Un corbeau fouillant une poubelle
Publié le 26.04.22 - Temps de lecture : 3 minutes

Gestion des déchets : quand les corbeaux se chargent de nettoyer la ville

Et si on dressait des oiseaux pour sensibiliser au respect de l’environnement ? C’est le pari de Birds for Change, une start-up basée dans les Bouches-du-Rhône prête à prendre son envol.

Ils peuvent mémoriser des visages, savent se servir d’outils, résoudre des casse-têtes… Si l’intelligence des corvidés (corbeaux, corneilles, pies…) est bien connue, on peut désormais ajouter une autre caractéristique à ces oiseaux : le ramassage de déchets jetés par l’homme !

Créée en septembre 2020 par Thibault Cour et Jules Mollaret, la start-up Birds for Change mise sur la collaboration inter-espèces pour lutter contre la pollution des écosystèmes. Basée au Technopôle de l’Environnement Arbois-Méditerranée, à Aix-en-Provence, cette entreprise résume sa raison d’être en une question : “si les oiseaux en sont capables, pourquoi pas nous ?”.

Suscité par une prise de conscience environnementale durant le premier confinement, le projet entend répondre à deux problématiques. “Tout d’abord les incivilités, sachant que plus d’1 Français sur 4 jette ses déchets par la fenêtre de sa voiture sur la route des vacances, un chiffre qui ne baisse hélas pas malgré l’ampleur du désastre écologique”, explique Jules Mollaret. “L’autre facette du projet, c’est la cohabitation de l’homme avec le vivant alors que la biodiversité s’effondre et que les scientifiques parlent d’une sixième extinction de masse”, poursuit le cofondateur de Birds For Change.


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Concrètement, comment ça marche ? Birds For Change installe des “Bird Box” au sein de parcs, de villes ou d’entreprises où les corvidés sont présents. Via un protocole étalé sur environ six mois basé sur un système de récompenses, ces oiseaux sauvages apprennent à collecter des petits déchets comme des mégots de cigarettes. Progressivement, ils les déposent sur un nichoir-poubelle high tech en échange de nourriture saine, tandis que de nouveaux oiseaux vont faire de même, par mimétisme, en s’inspirant de leurs congénères déjà formés.

La durée de cet apprentissage varie selon les lieux, elle dépend du nombre d’oiseaux présents et de l’offre existante en matière de nourriture sur place”, détaille Jules Mollaret, qui rappelle que “les corbeaux ont peur de la nouveauté et se méfient de tout ce qui vient de l’homme”. D’où une première phase de distribution automatique de nourriture pour attirer les volatiles vers la machine, avant de modifier peu à peu les paramètres pour introduire le lien de corrélation entre déchets et récompenses.

La Bird Box, dont le prototype a été imaginé grâce au profil ingénieur du cofondateur Thibault Cour, repose sur deux solutions d’intelligence artificielle dont le développement est quasi terminé : l’une assure la reconnaissance des objets déposés, l’autre celle des oiseaux déposants. Un comité scientifique pilote le projet : Birds for Change collabore avec Frédéric Jiguet, ornithologue et biologiste au Muséum National d’Histoire Naturelle, et avec Valérie Dufour, chercheuse éthologue au CNRS et à l’INRAE. Tous deux expérimentent directement une Bird Box, respectivement au Jardin des Plantes de Paris et au centre de l’INRAE de Strasbourg.

La sensibilisation, une priorité

L’un des critères majeurs pour définir l’emplacement d’une Bird Box reste la présence de public aux alentours. Aucun risque de voir une de ces machines sur un toit, par exemple, puisque le principal objectif des Bird Box reste la sensibilisation et l’éducation aux bonnes pratiques.

Le dispositif s’accompagne d’une signalisation sur mesure, car on ne communique pas de la même façon près d’un lycée que sur le site d’une entreprise”, précise Jules Mollaret qui insiste sur le caractère ludique parfois déployée, notamment via des QR Codes renvoyant à des quiz ou sondages autour de la pollution causée par nos mauvaises habitudes. Comme le rappelle le ministère de la Transition écologique, 500 millions de mégots sont ramassés chaque année sur la métropole de Marseille. Et à Paris, le chiffre grimpe même à 2 milliards, soit 350 tonnes par an !

Un oiseau collecte entre 5 et 30 déchets par jour. C’est bien, mais ce n’est pas un rythme industriel, puisqu’un humain peut faire ça en cinq minutes ! La finalité du dispositif reste vraiment l’émergence d’une prise de conscience”, résume Jules Mollaret. Quatre machines sont actuellement expérimentées sur le territoire : en plus de celles de Paris et Strasbourg déjà évoquées, l’une est activée à Aix-en-Provence au sein du technopole où siège Birds for Change, l’autre à Aubervilliers dans le parc entourant les locaux du groupe Icade.

Alors que les deux fondateurs de Birds for Change viennent d’embaucher leur premier collaborateur au poste de designer / ingénieur conception, de nouvelles « Bird Box » seront implantées d’ici l’automne 2022 dans d’autres villes. Après avoir longtemps souffert d’une mauvaise image, on peut s’attendre à ce que l’intérêt pour les corbeaux croisse.

Birds for Change, une start-up basée dans les Bouches-du-Rhône prête à prendre son envol

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