant l’étalement urbain.

L’autre piste avancée par les acteurs de la construction consisterait à densifier les lotissements existants, sur le modèle du « Bimby« , acronyme de l’expression anglaise « Build in my backyard » (construire dans mon arrière-cour, en réponse au « Nimby – not in my backyard »). Plusieurs villes moyennes ont tenté l’expérience, comme Périgueux, qui a lancé en 2018 la construction d’une centaine de logements dans des jardins. Une piste sérieuse, mais difficile à mettre en œuvre et coûteuse pour la collectivité (qui doit rémunérer le bureau d’études qui rend le « Bimby » possible).

Reste encore à solvabiliser les ménages primo-accédants. De nombreux profils disposant de revenus stables et d’un profil solvable sont écartés de l’accession à la propriété, notamment en raison du durcissement des conditions d’octroi des prêts (apport de 10% minimum, taux d’usure, règles du HCSF…) et de l’augmentation des taux d’intérêt. Conséquence : la production de crédits immobilier est en net recul, avec une baisse de plus de 25 % sur un an. Les professionnels de la construction réclament ainsi un maintien du prêt à taux zéro sans garantie. Pour ce qui est du foncier, enfin, il est nécessaire d’impliquer les élus locaux dans la volonté d’attirer de nouveaux habitants. La suppression de la taxe d’habitation a pu rompre le lien entre constructions neuves et fiscalité locale. Certains professionnels de la promotion évoquent une redistribution partielle de la TVA aux maires bâtisseurs pour les inciter à construire du logement et accueillir de nouveaux habitants.

Quid, enfin, de la forme urbaine. S’il n’est pas question de faire une croix sur la maison individuelle, il pourrait être vertueux de repenser sa forme pour limiter son impact environnemental, notamment sur l’artificialisation des sols. « Il faut, par exemple, que la rénovation soit vraiment avantageuse fiscalement et socialement pour accélérer la remise en circulation des biens inoccupés », suggère, de son côté, le journaliste Clément Pétreault. La maison de ville, mitoyenne, offre également une typologie intéressante pour ceux qui veulent une maison à tout prix mais sans abandonner les avantages de la densité et de la ville du quart d’heure.

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