Publié le 24.11.20 - Temps de lecture : 4 minutes

Slow city : et si la crise invitait les villes à ralentir ?

Et si la crise signait le retour à un rythme de vie plus apaisé et raisonné ? C’est l’ambition du mouvement « Cittaslow » (ou « Slow city »), qui prône un mode de vie loin des fast-food, plus proche des commerces de proximité et des circuits courts. Derrière ce label initié en Italie dans le prolongement du « Slow Food », ce sont déjà plus de 191 villes labellisées, dont 8 en France.

Né en Italie à la fin des années 1990, Cittaslow est un réseau international qui promeut le bien-être en ville. Cette communauté s’engage partout dans le monde à ralentir le rythme de vie des citoyens. Le réseau regroupe ainsi plus de 235 villes réparties dans 30 pays qui ont accepté d’adhérer à la charte. L’adhésion concerne les communes moyennes de moins de 50 000 habitants dont les élus locaux ont décidé de s’engager sur le terrain du développement durable pour favoriser un urbanisme à visage humain.

La ville lente, de quoi s’agit-il ?

La philosophie du Slow émerge en Italie dans les années 80 avec l’émergence du Slow Food qui encourage un retour à une alimentation saine et locale. Le plaisir de manger et les traditions culinaires sont au centre du mouvement, rejoignant également certaines formes d’agricultures et de productions artisanales. Les Slow Cities (Cittaslow, en italien) apparaissent une dizaine d’années plus tard, participant à l’essor du mouvement Slow dans son ensemble. 

« Le concept de “cittaslow” est intéressant, car il fait apparaître une notion du temps trop souvent oubliée dans l’analyse des politiques urbaines », déclarait l’urbaniste Sandra Mallet au journal Le Monde. Réintroduire le temps dans la politique urbaine, c’est donc accorder une place de choix à la réflexion et à la délibération collective. Le maire de Mirande, une commune du Gers, le reconnaît : “le plus difficile est d’impliquer les citoyens.” La création du label a justement été pensée pour sensibiliser les habitants à un nouveau mode de vie et à une nouvelle forme de politique locale.

70 critères répartis dans 7 domaines

La charte Cittaslow s’articule autour de 70 recommandations et obligations, réparties dans 7 domaines. Les communes qui y adhèrent doivent mettre en valeur leur patrimoine urbain historique en évitant la construction de nouveaux bâtiments. Elles doivent également s’engager à réduire leur consommation énergétique et à faire la promotion des technologies écologiques. Aussi, le label leur impose de multiplier les espaces verts et les transports en commun ou non polluants. Les “villes lentes” doivent exclure au maximum les OGM dans l’agriculture et multiplier les zones piétonnes. Autant d’actions qui s’inscrivent dans une politique de résilience urbaine, où bien-être et conscience environnementale sont les maîtres-mots. En voici quelques exemples : 

  • Réduire la consommation énergétique des bâtiments et encourager la réalisation de maisons passives (un habitat dont la consommation énergétique est compensée par des énergies renouvelables, comme le solaire).
  • Soutenir les producteurs locaux d’énergie renouvelable et réduire l’usage non essentiel d’eau potable.
  • Favoriser l’usage de produits qui ne contiennent pas de pétrole.
  • Encourager le compostage local et planter des arbres productifs (châtaigniers pommiers, noyers, aulne) pour compenser les émissions de gaz à effet de serre.
  • Privilégier la production alimentaire locale avec des fermes urbaines et périurbaines.
  • Développer au maximum les circuits courts dans toutes les filières économiques possibles.
  • Bâtir des talus de permaculture pour en tester les principes.
  • Tenter d’allonger la période d’autosuffisance partielle de sa propre communauté pour anticiper par exemple une grève des transporteurs.
  • Planifier autant que possible des solutions sur des sujets d’actualité en concert avec la population. Veiller pour cela à une bonne participation des citoyens pour qu’ils s’investissent dans la communauté, en développant notamment des actions de sensibilisation.

La slow city en France

Depuis l’adhésion des communes de Segonzac (en Charente) en 2010, et de Mirande (dans le Gers) depuis 2011, le label Slow City séduit de plus en plus de communes françaises. Le réseau français réunit ainsi 10 communes participantes à une démarche de développement durable globale. La commune de Mirande a décidé par exemple de réintroduire et de préserver la race locale de vaches mirandaises, une manière de promouvoir une économie citoyenne, durable, locale et solidaire. 

Grâce à ses actions, Mirande a obtenu un score de 62,7% au test de Cittaslow. Pour obtenir ce score, elle a investi dans les énergies renouvelables, grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques. La municipalité a également ajouté des bacs à roseaux dans sa station d’épuration pour assécher et purifier naturellement la boue rejetée sur le site. Elle promeut aussi une solidarité intergénérationnelle avec des logements destinés en priorité aux personnes âgées et aux familles actives. À Labastide-d’Armagnac, l’adhésion à Cittaslow est apparue comme la solution pour donner un nouvel essor au village, les élus espérant attirer de nouveaux résidents après avoir connu une baisse importante de leur population au fil des ans.

Le mouvement des “villes lentes” semble si bien ancré dans l’air du temps qu’il a également suscité l’intérêt de grandes villes, particulièrement de Barcelone, San Francisco, Rome et Milan. Et si le projet Cittaslow Metropole, qui se voulait une tentative d’appliquer les principes des Slow Cities aux grandes villes modernes, n’a jamais pu voir le jour, les grandes villes peuvent prendre part au mouvement en adhérent à l’éthique générale du label. 

L’innovation au service du ralentissement

À en croire le mouvement Cittaslow, ralentir la vie en ville ne suppose pas nécessairement de refuser la technologie. Au contraire, le recours à l’innovation est de mise, avec de nouvelles réflexions sur les formes que doivent prendre le commerce urbain et le travail par exemple. Pour se donner les outils nécessaires à la réflexion, la commune de Mirande a par exemple installé un nouveau réseau de fibre optique pour favoriser la mise en place du télétravail pour les habitants.

Dans la “ville lente”, l’innovation technologique est utilisée pour réduire à la fois la fracture numérique et l’empreinte carbone des bâtiments. Pour intégrer le mouvement, l’usage du pétrole doit être considérablement revu à la baisse pour privilégier des énergies renouvelables. Les bâtiments, qu’ils soient publics ou privés, doivent être requalifiés et les nouvelles constructions doivent s’orienter de préférence vers des courants architecturaux plus écologiques comme l’architecture durable, le cradle-to-cradle ou le biomimétisme. Ainsi, selon le mouvement Cittaslow, la technologie, au lieu de rentrer en concurrence avec la nature, devrait être son prolongement, pour ne plus l’asservir mais l’assister.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

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