Publié le 02.01.20 - Temps de lecture : 5 minutes

Sidewalk Labs, la ville de demain selon Google

Le quartier du futur pourrait bientôt sortir de terre à Toronto, en lieu et place de la friche portuaire de Quayside. Porté par Sidewalk Labs, une filiale d’Alphabet, le projet dessine les contours d’une ville ultra connectée, énergétiquement indépendante, modulable et durable. Immersion dans cette « Smart city » en devenir.

Un premier pas vers une « Smart city » exportée à l’international

Google ne s’en cache pas : depuis plusieurs années déjà, le géant de la Silicon Valley réfléchit à la création d’une ville intelligente et connectée. Imaginée comme un véritable laboratoire des solutions développées par Alphabet, la maison mère de Google, cette « Smart city » du futur a l’ambition d’introduire un nouveau référentiel de mode de vie, où la technologie est omniprésente dans le quotidien des habitants.

Pour mettre sur pied ce projet colossal, Alphabet décide en 2015 de lancer une filiale dédiée à cette initiative : Sidewalk Labs. Constituée d’une équipe d’experts de tous bords, cette entité a une mission très claire : détecter des projets urbains qui ont du potentiel afin d’en faire la « Smart city » tant imaginée par Google. Avec, in fine, l’objectif de peaufiner le fonctionnement d’un tel lieu, de le faire adopter par la population pour finalement l’exporter dans le monde entier. Après deux ans de recherche, Sidewalk Labs trouve enfin son nouveau terrain de jeu : ce sera le quartier de Quayside à Toronto, une ville située au sud-est du Canada.

Un quartier du futur aux 5 facettes

Nous sommes en 2017 et la municipalité de Toronto lance un appel d’offres afin de réhabiliter une friche portuaire laissée à l’abandon, Quayside. Le projet est finalement remporté par Sidewalk Labs, notamment grâce à l’engagement de verser 50 millions de dollars pour offrir un nouveau visage à ce quartier. 

À la suite de cet accord, la filiale d’Alphabet a consacré près de 18 mois à l’élaboration de son projet, dessinant les contours de « sa » ville de demain. À cette occasion, cinq objectifs majeurs ont été identifiés.

  Impliquer la population : depuis la validation de l’accord, Sidewalk Labs n’a eu de cesse d’organiser des tables rondes, des événements et autres enquêtes afin de mobiliser les habitants et de recueillir leurs envies. Au total, plus de 21 000 Torontois ont pu donner leur avis sur le futur de Quayside.

  Créer le quartier le plus innovant au monde : l’un des objectifs de la filiale d’Alphabet est de réinventer toutes les dimensions de la vie urbaine, que ce soit en matière de mobilité, de durabilité ou d’architecture. Le quartier de Quayside a l’ambition de devenir un véritable laboratoire des innovations, permettant à Google de valider certaines technologies avant de les exporter ailleurs. À titre d’exemple, Sidewalk Labs annonce que les rues pourront s’adapter aux changements climatiques de façon autonome et que les bâtiments seront en mesure d’évoluer selon les besoins.

  Imaginer une ville durable et mixte : pour les porteurs du projet, le futur Quayside ne doit pas devenir un quartier réservé à certains privilégiés. Pour le rendre accessible au plus grand nombre, Sidewalk Labs annonce un coût d’acquisition d’un logement inférieur à la moyenne de la ville, notamment via l’utilisation d’un processus industriel de construction. Google promet également que le quartier mêlera durabilité et mixité sociale grâce, par exemple, au développement de solutions de mobilités innovantes et à la mise en place d’un système énergétique global permettant d’assurer l’autonomie énergétique du lieu.

  Doper l’économie locale : pour être viable, le quartier de Quayside doit également faire naître de la richesse. Selon les prévisions de Sidewalk Labs, le projet devrait permettre de créer 93 000 emplois d’ici 2040 et de générer un PIB annuel de 14,2 milliards de dollars. Des résultats qui, toujours selon la filiale d’Alphabet, serait 7 fois plus importants que dans le cas d’un quartier conçu de façon plus « traditionnelle ».

  Limiter son ingérence dans le projet : aussi étonnant que cela puisse paraître, Sidewalk Labs annonce vouloir jouer un rôle limité dans la gestion du quartier. Ce serait aux pouvoirs publics locaux de chapeauter le fonctionnement de Quayside au quotidien, Google se contentant d’apporter des conseils et des financements extérieurs.

Des innovations au service d’une ville durable et connectée

Après 18 mois de conception, Sidewalk Labs a finalement présenté sa vision de Quayside durant l’été. L’occasion de découvrir des plans du futur quartier et un document de 1 500 pages présentant toutes les solutions urbaines que l’entreprise californienne imagine pour la friche portuaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les innovations sont au rendez-vous !

