Publié le 26.09.23 - Temps de lecture : 5 minutes

Repenser les entrées de ville, « nouvelles frontières » de l’aménagement urbain

Rollon Mouchel-Blaisot, ancien directeur du Programme national Action cœur de ville, et Jean-Luc Porcedo, président de Nexity Transformation des Territoires et de Villes & Projets, présentent les opportunités offertes par Action cœur de ville 2, un nouveau chapitre dédié aux entrées de villes.

Portraits de Rollon Mouchel-Blaisot, ancien directeur du Programme national Action cœur de ville, et Jean-Luc Porcedo, président de Nexity Transformation des Territoires et de Villes & Projets

Rollon Mouchel-Blaisot, ancien directeur du Programme national Action cœur de ville, et Jean-Luc Porcedo, président de Nexity Transformation des Territoires et de Villes & Projets

Le gouvernement a donné le coup d’envoi d’une nouvelle initiative visant, cette fois, la transformation des entrées de ville. Qu’attendez-vous de ce nouveau volet ?

Rollon Mouchel-Blaisot : La requalification des entrées de ville s’inscrit en droite ligne dans la dynamique engagée depuis 2018. Le programme national Action cœur de ville (ACV) répond à un choix politique d’investir prioritairement dans les centres-villes pour le développement et l’attractivité des villes moyennes, qui exercent une fonction irremplaçable de centralité pour l’ensemble de leur territoire. En cinq ans, 6 422 actions concrètes et 6 milliards d’euros ont été engagés pour les 234 communes ACV. Ce programme entend contribuer à la transition écologique sous tous ses aspects. Pour cela, il faut penser les villes et leur aménagement dans leur ensemble ; cela passe notamment par une action déterminée contre les vestiges d’un grave laisser-faire, ces cinq dernières décennies, en matière d’aménagement urbain. Cette préoccupation récente est liée à une prise de conscience à la fois esthétique, économique et écologique. Il est aujourd’hui nécessaire d’agir avec plus de cohérence entre le centre-ville, les quartiers de gare et les entrées de ville, dans un impératif de sobriété foncière et d’usages. La requalification de nos entrées de ville et d’agglomération constitue en quelque sorte la « nouvelle frontière » de l’aménagement urbain qui doit tous nous mobiliser.

Le sujet des entrées de ville est historique, partagé par la quasi-totalité des collectivités. 

Jean-Luc Porcedo : Action cœur de ville a d’abord mis un coup de projecteur sur la rénovation des centres-villes hors des métropoles, et redonné de l’attractivité à des territoires qui étaient un peu en dessous des radars. ACV a apporté des moyens, de l’ingénierie et a remis les centres-villes en valeur. Jusqu’à présent, il a permis des diagnostics, des réflexions et des propositions souvent pertinentes et bienvenues. Il entame désormais sa phase opérationnelle, celle du « faire ». Cette étape est naturellement plus complexe, avec souvent une équation financière et des équilibres économiques à inventer. C’est tout l’intérêt de cette deuxième phase, qui commence maintenant, et qui devra s’appuyer sur une articulation efficace entre les compétences et les capacités respectives des acteurs publics et privés. À cet égard, il me semble que le bilan de ce dispositif ne pourra être dressé que lorsqu’un certain nombre de ces opérations de restructuration et de rénovation auront été livrées.

Le sujet des entrées de ville est différent. Il est peut-être plus simple à traiter, car il y a souvent, entre les élus, les opérateurs et les usagers, un fort consensus pour les faire évoluer. Ces entrées constituent aussi, toutes tailles de collectivités confondues, des opportunités de penser des réponses urbaines ambitieuses à des problématiques telles que l’évolution des modes de consommation, les mobilités ou encore le cadre de vie.


À lire aussi


Avec quelles ambitions abordez-vous cette nouvelle phase ?

Rollon Mouchel-Blaisot : Le dispositif Entrées de ville répond à quatre priorités : favoriser le développement urbain selon le principe de la sobriété foncière et lutter contre l’artificialisation des sols ; embellir nos entrées de ville en améliorant leur qualité architecturale, urbaine et paysagère ; accompagner les évolutions du secteur commercial et des modes de consommation ; diversifier les fonctions urbaines de ces zones, de la renaturation à la réindustrialisation. Le dispositif Entrées de ville s’inscrit ainsi dans l’objectif de sobriété foncière de la loi Climat et Résilience de 2021. Nous devons faire l’inverse de ce qui a été fait jusqu’ici, à savoir des zones monofonctionnelles, artificialisées à outrance, reposant uniquement sur une mobilité carbonée, avec souvent un modèle commercial dépassé et une désespérante banalisation architecturale et paysagère.

