Publié le 15.02.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Avec « Toits de Paris », la ville lumière vue d’en haut

Son compte Instagram a conquis plus de deux cent mille abonnés qui aiment avec lui prendre de la hauteur. À 28 ans, Paul Second a le sens de la poésie intime et le don du cadrage insolite. Interview d’un photographe qui connaît la ville aussi bien qu’un chat de gouttière.

Comment avez-vous commencé la photographie sur les toits ?

À la base, je viens d’une école d’art, une formation d’illustrateur. J’ai fait de la peinture, surtout du portrait, et je ne m’intéressais pas du tout à la photographie. C’est de monter sur les toits qui m’y a initié, en pratiquant une discipline de franchissement d’obstacles en milieu urbain, le « parkour », qu’on peut voir dans le film Yamakasi. J’avais un appareil pour faire des vidéos et petit à petit j’ai eu envie de faire des photos des paysages que je voyais. Il y a quatre ou cinq ans encore, mes photos étaient très banales : des monuments en plan large, des couchers de soleil… Puis très progressivement, mon regard a évolué, je suis allé vers des choses plus intimistes, plus personnelles : des détails de façades, des gens sur leur balcon. J’aime que mes photos aient un sujet, qu’elles racontent quelque chose et ne soient pas juste un beau cliché.

Vos photos de ville ne jouent pas sur le monumental mais sur l’intime, la vie…

La plupart ont des cadrages assez serrés, je fais rarement des photos de paysage au grand angle. J’aime bien le téléobjectif, un peu comme les jumelles dans le film d’Hitchcock Fenêtre sur cour, sans le côté voyeuriste ! Je vais chercher des choses atypiques, des petits détails insolites, comme la poésie des fenêtres allumées. En plein jour, on peut avoir de très belles façades mais on n’y distingue pas de vie. À la nuit tombée, à l’heure bleue, un contraste visuellement intéressant se crée entre le bleuté sombre de la façade et la chaleur de la fenêtre allumée. Et je ne sais pas pourquoi, mais les Parisiens utilisent assez peu les rideaux !

Toits de Paris, votre compte Instagram ouvert en 2019, compte aujourd’hui 227 000 abonnés. Au-delà de la qualité de vos photos, à quoi attribuez-vous une telle résonance avec autant de personnes ?

Cela avait commencé à décoller un petit peu avant, mais le confinement de mars 2020 a beaucoup joué. Mes photos se retrouvaient totalement dans l’air du temps, où l’on prenait des photos de chez soi, les vues de ses fenêtres, les voisins en train d’applaudir. Les gens étaient enfermés, ils avaient besoin de voir ailleurs, à travers mes photos, je les ai fait un peu voyager à travers les arrondissements de Paris, en apportant des points de vue différents sur quelque chose de familier. Et puis, ils avaient aussi du temps pour fréquenter les réseaux sociaux. Disons que c’était le bon thème dans un bon timing !


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Qu’est-ce que regarder la ville d’en haut apporte par rapport à notre regard quotidien au ras du sol ?

D’abord, dans l’imaginaire collectif, Paris porte une certaine poésie romantique. Associer la beauté de Paris avec la présence de ses habitants renforce naturellement cet aspect-là. Mais j’aime bien aussi saisir l’insolite, le détail amusant. Quand on est dans la rue, on subit toutes sortes de pollutions visuelles, sonores, des affichages publicitaires partout, le bruit des voitures, les gens pressés… La contemplation est difficile alors que le calme des toits y est plus propice. Je regarde Paris un peu comme il était il y a cent ans. À part les antennes 5G qui commencent à fleurir un peu partout, les toits de Paris sont globalement très préservés. La vision en plongée ou à hauteur permet d’approcher beaucoup de détails autrement invisibles. Les immeubles sont très travaillés, il y a énormément de détails architecturaux, notamment autour des coupoles que je trouve magnifiques. C’est l’occasion de révéler ce que l’on voit moins de la rue. Il arrive d’ailleurs que des architectes ou des dessinateurs me commandent des photos, en vue d’une rénovation ou d’une illustration.

Certaines de vos images ont un habillage sonore. Quelle est la petite musique de nuit des toits de Paris ?

Aucune pendant la prise d’images, je suis trop concentré ! Mais quand je travaille dessus ensuite, des musiques me viennent, et comme j’aime bien me démarquer de ce qu’on entend partout sur les réseaux sociaux, je vais chercher des musiques, classiques ou autres, qui correspondent mieux à l’esprit de ce que je montre. Un clin d’œil à la Tour Eiffel illuminée avec La femme à la peau bleue de Vendredi sur Mer. Des musiques de film, comme Minuit à Paris de Woody Allen fonctionnent très bien, ou la musique d’Amélie Poulain, qui n’est pas mal pour Montmartre…

Retrouvez toutes les photos de P. Second sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/toits_de_paris/

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