Lutte contre les incendies en Corse : grâce au projet GOLIAT, l’île affine ses contre-feux

En Corse, où 80 % du territoire est couvert de forêts et de maquis, les incendies sont un fléau récurrent. Grâce au projet GOLIAT, l’île mise sur la science et l’innovation pour mieux prévenir, modéliser et contenir les feux de forêt.

Un territoire hautement inflammable 

 Ce qui fait son caractère est également ce qui la rend vulnérable. Sur cette île où 80 % du territoire est constitué de maquis et de forêts, les incendies brûlent en moyenne 1144 hectares chaque année. Face à ce risque devenu structurel, l’île de Beauté mise sur l’innovation scientifique : chercheurs, pompiers et institutions publiques ont uni leurs forces au sein du projet GOLIAT (Groupement d’Outils pour la Lutte Incendie et l’Aménagement du Territoire) afin de mieux appréhender les incendies à l’aide d’outils technologiques conçus sur mesure pour le terrain. « L’île est exposée à des conditions favorables aux feux de forêt : bien évidemment des chaleurs élevées, un taux d’humidité bas, du vent de haute intensité et des montagnes très pentues » introduit Lucile Rossi, Professeure des Universités à l’Université de Corse et co-responsable scientifique avec le Dr. Thierry Marcelli du projet. « Le réchauffement climatique amplifie évidemment le phénomène, avec des conditions qui autrefois étaient réunies sur les mois d’été et aujourd’hui s’étalent sur presque toute l’année », déplore-t-elle. 

GOLIAT : la science au service des pompiers 

Une équipe de 16 membres de l’Université de Corse et du CNRS participe au projet GOLIAT, qui mobilise plusieurs partenaires, comme les Services d’Incendie et de Secours de la Corse-Du-Sud et de la Haute-Corse, l’Office National des Forêts, le Syndicat Mixte Parc Naturel Régional de Corse, Aix-Marseille Université et l’agence Arobase. « C’est un projet étalé sur quatre ans, financé par l’État et la Région. Un de ses objectifs était de développer des prototypes d’outils qui pourraient être utilisés par des opérationnels, notamment les sapeurs-pompiers de l’île. Il ne s’agit pas d’un projet de recherche mais d’un projet multi partenarial dont les objectifs répondent à des besoins énoncés par ces opérationnels », décrit notre interlocutrice. 

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Recenser les feux passés pour lutter contre les incendies en Corse 

 Ces institutions se fondent sur l’expérience accumulée lors des incendies passés. « Le premier outil monté dans le cadre du projet a été de créer une base de données associée à un outil de visualisation sur Internet d’informations dédiée aux feux ayant eu lieu en Corse. Nous les visualisons sous la forme d’une interface web, l’outil permet de dessiner les contours des feux et de connaître toutes les données exceptionnelles qui leur sont rattachées : vents, conditions météo, position etc. », décrypte l’experte. 

Un simulateur de comportement et d’impact des incendies 

 L’équipe Feux de l’UMR Sciences Pour l’Environnement travaille sur le développement de modèles de comportement de feux depuis plus de 30 ans. Dans le cadre du projet GOLIAT, un des outils a été le développement d’un simulateur de comportement et d’impact de feux de végétation intégrant la dernière version du modèle développé. Il s’agit d’analyser finement les dynamiques d’un incendie pour en créer des modèles. « Notre équipe de recherche est spécialisée dans le développement d’un modèle de comportement qui utilise des équations mathématiques. Ce modèle prédit l’évolution d’un incendie et la quantité de chaleur qui va s’en dégager. Dans le cadre du projet GOLIAT une couche informatique a été associée au modèle de comportement afin de créer un simulateur ». C’est-à-dire un dispositif numérique conçu pour guider les intervenants sur le terrain.  

Un guide pour les parcours du brûlage dirigé en sous-bois 

Pour prévenir les incendies, la technique du brûlage dirigé figure parmi les méthodes les plus efficaces. « Nous avons un territoire aujourd’hui moins occupé qu’auparavant. Les zones tampons qui pouvaient stopper le feu ont disparu pour la grande majorité d’entre elles. Il faut donc réaménager, notamment grâce aux brûlages dirigés », reprend Lucile Rossi. Un guide de parcours de cette méthode a donc été créé, il s’adresse aux opérationnels et regroupe des données et recommandations obtenues à partir d’un travail collaboratif entre l’Université de Corse et l’Office National des Forêts notamment dans le cadre du projet GOLIAT, c’est là le troisième outil développé dans le cadre du projet GOLIAT. 

Géolocalisation de points chauds par drone : une innovation brevetée  

 Enfin, afin de mieux appréhender les incendies, GOLIAT propose un système de géolocalisation de points chauds de feu. « Quand un feu de forêt est stabilisé, il faut le surveiller pendant des jours en mobilisant de nombreuses ressources humaines pour détecter d’éventuelles reprises de feux dues à des points incandescents qui restent ou se réactivent. Notre outil est un système associant un drone et des logiciels qui, sur la base d’un espace défini sur Google Maps, va scanner cette zone en acquérant des images de l’infrarouge et les traiter afin de détecter et de géolocaliser les points chauds avec pour chacun d’eux le calcul de leur position GPS et de leur température qui peut être transmises aux opérationnels pour qu’ils puissent intervenir », reprend la chercheuse. Une innovation brevetée. « Les sapeurs-pompiers corses ont depuis le mois de juillet 2024 ce produit en main. Ils ont exprimé une satisfaction totale. Il faut désormais trouver une stratégie commerciale, mais on bascule sur un monde qui n’est plus la recherche », conclut-elle. Passer le relais au terrain.