Une réponse au droit au beau pour les territoires

Jean-Luc Porcedo : Les entrées de ville sont au carrefour de plusieurs problématiques. Comme le rappelle Rollon Mouchel-Blaisot, il y a d’abord l’enjeu de la non-artificialisation des sols. Mais au-delà, ce sont bien souvent des lieux monofonctionnels, dont les usages ne correspondent plus aux attentes de nos concitoyens. Les transformer est beaucoup plus simple que les centres-villes, car les acteurs sont assez bien identifiés — souvent de la grande distribution — et ils ont par ailleurs conscience des enjeux comme de la nécessité de développer de nouveaux projets urbains. C’est le grand intérêt de ces territoires ! Compte tenu de ces caractéristiques, ce dispositif peut obtenir rapidement des résultats. À nous d’imaginer les réponses que les territoires attendent, c’est-à-dire, selon les cas, du logement, de l’innovation, des nouveaux usages, du commerce, du tertiaire. Pour reprendre l’expression de Roland Castro, ces territoires ont droit au beau. À nous, collectivement, de le leur apporter.

À quel accompagnement et à quel soutien les élus locaux désireux de retravailler leurs entrées de ville peuvent-ils s’attendre ?

Rollon Mouchel-Blaisot : Les élus des collectivités retenues pourront bénéficier d’un soutien méthodologique, technique et financier pour les accompagner dans la reconquête de leurs entrées de ville. Il faudra agir dans la durée : chaque situation étant particulière, il faut un dispositif à la carte.

Les collectivités soucieuses de requalifier leurs entrées de ville pourront s’appuyer sur plusieurs outils : accès à un fonds de requalification des zones commerciales de périphérie doté de 24 millions d’euros cogéré par l’ANCT et le ministère chargé du commerce ; accompagnement de la Banque des Territoires pour des projets pilotes de restructuration d’entrées de ville initiés par les collectivités du programme ; appui technique de la Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) et du CEREMA afin de mieux prendre en compte ces espaces dans les documents d’urbanisme et de partager des projets architecturaux réussis ; poursuite de la démarche « Repenser la périphérie commerciale » lancée en 2017 par la DGALN et le CEREMA pour travailler à des solutions concrètes de transformation des périphéries commerciales dans toute leur diversité ; interventions des architectes et paysagistes conseils de l’État pour des prestations dédiées en vue de garantir l’objectif d’amélioration de la qualité architecturale, urbaine et paysagère de nos entrées de ville. Par ailleurs, j’ai plaidé pour que nous constituions une « task force » interservices d’appui aux collectivités qui seront confrontées aux complexités juridiques de nombreuses procédures à mettre en œuvre pour traiter ces espaces.

Jean-Luc Porcedo : Dans des zones moins contraintes que les centres-villes, les entrées de ville offrent de nombreuses pistes de transformation. Mais on peut et on doit faire vite, car il y a urgence ; les besoins en logements sont énormes. Pour un acteur comme Nexity, dont le métier est d’accompagner la transformation de morceaux de ville et de porter des projets urbains dans leur ensemble, c’est un sujet passionnant. Nous avons vingt ans d’expérience en projets mixtes répondant aux enjeux de territoires en transformation, que nous pouvons mobiliser pour des projets d’entrées de ville. Je pense en particulier à notre capacité à accompagner la mise en place de partenariats public-privé, à nos expériences avec la grande distribution, autour des questions de mobilité ou encore de préservation de l’environnement. Nous pouvons donc apporter aux villes l’ensemble de nos compétences et coconstruire avec elles des projets sur mesure. Toute la chaîne de compétence de Nexity peut ainsi être mobilisée : construire des partenariats, c’est notre cœur de métier.

« Penser la ville pour les trente prochaines années »

« Le sujet de l’entrée de ville permet à tout le monde d’être exemplaire, car on part quasiment d’une feuille blanche. Dès aujourd’hui, nous sommes en mesure d’y apporter les réponses nécessaires – notamment environnementales – et de repenser la ville pour les trente prochaines années. Qu’il s’agisse de partage des usages, de mixité de programmation, de matériaux… Nous faisons du sur-mesure et étudions les besoins. Faut-il un produit totem ? Un nouveau centre ? Pour les maires, c’est l’application d’une certaine vision de la ville : jusqu’où s’étend-elle ? Quel type d’habitat proposer ? Là où les collectivités peuvent parfois buter en centre-ville sur des problématiques d’acceptabilité, notamment au niveau de la densité, les entrées de ville constituent des opportunités uniques d’avancer rapidement. » Jean-Luc Porcedo.

À Roissy-en-Brie, l’ambition d’une entrée de ville paysagère

D’ici 2027, le projet « Plein Sud » développera à Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne) un nouveau quartier multifonctionnel de 40 hectares sur d’anciennes parcelles agricoles. Il transformera l’entrée de la ville dans le respect de son héritage agricole et offrira une entrée requalifiée, avec une diversité de paysages et d’espaces verts. Les enjeux incluent l’intégration harmonieuse au tissu urbain, un cœur de quartier vivant avec place centrale, école, marché, commerces et restaurants, tout en garantissant la protection des zones humides et la valorisation de la biodiversité locale. Le projet, qui réintroduira l’agriculture sous diverses formes, prévoit une gestion des eaux pluviales à ciel ouvert.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter