Publié le 01.09.20 - Temps de lecture : 5 minutes

Coco Velten : lieu éclectique d’inclusivité et de transformations locales

À côté de la gare Saint-Charles à Marseille, dans le quartier populaire de Belsunce, c’est une belle matinée ensoleillée. Travailleurs et joueurs de baskets, buveurs de café, enfants du quartier ou voyageurs curieux se retrouvent à Coco Velten, ce lieu éphémère « d’accueil et d’escale ». On s’installe sur l’une des tables de La Cantine pour profiter d’un café avant d’attaquer la visite des lieux. Autour de nous, quelques entrepreneurs s’agitent tandis que des jeunes disputent un match sur le terrain de basket jouxtant le bâtiment. Initié par la Préfecture de Région et porté par Yes We Camp, Plateau Urbain et le Groupe SOS, ce lieu répond à une volonté de renouvellement urbain et promeut la cohabitation des activités sociales, économiques, citoyennes et culturelles.

Coco Velten : Un projet d’occupation temporaire en plein cœur de Belsunce

Coco Velten, c’est d’abord une résidence sociale avec 80 places pour les personnes sans-abris, c’est aussi un espace de bureaux pour une quarantaine de structures sociales et c’est enfin un espace ouvert sur le quartier, qui propose des animations culturelles, sportives et artistiques.

Situé dans les locaux de l’ancienne Direction des routes, ce projet est né en 2017 sous l’initiative d’un laboratoire de la Préfecture de la Région PACA, le Lab Zéro. Ce laboratoire d’innovation publique, qui associe l’État avec les acteurs du terrain, a un objectif clair : celui de réduire le nombre de sans-abris dans les rues de la ville. L’idée derrière le projet Coco Velten était donc de capitaliser sur une ancienne friche urbaine pour pouvoir offrir des logements aux personnes sans-abris.

Afin de faciliter la gestion des lieux et en s’inspirant du succès des Grands Voisins, un projet d’occupation temporaire situé dans le 14ème arrondissement de Paris,  la Préfecture s’est rapprochée de deux acteurs impliqués dans l’urbanisme transitoire, Yes We Camp et Plateau Urbain. L’association Yes We Camp est en charge de la gestion globale du site tant dis que Plateau Urbain contribue à l’accompagnement des acteurs culturels, associatifs et de l’économie sociale et solidaire. Elle s’est également rapprochée du groupe SOS Solidarités, un acteur local, en charge de la partie habitation sociale du site. Ce trinôme en charge du pilotage du lieu défend des valeurs communes, celles de la coexistence et de la bienveillance, de la création du lien social et de l’expérience.

Coco Velten par Victor Chastenet de Géry

Il a ensuite fallu attendre début 2018 pour que le groupement se voit accorder l’autorisation préfectorale et signe ainsi la convention d’occupation précaire. S’en suit une période d’appels à candidature pour sélectionner les porteurs de projets et plusieurs démarches participatives pour impliquer les riverains et co-construire ce lieu. Le projet était, dès lors, bel et bien en route. Mais comme tout projet, cela n’a pas toujours été un long fleuve tranquille et un diagnostic d’amiante est venu retarder le lancement du lieu, qui a finalement ouvert ses portes avec quelques mois de retard.

Aujourd’hui le lieu est ouvert 5 jour sur 7 et vous accueille aussi bien pour un déjeuner à La Cantine que pour une projection de film dans la Halle, ou encore un atelier jardinage sur le toit terrasse.

Un projet inclusif expérimentant de nouvelles cohabitations

Situé dans un quartier prioritaire de Marseille, le tiers lieu a été pensé pour favoriser la mixité et répondre aux enjeux sociaux locaux. Le lieu héberge 80 personnes dans une résidence hôtelière à vocation sociale gérée par le Groupe SOS. Et ces 80 personnes cohabitent avec une multitudes d’acteurs venant sur site : professionnels hébergés, passants venant boire un café, gens du quartiers, … Ici les barrières sont levées !

Pensé comme inclusif, le lieu a développé différents leviers d’action. Et notamment un ensemble de mesures permettant de lever la barrière du prix. La programmation est gratuite ce qui garantit à tous de pouvoir profiter des activités diverses et variées. La Cantine, le lieu de vie de Coco Velten est lui pensé espace de socialisation pour tous : tous les budgets, toutes les professions, tous les milieux se côtoient.  On peut y prendre un café et thé à prix libre, prendre un café ou repas suspendu : une option qui permet de payer en plus de son café / repas, un autre café / repas pour quelqu’un qui n’en aurait pas les moyens, on peut profiter du “Mercredi prix libre” un repas dont les profits ira à l’instance organisatrice,… En bref, à La Cantine, tout le monde est invité à s’attabler, discuter et profiter d’un moment de convivialité.

