Publié le 20.08.20 - Temps de lecture : 4 minutes

4 clés pour réussir son projet d’urbanisme transitoire

Longtemps mésestimé, l’urbanisme transitoire est progressivement devenu un outil incontournable de l’aménagement du territoire. Quels sont ses avantages ? Pourquoi les friches connaissent-elles un tel succès ? Quels sont les pièges à éviter et les bonnes idées à retenir pour profiter de ses bénéfices ? 

Redonner vie à des bâtiments ou des terrains tant que l’usage d’un site n’est pas déterminé ou en attendant qu’il soit transformé, c’est le but de l’urbanisme transitoire. Cette démarche de planification et d’intervention permet d’accompagner la transformation d’un espace inadapté. Elle valorise et met en valeur les lieux qui ne sont pas exploitables immédiatement et présente l’avantage de ne pas laisser des espaces délaissés, comme des terrains vagues, des hôpitaux désaffectés ou des espaces abandonnés à l’état de friche. Deux raisons principales à cela : parce que la latence suscite des occupations sans titre (squats dans une optique d’occupation ou artistiques) ou des dégradations volontaires, mais surtout parce qu’elle donne aux riverains l’impression que le chantier est interminable. 

Pour rendre ces espaces attrayants, plusieurs types d’aménagements sont possibles : terrasses éphémères, jardins partagés, événements culturels… En raison de son faible coût et de sa capacité à être mis en oeuvre dans un temps très court, l’urbanisme transitoire a connu un développement très dynamique au cours des quinze dernières années. Rien qu’en Ile-de-France, 62 sites d’urbanisme transitoire ont vu le jour depuis 2012. Une large gamme d’initiatives s’est développée sur l’ensemble du territoire : des projets citoyens comme les Grands Voisins (Paris), des occupations estivales et festives des friches de la SNCF notamment, ou encore l’ancien Karting de l’île de Nantes qui fait cohabiter une quarantaine d’entreprises dans une halle vouée à la démolition. 

Les initiatives ont beau être légion, il n’existe pas une recette figée pour les penser et les mettre en place : chaque projet est unique et doit être alimenté selon ses spécificités. Il est néanmoins possible de tirer des enseignements à l’aune des aménagements réalisés. Quelles sont les règles à respecter pour un urbanisme transitoire réussi ? Nous en avons retenu quatre. 

Ne pas confondre urbanisme temporaire et urbanisme transitoire

Transitoire, temporaire, éphémère… Les actions de court terme sont légion en ce qui concerne l’occupation d’espaces et l’aménagement de bâtiments. Pour autant ces différentes approches ne doivent pas être confondues. L’urbanisme temporaire s’inscrit dans l’idée que l’organisation des espaces, qu’ils soient publics ou privés, occupés ou inoccupés, peut générer un investissement social, notamment de la part des riverains. Théorisée par Mark Lyndon, l’urbanisme temporaire – qui est une corollaire à l’urbanisme tactique – repose essentiellement sur l’action militante et locale. Il s’agit la plupart du temps de projets citoyens et ludiques, comme le “Park(ing) Day” qui consiste à occuper des zones de stationnement. Leur point commun : ils sont “appropriables par des communautés à travers le monde”, selon l’historienne et spécialiste des aménagements urbains Maryvonne Prévôt interrogée sur France Inter. L’urbanisme temporaire consiste donc essentiellement en une juxtaposition de projets collectifs. 

L’objectif de l’urbanisme transitoire, c’est de prendre parti des brèches qui existent dans les projets urbains et immobiliers et de transformer des lieux dans la durée. Bien que l’usage d’un site soit provisoire, ses effets doivent s’inscrire sur le long terme. 

Trouver la bonne durée d’occupation

Combien de temps faut-il investir un lieu ? Il n’est pas toujours aisé de trouver la bonne temporalité dans la gestion d’une opération d’urbanisme transitoire. Dans les faits, une grande majorité des projets analysés par une étude de l’Institut Paris région dure moins de trois ans (88%). Au contraire, les installations de plus de trois ans sont “rares” (12%). 

L’étude de l’agence régionale d’urbanisme montre qu’un temps court permet de favoriser l’effervescence créative et de limiter le risque d’appropriation des lieux. Mais lorsque la durée d’occupation est trop réduite, elle ne permet pas de mettre les lieux aux normes et d’amortir les investissements de départ. Ainsi, plus la durée est courte, plus l’occupation risque d’être commerciale (bar, restaurant). Le succès d’une démarche doit également pouvoir conduire à la prolongation d’une occupation courte. 

Favoriser la mixité afin d’éviter la gentrification

Pour que l’urbanisme transitoire ne perde pas son identité et ne devienne pas uniquement une exploitation à des fins commerciales (opération d’optimisation foncière), toute initiative doit reposer sur un juste équilibre entre intérêt urbain et besoin de rentabilité. Tout projet doit pouvoir répondre à des besoins sociaux non satisfaits, comme la présence d’espaces de création et de diffusion artistique sur l’ensemble du territoires. Dans son enquête sur “l’envers des friches culturelles”, le journaliste Mickaël Correia rappelle la nécessité de co-construire les projets d’occupation en concertation avec les associations locales et les habitants.

L’urbanisme transitoire doit aussi permettre de passer d’un urbanisme planificateur à un urbanisme plus local, décentralisé et concerté, qui englobe la vie locale. En amont du projet, il convient de prendre en compte l’ensemble des acteurs concernés : promoteurs, bailleurs, occupants temporaires sans oublier les riverains qui doivent être au coeur du projet. La participation de la société civile est essentielle pour bouleverser les démarches top-down. 

Dans un manifeste publié en 2015, Edith Hallauer défend le concept de “permanence architecturale” : “la permanence, c’est faire que le chantier soit un lieu de vie”. Afin d’éviter que l’architecte ne se transforme en démiurge, le collectif incite les bâtisseurs à “inviter” et “recevoir” les habitants pour créer du lien. Cette permanence peut être pratiquée sous des centaines de formes : actes culturels et artistiques, ateliers de production manuelle pour rendre le chantier habitable, etc. Habiter un lieu dans le temps long serait la meilleure manière d’en comprendre les spécificités en de déceler les besoins et les désirs des riverains. 

Connaître les outils juridiques indispensables

L’émergence de l’urbanisme et de l’habitat temporaire dans les grandes agglomérations a permis de faire émerger une véritable ingénierie technique. Bien que temporaires ou démontables, les constructions doivent faire l’objet d’autorisations et de mises aux normes. Règles locales d’urbanisme, règles d’accessibilité, changement de destination d’un bâtiment… Les aménagements qui vont laisser place à des projets définitifs doivent respecter des règles et des normes, au même titre que les constructions pérennes. Des facilités sont néanmoins prévues dans certains cas, notamment lorsqu’il s’agit de manifestations culturelles. 

En identifiant les problématiques liées au lieu d’occupation, en prenant en considération les envies et besoins des riverains et en mobilisant les outils juridiques indispensables, il est possible de mener à bien une occupation temporaire et de créer un lien durable entre acteurs de l’urbanisme, habitants et promoteurs. 

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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