Publié le 24.02.22 - Temps de lecture : 5 minutes

Comment insérer la logistique du dernier kilomètre dans la ville

Déjà en développement depuis plusieurs années, les livraisons du « dernier kilomètre » ont explosé pendant la crise sanitaire. Des préoccupations écologiques jusqu’aux enjeux commerciaux, l’impact de ce système de livraison sur les flux et la physionomie des villes s’impose comme une problématique incontournable. Des opérateurs comme Sogaris déploient des solutions pour y répondre. Retour d’expérience.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit. Aux côtés des entrepôts XXL en périphérie des villes, fleurissent des gabarits XXS au cœur des métropoles. Pourtant, la logistique urbaine n’est pas un phénomène nouveau… Mais l’explosion du e-commerce (129 Mds € de chiffre d’affaires en 2021, soit une hausse de 15,1 % sur un an selon la Fevad) et la crise sanitaire ont accru de manière exponentielle la demande en livraison du « dernier kilomètre » en ville. Toutefois, dans un milieu urbain déjà très dense et où le foncier se fait rare, comment insérer la logistique du dernier kilomètre dans la ville ? « L’immobilier de logistique urbaine c’est de la dentelle ! », répond d’emblée Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris. Sa foncière investit, développe et opère cette classe d’actif, avec notamment 11 sites en exploitation dans le Grand Paris. « Les sites que nous développons s’adaptent aux contraintes qui s’imposent à eux et, avec notre savoir-faire, nous envisageons des configurations très variées et très atypiques. »

Diversité de modèles de logistique du dernier kilomètre pour Sogaris

S’il n’existe pas de site mieux adapté que d’autres, une diversité de modèles de logistique du dernier kilomètre en ville tend à s’imposer. D’abord, note Jonathan Sebbane, « les équipements comme les parkings, garages et stations-services sont aujourd’hui requestionnés à la faveur de la réduction de l’automobile en ville, car ils offrent de nombreux atouts pour installer des espaces logistiques. » Ensuite, les collectivités expriment une volonté d’offrir une nouvelle vie à ces sites plus en phase avec les aspirations de leurs habitants, le tout sous le sceau de la ville durable et apaisée. Un chemin également emprunté par Sogaris. À titre d’exemple, le spécialiste de la logistique urbaine a livré, fin 2020, un espace d’environ 1 000 m2 sous le… périphérique parisien, porte de Pantin. « Nommé P4, ce site a marqué le secteur par son format très réduit et très innovant. Nous développons ce type de solutions dans différents délaissés urbains, comme avec l’Immeuble Inversé à Paris. » Implanter ces sites productifs en cœur de ville n’en demeure pas moins un vrai défi – d’autant qu’ils soulèvent des enjeux forts en termes de cohabitation avec les riverains et les commerçants. Pour réussir la greffe, Sogaris actionne trois leviers interdépendants. « Ne jamais rogner sur la qualité architecturale pour emporter l’adhésion des riverains, penser les usages et se rendre utile en ajoutant des services pour tous et en s’entourant de partenaires qui partagent nos convictions pour que l’exploitation soit aussi vertueuse que la conception de chacun de nos projets », énumère Jonathan Sebbane.


À lire aussi


Optimiser la gestion des flux

En parallèle de cette minutieuse stratégie d’implantation des sites dédiés, Sogaris s’attache à optimiser la gestion des flux liés à la logistique du dernier kilomètre en ville. « Le facteur le plus déterminant est lié à nos implantations », avance son directeur général. « Les espaces que nous développons se trouvent au plus près des consommateurs finaux et créent un niveau supplémentaire de rupture de charge entre la consolidation et le dernier kilomètre. » Ce positionnement permet aux professionnels de la livraison de gérer des tournées plus précises avec des véhicules mieux adaptés aux contraintes de la circulation en ville. Par ricochet, Sogaris contribue à réduire les flux liés à la distribution urbaine. Au rayon des implantations de ces espaces, les équipes de Jonathan Sebbane étudient toujours avec ‘‘précision’’ la cartographie des flux et leurs impacts sur l’environnement pour apporter des solutions « concrètes ». Le meilleur exemple : le futur hôtel logistique de Vitry-sur-Seine dans la ZAC Gare Ardoines. Pour ce projet de 35 000 m2 – dont 14 500 m2 dédiés à la logistique urbaine – qui donnera face à un quartier dense, les entrées et sorties de véhicules ne se feront que par un point situé à l’opposé des habitations. « C’est également le cas à Chapelle International où les véhicules de livraisons ne croisent jamais ceux des habitants. »

