deserts medicaux
Publié le 08.06.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Déserts médicaux : comment éviter la surchauffe ?

« Mieux vaut prévenir que guérir » comme on l’entend souvent. Pour le fléau des déserts médicaux, ces zones du territoire sous-dotées en médecins, l’heure est davantage à la guérison qu’à la prévention avec déjà 6 millions de Français sans médecin traitant d’après la Caisse nationale d’Assurance maladie et des mois d’attente pour obtenir des rendez-vous chez les spécialistes. Mais ne vous y trompez pas, le phénomène n’est pas exclusivement rural.

Les phénomènes de société font systématiquement l’objet de films. Et celui des déserts médicaux n’échappe pas à la règle, en atteste le long-métrage « Un village presque parfait » du réalisateur Stéphane Meunier. Avec ses 120 âmes au milieu des montagnes, il n’était pas simple pour le maire de Saint-Loin-la-Mauderne, incarné par Didier Bourdon, d’attirer un jeune médecin, en la personne de Lorànt Deutsch. Si le film se veut humoristique et présente une fin heureuse, la réalité dans les territoires est bien moins romancée. Pour Karelle Hanquiez, maire de Saint-Hilaire-de-Gondilly, une commune de 200 habitants dans le Cher, « la situation est dramatique car nous avons le sentiment d’abandonner des personnes, en particulier les personnes âgées qui n’ont pas accès aux soins dont ils auraient besoin, ni aux tests préventifs qui pourraient parfois les sauver ».

Villes et zones rurales sont touchées par les déserts médicaux

Si le phénomène est généralement associé aux zones rurales, il est en réalité plus général. D’après une récente étude du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), 62% de l’Ile-de-France est considérée comme « désert médical », un chiffre qui s’élève à 92 % pour la Seine-Saint-Denis. Car c’est en réalité la densité de médecins par habitants qui compte et à ce titre, Paris n’est pas championne avec seulement 5,03 médecins généralistes pour 10.000 habitants quand le Mont-Dore dans le Puy-de-Dôme en compte 21,39. Une adjointe de la commune de Saint-Agrève, 2 400 habitants en Ardèche, nous confie qu’en 2016 « le dernier médecin en activité avait plus de 90 ans » mais que finalement, il n’était « guère plus simple d’avoir des rendez-vous de consultation à Valence », grande ville la plus proche.

Pour cause de ces difficultés, la baisse du numerus clausus entre les années 1970 et 2000 (réduit de moitié), l’inégalité de la répartition géographique des jeunes diplômés mais aussi le vieillissement de la population.

  • 57,5 ans, c’est l’âge moyen pour un médecin en France métropolitaine
  • 50,4 % des médecins ont plus de 60 ans (vs. 30,7 % en 2010)
  • 18,2 % des médecins ont moins de 40 ans (vs. 13,8 % en 2010)
  • 83 départements ont perdu des médecins généralistes entre 2010 et 2021

Les territoires jugés les « plus attractifs » sur la côte Atlantique ou encore les départements alpins sont ceux qui ont le moins de mal à faire venir des médecins. Pour ceux jugés « moins attractifs », c’est la double peine : les jeunes médecins sont plus réticents à venir par manque de population ou de dynamique sur le territoire et certaines personnes n’imaginent pas s’y installer… par manque de médecins. Le sujet devient dès lors « vital si on veut se donner un avenir » assure Karelle Hanquiez.


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Les remèdes aux déserts médicaux

Omniprésente dans les discours de campagne de la présidentielle et plus récemment des élections législatives, la désertification médicale est bel et bien à l’agenda de tous. Depuis 2012, le Pacte territoire santé vise à encourager l’installation de jeunes médecins dans les zones prioritaires, à augmenter le numerus clausus (en ciblant les universités de Lille, Amiens, Rouen, Caen, Tours, Dijon, Clermont-Ferrand, Grenoble, Saint-Denis et Pointe-à-Pitre), à fidéliser les étudiants aux régions afin qu’ils s’installent où ils ont étudié ou encore à mieux accompagné les médecins dans leur quotidien.

Au-delà de ces grands objectifs et plans nationaux, les territoires ne sont pas en reste et tentent de développer leurs propres stratégies d’attractivité médicale, déclinées en prospectives et actions concrètes. À Lamontjoie dans le Lot-et-Garonne (600 habitants), le maire Pascal Boutan se veut pragmatique, « d’ici quelques années la question de la cabine de téléconsultation va se poser. Pour le moment on fait des recherches pour voir mais on sait que ça arrivera ». En attendant, il sécurise l’existant et en particulier la pharmacie qui, profitant d’un changement de propriétaire, va être « déménagée en entrée de village dans un bâtiment plus moderne, plus grand, plus accessible ».

Plusieurs grands axes de réponse semblent émerger avec la médecine ambulante, la médecine digitale ou encore les dispositifs d’attractivité médicale. La région Normandie a par exemple lancé le Médicobus en itinérances dans les communes sans médecin quand la Seine-Saint-Denis a mis en place un bus de santé bucco-dentaire. Dans la cité Castellane à Marseille, même problème que dans de nombreuses communes de France, le dernier médecin généraliste était parti. Problème ? 7 000 personnes habitent dans cette cité. Depuis peu, une Maison Médicale Digitale a été inaugurée en présence de l’enfant de la cité, Zinédine Zidane, pour permettre aux habitants de bénéficier de téléconsultations rapides avec des médecins exerçant leur activité dans des zones alentours. Interrogé au micro de BFM TV, le professeur Philippe Metellus à l’origine du projet explique la démarche, « il était compliqué voire impossible de faire s’installer un médecin (…), ce système de téléconsultation virtuelle permet de répondre dans l’urgence aux soins des patients. À distance , le médecin peut être capable de donner un diagnostic, prescrire un traitement ou réorienter vers un spécialiste pour une consultation en présentiel. »

Enfin, les territoires misent sur le « clé en main » pour convaincre des médecins de s’installer en investissant dans les murs (maisons médicales, cabinets…) et en prenant à charge une partie du personnel d’aide (entretien, administratif…). C’est la solution qui a été retenue à Saint-Agrève, en Ardèche, qui a ainsi pu attirer plusieurs médecins. Toutes ces initiatives représentent des coûts importants pour les collectivités mais comme il est coutume de dire, « la santé n’a pas de prix ».

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

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