Des bâtiments mettant le développement durable à l’honneur

La principale innovation apportée par Sidewalk Labs est d’avoir imaginé des bâtiments entièrement construits avec des matériaux renouvelables, dont une structure utilisant du bois qui provient des forêts canadiennes situées à proximité. Dans l’optique de viser la neutralité carbone, Google promet l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits, tandis qu’une plateforme de pilotage énergétique globale est annoncée pour contrôler l’ensemble des postes (électricité, eau, etc.). 

Une ville pensée pour les piétons

À en croire Google, le quartier de Quayside devrait également prévoir le développement de véhicules autonomes et électriques, notamment via la mise à disposition de bornes de recharge. L’objectif est de limiter au maximum le besoin à l’automobile individuelle, permettant aux habitants de réduire leurs dépenses sur ce poste de l’ordre de 4 000 dollars en moyenne par an. Quant aux livraisons et au ramassage des déchets, ils pourraient être assurés via un réseau de galeries souterraines afin que le quartier soit à l’entière disposition des piétons. La promesse de rues plus intelligentes est faite également puisque les voies de circulation pourraient être conçues pour résister aux crues et être chauffées afin de limiter le coût des opérations de déneigement et de dégel durant l’hiver.

Un exemple de mixité sociale

Sidewalk Labs entend à ce que le coût d’acquisition d’un logement au sein de Quayside soit 40 % inférieur par rapport aux autres quartiers de Toronto. Et bien qu’environ 4 300 habitations soient prévues, l’objectif n’est pas d’en faire uniquement une zone résidentielle. Pour preuve, la filiale d’Alphabet indique que le quartier devrait accueillir des bureaux, tandis que les rez-de-chaussée des immeubles seraient majoritairement dédiés aux commerces. Pour inciter les professionnels à s’installer et à dynamiser l’économie locale, Google a d’ailleurs annoncé que son siège canadien y prendrait lui-même place. 

Un habitat 100 % flexible et modulable

Si l’on en croit Sidewalk Labs, la majorité des bâtiments de Quayside devraient être construits à partir de modules préfabriqués et inclure des cloisons mobiles. L’objectif est de permettre aux structures de s’adapter aux évolutions du quartier et aux besoins des habitants. Ainsi, Google promet que les habitations pourront se transformer en espaces commerciaux, tandis que les commerces au rez-de-chaussée pourront évoluer pour abriter de nouveaux espaces (bibliothèque, marché, etc.).

Un quartier connecté de A à Z

C’est finalement le point qui intéresse le plus Google et qui, pourtant, n’est pas forcément celui qui est le plus mis en avant. La filiale d’Alphabet a annoncé que de très nombreux capteurs devraient être installés dans les rues et au sein des immeubles afin de mesurer les principales composantes du quartier et des logements (température, qualité de l’air, taux de remplissage des poubelles, etc.). L’objectif étant d’optimiser et d’automatiser au maximum la gestion de la ville. Mais les habitants n’échapperont pas non plus à ces mesures puisque leur activité – comme la durée de leurs déplacements par exemple – sera également prise en compte si l’on en croit les premiers éléments présentés par Sidewalk Labs. 

Des inquiétudes en toile de fond

Ne reste plus qu’une étape pour voir le projet de Sidewalk Toronto prendre vie : la validation du budget par la municipalité. Si tout se déroule comme le souhaite Google, les premiers coups de pioche devraient être donnés à partir de 2021-2022, pour un quartier entièrement sorti de terre d’ici 2026. Néanmoins, le projet soulève un certain nombre d’interrogations, tout particulièrement en ce qui concerne la volonté expansionniste d’Alphabet. Alors que l’appel d’offres initial ne concerne que Quayside, une friche de 5 hectares, Sidewalk Labs ambitionne déjà d’étendre sa « Smart city » à ce qu’il nomme le « District Idea », pour un total de 76 hectares.

L’usage des données personnelles inquiète également le public, notamment lorsqu’on sait qu’il s’agit du fonds de commerce de Google. Il aura d’ailleurs fallu que des associations se mobilisent derrière le hashtag #BlockSidewalk pour que la filiale d’Alphabet consente à ce que les données collectées dans le cadre urbain soient rendues anonymes et que leur usage soit transparent. Autant d’éléments qui amènent les parties prenantes à se poser une question : est-ce que Sidewalk Toronto incarnera l’avenir de la transition énergétique ou sera une version édulcorée de la société dépeinte par Orwell dans 1984 ?

Pour tout savoir sur le projet, retrouvez le dossier Toronto Tomorrow dévoilé par Sidewalk Labs.

 

Crédits photos : Sidewalk Labs.

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