Publié le 09.12.20 - Temps de lecture : 3 minutes

Ville éponge : une solution pour tirer parti des inondations ?

Les villes sont confrontées à une double nécessité : se protéger contre les dangers météorologiques et répondre aux besoins en eau des habitants et industries. Néo-concept né en Chine, le concept de ville éponge pourrait-il durablement aider la ville à tirer profit des eaux de pluie torrentielles ?

Chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule « le Jour du Dépassement », basé sur les données de 200 pays. Il s’agit de la date à partir de laquelle notre empreinte écologique dépasse les ressources que l’écosystème naturel est capable de produire. Si ce jour devait initialement être fixé à fin juillet cette année, il a reculé de trois semaines depuis la crise sanitaire, qui a ralenti la productivité mondiale et fait chuter notre empreinte carbone.

Mais ce sursis exceptionnel ne change pas le cœur du problème : à mesure que les ressources naturelles se raréfient, les intempéries climatiques se multiplient. Alors que plus de 79% de la population française vit dans une aire urbaine selon l’INSEE, les villes sont soumises à deux enjeux primordiaux et complémentaires : la bonne gestion de l’eau et la protection contre des intempéries violentes. Le concept de ville éponge pourrait ainsi répondre à ces deux problématiques simultanément.

La ville éponge, kézako ?

Le même scénario se répète dans toutes les métropoles du globe : le béton imperméabilise les sols, déréglant ainsi le cycle naturel de l’eau. Si l’eau ne s’infiltre plus dans les nappes phréatiques, la seule évacuation possible passe alors par le drainage, à la fois complexe et coûteux pour les collectivités dans sa mise en place et son entretien. Les fortes pluies entraînent de plus des risques de pollution en saturant le réseau public, puisque les eaux de pluie se mêlent aux eaux domestiques lorsqu’elles sont rejetées dans la nature.

« C’est surtout à l’échelle locale que la préservation de l’eau se joue. Ainsi, une mairie qui n’encourage pas dès aujourd’hui les économies d’eau prend le risque, demain, de ne plus pouvoir accueillir de nouveaux habitants. Ses principaux leviers pour économiser l’eau sont d’une part la réduction des fuites sur les réseaux d’eau potable, et d’autre part la diminution des consommations aux points d’usage », affirme Gabriel Della-Monica, fondateur d’Hydrao.

En s’inspirant du fonctionnement des marécages, la ville éponge se protège des intempéries grâce à une régulation naturelle. Les zones humides améliorent la résilience de la ville en luttant contre la formation d’îlots de chaleur en plus de drainer les eaux pluviales. C’est la Chine qui en 2014 a popularisé le programme “sponge cities” avec les villes de Wuhan et d’Harbin. Pour rendre sa perméabilité à la ville, les solutions sont multiples : création de toitures végétalisées, de parcs, marais ou encore de lacs urbains. L’utilisation de béton poreux lors de la construction des routes peut également servir à la bonne gestion de l’eau en ville, au même titre que la création d’aires de jeux pour enfant pouvant se transformer en bassin de rétention en cas d’inondation.

La renaturation, par la création d’écosystèmes denses et vivants, régule également à moindre coût les effets négatifs de l’artificialisation des sols. “Renaturer, c’est aussi permettre de mieux gérer les eaux pluviales en favorisant un écoulement via la désartificialisation : on alimente la nature (plantes et nappes phréatiques) via une infiltration douce, par exemple grâce à des noues, plutôt que des tuyaux. Avec les épisodes de pluie assez violents que nous subissons et qui étaient anecdotiques il y a encore 20 ans, c’est une nécessité pour éviter des travaux très lourds d’évacuation de ces eaux de pluies« , nous explique Andrea Kiss, vice-présidente en charge des espaces publics, de la voirie et du Fonds d’Intérêt Communal pour la métropole de Bordeaux.

Aligner l’offre à la demande

Selon les projections de l’OCDE, à l’horizon 2050 plus de 40% de la population mondiale sera soumise à un stress hydrique élevé sur son territoire : la demande en eau serait donc plus forte que l’offre disponible. À l’échelle planétaire, la demande d’eau augmenterait ainsi de 55% entre 2000 et 2050. Alors que la bonne gestion de l’eau devient critique pour la population mondiale, la ville éponge apparaît comme un modèle de résilience en privilégiant un stockage naturel de l’eau. La perméabilité de la ville permet en effet de remplir à nouveau des nappes phréatiques asséchées par l’urbanisation.

Intégrer la gestion de l’eau dans les politiques d’urbanisme répondrait ainsi à trois besoins primordiaux pour les collectivités. D’abord elles se protégeraient contre les intempéries climatiques (inondations et canicules) grâce aux écosystèmes ; ensuite elles diminueraient considérablement leur consommation d’énergie en privilégiant un drainage naturel de l’eau et enfin elles anticiperaient sur les besoins en eau qui augmentent sans cesse. La ville éponge apparaît alors comme une station d’épuration naturelle à ciel ouvert répondant aux grands enjeux urbains et climatiques à venir.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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