Publié le 17.02.20 - Temps de lecture : 3 minutes

Le « tiers-demandeur », un coup d’accélérateur pour la reconversion des anciens sites industriels

Refaire la ville sur elle-même, la transformer plutôt que l’étendre au détriment d’espaces naturels, cette préoccupation s’est affirmée au fil des années comme un point majeur de convergence pour l’ensemble des acteurs de la Ville. À l’heure où celle-ci bénéficie, à la faveur des élections municipales à venir, d’une mise en lumière plus vive encore, force est pourtant de constater qu’elle peine souvent à se concrétiser du fait de la complexité qu’implique une intervention d’envergure en milieu urbain constitué.

Plus simple en théorie, la reconversion d’anciens sites industriels a quant à elle longtemps buté sur le coût lié à la dépollution des sols, le temps mobilisé pour une telle opération ainsi que sur l’étroite imbrication des régimes de responsabilité des différentes parties prenantes à un tel projet. C’est du reste sur la base de ce constat que le législateur a, avec la loi ALUR, instauré en 2014 la procédure dite du « tiers-demandeur ». Une nouvelle manière de faire la Ville, qui prend son essor par des opérations emblématiques, à l’image de la requalification de l’ancien site PSA de La Garenne-Colombes dans les Hauts-de-Seine.

Le « tiers demandeur », qu’est-ce que c’est ?

Telle que définie à l’article L 512-21 du Code de l’Environnement, cette procédure permet à un porteur de projet, aménageur ou ensemblier urbain, de se substituer, avec l’accord du représentant de l’Etat dans le département et celui de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, à l’industriel dernier exploitant d’une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) et d’assumer en ses lieu et place les obligations découlant de la cessation de son activité. Elle permet dès lors deux avancées majeures.

D’une part, là où le droit exigeait dans le cas d’une reconversion en ensemble d’habitations deux campagnes de dépollution distinctes, la première à la charge du dernier exploitant destinée à la remise en état du site, la seconde, à la charge du porteur de projet, visant à sa mise en compatibilité avec son usage futur, l’ensemble des opérations peuvent désormais être entreprises dans le cadre d’une seule et unique campagne, permettant ainsi d’en réduire très nettement à la fois le coût et la durée.

D’autre part, elle permet de sécuriser juridiquement l’opération en garantissant dès la phase amont, le respect de l’ensemble des intérêts en présence. Dans un premier temps, il appartient au porteur de projet d’obtenir l’accord de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, mairie ou EPCI, ainsi que celui du dernier exploitant quant à l’usage futur du site. Vient ensuite la question du transfert de responsabilité à proprement parler qui est prononcé par le préfet sur la base d’un dossier comprenant notamment une présentation de l’état des sols, une estimation du montant et de la durée des travaux ainsi qu’un état des capacités techniques et financières du porteur de projet. Protection supplémentaire pour la collectivité, une garantie financière équivalente au cout des opérations de dépollution du site, est également remise au préfet par le tiers demandeur avant le démarrage des travaux.

La requalification de l’ancien Site PSA de La Garenne Colombes, le « tiers demandeur » en pratique

Propriété de PSA depuis 1936, le site de La Garenne-Colombes a d’abord accueilli un atelier de mécanique et de ferronnerie, transformé successivement en usine de construction automobile à partir de 1955 puis en centre de recherche et développement pendant les années 1980, une activité que le groupe décide, en 2017, de transférer sur d’autres pôles de la région parisienne.

Ce départ ouvre alors la voie à la requalification du site pour laquelle le projet présenté conjointement par Nexity et ENGIE est retenu en mars 2018 : un écoquartier de 9 hectares, exemplaire au plan écologique et mixte dans ses usages puisqu’il accueillera à la fois des immeubles d’habitation, des équipements publics et des bureaux, en l’occurrence le futur éco-campus d’ENGIE de 136000m², et un ilot mixte de logements, une succursale automobile de PSA, un centre bus RATP autours d’un parc de plus de 2 ha.

Plusieurs éléments plaident alors pour le recours à la procédure du tiers-demandeur : un consensus de départ quant au changement d’usage du site, une volonté de PSA de transférer la remise en état au titre des ICPE, une documentation technique importante permettant à Nexity et ENGIE de se positionner en amont du projet urbain sur les mesures à engager pour la réhabilitation du sol, ainsi qu’un calendrier ambitieux en ce qui concerne la réalisation du projet du nouveau campus en 2023.

Après avoir obtenu l’accord de la collectivité quant à l’usage futur du site, le groupement Nexity-ENGIE obtient le 12 août 2019, l’arrêté préfectoral autorisant sa prise de responsabilité du site en qualité de tiers-demandeur, permettant ainsi la libération du site par l’industriel malgré une ICPE toujours active, pour le groupement, d’engager sa remise en état sans séquençage du chantier et pour la collectivité, de bénéficier d’un haut niveau de garantie tant en ce qui concerne le contenu que la réalisation effective des opérations de dépollution.

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