L’inclusivité passe également par des nouvelles formes d’engagement. Ici, la dimension participative est omniprésente que ça soit pour des chantiers, la gouvernance ou encore le choix de la programmation. En ce qui concerne la gouvernance, différents dispositifs ont été mis en place pour pousser la participation : conseil de vies tous les deux mois réunissants tous les « Cocos » (utilisateurs du lieux) et tous ceux voulant s’impliquer, un slack commun, un carnet du conseil de vie permettant de partager des remarques, de faire des propositions, … Chacun est également invité apporter sa touche à la programmation, dont l’éclectisme reflète la diversité des Cocos.

Le soir de notre visite, on nous propose un concert de rap, on nous invite à une projection le samedi suivant ou à une une soirée swing : il y en en a pour tous les goûts !

Coco Velten héberge aussi 40 associations, artistes et entreprises (notamment de l’ESS) répartis sur 1200m2 de bureaux et ateliers. Mais ici on se mélange ! Pas question de répartir les occupants par métiers : chaque étage héberge des structures d’horizons variés. Sur le même palier se côtoient artistes, entrepreneurs de l’ESS, torréfacteur, entreprise de conseil, … Un mélange qui assure une « pollinisation croisée »: certains échangent des compétences, des conseils, des histoires … qui servent pour les projets et entreprises des autres.

Ici, tout le monde a sa place ! Coco Velten fait cohabiter des groupes sociaux et métiers qui n’ont pas l’habitude de se croiser en temps normal. Et cette volonté de décloisonner des mondes, dépasse l’enceinte du bâtiment : le projet a été construit pour être ouvert sur le quartier.  

Un espace connecté à son quartier

Dès sa conception puis lors de son déploiement, le lieu a été imaginé avec les habitants du quartier. Plusieurs démarches participatives ont été mises à l’oeuvre pour assurer la représentativité des habitants du quartier et des personnes qui investissent les lieux. Par exemple, les “Mardis Coco” ont permis, pendant la conception du projet, de consulter les citoyens pour capter leurs besoins. Mensuellement ont également lieu les “Conseils de vie”, qui permettent aux différentes parties prenantes du projet de discuter de sa stratégie.

L’ouverture au quartier ne se limite pas à des démarches consultatives. Il y a derrière cela une réelle volonté de faire de ce lieu un vecteur de lien social au sein du quartier.

Et on l’a vite compris en se baladant la-bas. On a observé Narcisse, un jeune garçon, qui se balade partout avec son vélo sur les lieux. Il semble connaître tout le monde ici et tout le monde semble aussi le connaître. Il va, tour à tour, dire bonjour aux travailleurs installés sur la terrasse de La Cantine. Il demande de tester la trottinette électrique de l’un d’entre eux, demande qu’est-ce que font les différentes personnes attablées, … ,  et tout le monde lui répond avec plaisir.

En proposant une programmation gratuite et variée, Coco Velten entend bien permettre aux habitants du quartier d’investir les lieux comme ils le souhaitent. Il y a par exemple les ateliers de végétalisation, qui se déroulent sur le toit terrasse du bâtiment. On peut venir apprendre à semer et à faire des boutures. On peut également juste venir se servir et prendre les plantes issues des ateliers. L’objectif ? Verdir le quartier et pousser à l’appropriation de l’espace urbain. Et ce n’est qu’un exemple des moyens mis en place pour développer la connexion à l’écosystème local !

Un décloisonnement limité ?

Coco Velten appelle aux décloisonnements des mondes sociaux, professionnels, culturels, … Ancré dans le quartier de Belsunce, le projet a su développer les interactions avec les locaux. La principale limite que l’on peut imaginer à ce projet est celle d’une possible gentrification dans ce quartier populaire. Si les démarches participatives, la programmation gratuite ou encore l’ouverture sur le quartier n’ont pas été négligées dans la gestion de ce lieu, le risque de gentrification reste bien présent. Et pour cause, ce genre de lieux ne sont pas toujours investis par les gens du quartier mais plutôt par des personnes venant de quartiers plus favorisés.

Il reste indéniable que ce type de tiers lieux à usages multiples conduit à la création de nouvelles dynamiques locales. Mixité sociale, hybridation de connaissances, promotion de la végétalisation, éducation citoyenne et urbaine : les opportunités sont nombreuses. Qui dit urbanisme transitoire dit des lieux qui sont par essence temporaires. Une temporalité qui limitent notamment les interactions naissantes avec les habitants du quartier, qui investissent progressivement les lieux.

La pérennisation des nouvelles dynamiques de quartier est possible. Prolonger les occupations ou intégrer au nouveau projet de développement des éléments de l’ancien projet transitoire sont des solutions pour inscrire durablement les impacts de ces initiatives temporaires.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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