Décarbonation des flux et de l’immobilier

Autre enjeu pour la logistique du dernier kilomètre en ville : livrer vite et bien sans faire appel à des véhicules polluants. Un crédo où Sogaris a pris position depuis ses débuts. « Le fait d’être implanté en ville permet aux utilisateurs de nos espaces d’utiliser des véhicules plus urbains : vélo cargo, véhicule utilitaire léger, triporteurs, voire marche à pied, relate Jonathan Sebbane. Le plus souvent ces véhicules sont électriques et peuvent se recharger directement, entre deux tournées, sur nos sites. Cela serait impossible avec des entrepôts situés à plusieurs dizaines de kilomètres. » Selon lui, la décarbonation de la logistique ne passe pas uniquement par les flux, mais aussi par l’immobilier. « Nous nous efforçons de concevoir des bâtiments vertueux en phase conception et chantier. » En pratique, cela passe par la réutilisation d’espaces délaissés, l’utilisation de matériaux durables et en anticipant les multiples vies des bâtiments. « Le site P4, en partie démontable, a été conçu à partir de matériaux de réemploi. »

Au cœur de l’équation

En irriguant le cœur des métropoles, la logistique du dernier kilomètre soulève une question inéluctable : quels rapports entretient-elle avec le commerce de proximité ? « La logistique urbaine c’est l’art d’acheminer les marchandises en ville jusqu’à leurs clients finaux, rappelle le directeur général de Sogaris. Ce besoin n’est en rien une exclusivité du e-commerce. » Selon Jonathan Sebbane, « la crise a permis de mettre en évidence deux réalités ». D’une part, les consommateurs sont avant tout des habitants qui aspirent à une ville durable et aimable. « En ce sens, des commerces de proximité, accessibles et variés, en sont un élément clé. » D’autre part, la révolution numérique ne concerne pas que les pure players : tous les professionnels s’y mettent (commerçants, artisans…) et engendrent eux aussi des flux et de la mobilité. « Dans les deux cas, la logistique urbaine est au cœur de l’équation et notre mission c’est de développer les espaces adéquats pour leurs usages », rappelle-t-il. Pour étayer son propos, Jonathan Sebbane cite volontiers l’objet logistique de l’Immeuble Inversé à Paris dans le très riche tissu de commerçants du 3e arrondissement de Paris. « Ce projet a été imaginé avec les commerçants du quartier –restaurateurs et galeristes –sur leurs besoins de stockage et de livraison. » Résultat : l’opération donnera naissance à un site de proximité équipé d’un full service de logistique urbaine sur mesure pour des professionnels qui n’ont généralement pas accès aux services logistiques traditionnels.

Moment charnière

Portée par une demande en forte croissance depuis des années et renforcée depuis 2020, la logistique du dernier kilomètre pourrait-elle être victime de son succès ? « La logistique urbaine est aujourd’hui dans un moment charnière », stipule le directeur général de Sogaris. En effet, le dynamisme de ce secteur attire de nombreux acteurs – notamment sur le crédo de la livraison ultra rapide (repas, courses…), à prix cassés. « Ces nouveaux arrivants ont des stratégies très agressives sur le plan commercial mais moins ambitieuses sur le plan RSE. » Dans leur sillage, les dark kitchen et dark store se sont aussi multipliés en pied d’immeubles. « Ces pratiques encore trop peu encadrées font peser un risque d’image mais surtout d’acceptabilité à la logistique urbaine », estime Jonathan Sebbane. Pour faire face à ce défi, il juge « essentiel » de démontrer que ce secteur sait conjuguer l’efficacité opérationnelle et l’ambition environnementale, « au risque de voir les entrepôts de nouveau relégués hors des cœurs de ville. »

Dépasser l’écueil de la logistique « dernière servie »

En matière de logistique urbaine, Paris se distingue « nettement » des autres métropoles de son rang à en croire le directeur général de Sogaris. « La Ville de Paris a très tôt saisi l’intérêt d’organiser ces flux par un réseau immobilier pertinent et innovant. » Ce positionnement a d’ailleurs provoqué des émules hors des limites de la capitale… Dans le Grand Paris, et plus largement en Île-de-France, la dynamique des appels à projets de type Réinventer Paris a servi de rampe de lancement à la fusée logistique urbaine. Le tout avec l’émergence de projets mixtes, innovants et concentrés sur les usages. « Grâce à ce parti pris, nous avons réussi à dépasser l’écueil de la logistique « dernière servie » par les promoteurs et aménageurs. » Face à un déficit en termes de surfaces de logistique urbaine par rapport à la demande, Jonathan Sebbane estime que « les métropoles internationales gagneraient à s’inspirer de ce modèle parisien ». Rien que dans la capitale tricolore, en 2021, le besoin de création de surfaces était de 300 000 m². Indéniablement, la logistique du dernier kilomètre n’a pas fini de s’insérer en ville…

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter